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Yannick Jadot : « Je suis le dernier des “Mohicons” »
vendredi, 12 février 2016 / David Solon /

Président de l’association des Amis de Terra eco Ancien directeur de la rédaction de Terra eco

Pour l’eurodéputé Europe Ecologie - Les Verts, l’entrée de Cosse, Pompili et Placé au gouvernement est « pathétique ». Quant au référendum pour Notre-Dame-des-Landes, il pourrait inaugurer la « démocratie environnementale ».

Terra eco : L’annonce d’un référendum local sur la réalisation du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes est-elle une bonne nouvelle ?

Yannick Jadot : A ce stade, je n’en sais rien. Je dirais oui dans l’absolu, car c’est une opportunité d’expérimenter la démocratie environnementale. Mais attention aux modalités ! Pour moi, il y a plusieurs conditions indispensables à réunir pour que cet outil de démocratie fonctionne. D’abord, il faut une étude sensée sur les coûts-bénéfices d’une telle infrastructure. Ensuite il faut une étude approfondie sur l’optimisation de Nantes-Atlantique (l’infrastructure déjà existante, ndlr). Puis il faut intégrer dans cette réflexion les schémas régionaux de transport, et notamment la desserte Rennes-Paris. Enfin, il faut un débat public digne de ce nom, ponctué par un vote qui s’échelonne sur les deux régions concernées : Bretagne et Pays de la Loire.

Sans ces préalables, la consultation n’aurait pas de sens ?

Je crains en effet que cette idée de référendum qui turbinait depuis des semaines à l’Elysée soit faite à la va-vite. On a eu tellement d’occasions par le passé de sortir par le haut de ce débat… Organiser un référendum à six mois d’une présidentielle, on est bien d’accord que c’est un timing qui n’est pas idéal. Maintenant, je pense que la Commission nationale du débat public (CNDP) est tout à fait capable de mener cette réflexion et d’organiser la consultation. Il faut juste que les modalités soient claires et pertinentes, ce que j’ignore à ce jour et ce à quoi ce gouvernement ne nous a pas habitués depuis le début du quinquennat.

Le gouvernement, parlons-en ! Vos amis y retournent…

Que dire… C’est du débauchage d’opportunistes et un terrible aveu de faiblesse pour Hollande qui ne parvient même pas à ses fins à travers un accord direct avec Europe Ecologie - Les Verts mais par de tristes tractations. Alors, pour ce qui est de Jean-Vincent [Placé] et de Barbara [Pompili], il y a zéro surprise. Ça fait tellement de mois qu’ils rabâchent partout leurs ambitions de carrière…

C’est un peu différent pour votre secrétaire nationale, Emmanuelle Cosse. Elle vous lâche en rase campagne, non ?

Tout cela est pathétique, oui. Emmanuelle a agi contre le parti et sans venir confronter sa décision avec nous. C’est la suite d’un mouvement politique qui se vide et qui a perdu son esprit d’origine. Je crois d’ailleurs que je suis le dernier des « Mohicons ». Cohn-Bendit, Besset, Durand, Bové ne sont plus là... Alors bien sûr que ceux qui ont accepté d’entrer au gouvernement vont essayer de faire des choses de l’intérieur. Mais qu’espérer à quelques mois de la présidentielle quand on connaît la fibre écologique de ce gouvernement ? L’écologie politique, je crois, consiste à secouer les clientèles, bousculer les certitudes qui reposent sur de vieilles visions, comme la croissance telle qu’on l’a toujours connue. Je ne suis pas persuadé que ce soit l’état d’esprit à l’intérieur de ce gouvernement et si près de 2017.

Le président Hollande a tout de même rappelé ce jeudi soir que l’environnement était, avec l’emploi et la sécurité, le maître-mot des derniers mois de son quinquennat…

Et ? Vous croyez que cela l’oblige à quoi que ce soit ? Tous les chefs d’Etat disent cela et ce n’est pas pour autant que les choses avancent. Regardez les investissements dans le renouvelable l’année dernière : en baisse ! Regardez la crise agricole : on baisse les cotisations sociales ! Regardez le nucléaire : on concentre les financements ! Allez, je vais même faire des compliments à Nicolas Sarkozy : quand il était président, il a au moins fait le Grenelle de l’Environnement (en 2007, ndlr). Manque de chance, quand il sort son livre il y a un mois, il oublie d’en parler alors que, même si à l’époque c’était opportuniste, c’était plutôt réussi… Pathétique.

On vous sent totalement désabusé, Yannick Jadot…

Vous savez, quand je me promène dans la rue, on me dit : « Bravo pour vos combats sur le terrain, sur les gaz de schiste, sur les OGM, sur le nucléaire… mais arrêtez avec les ambitions personnelles dans votre parti. » Cette maudite échelle nationale dans laquelle on court après sa propre réélection et son propre plan de carrière est infernale. Notre mouvement est en fin de cycle. Il faut juste espérer que nous allons finir par rebondir.

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