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A Roubaix, le succès du « zéro déchet » à la carte
jeudi, 11 février 2016 / Natacha Delmotte

Depuis plus d’un an, plus d’une centaines de familles volontaires s’essayent à alléger leurs poubelles avec l’aide de la mairie. Un succès environnemental, économique et social qui repose sur un principe : pas de contraintes !

Depuis un an, Roubaix a un point commun avec San Fransisco aux Etats-Unis et Capannori en Italie : le « zéro déchet ». De novembre 2014 à novembre 2015, 101 familles volontaires se sont lancé le défi de réduire de moitié leur production de déchets, avec l’aide de la mairie. Au bout du chemin, le bilan est positif : 40% de poubelles en moins en moyenne.

« La volonté politique est déterminante pour mener à bien ce type de projet », explique Alexandre Garcin, adjoint au maire au développement durable à l’origine de la démarche. Entré au conseil municipal après les élections de 2014, il décide de mettre en place ce qui était alors une promesse de campagne. « L’idée était de s’attaquer à la saleté de la ville de Roubaix », souligne Audrey Leclercq, responsable du service développement durable de la ville.

Mais avec 306 kg de déchets ménagers produits par an et par habitant, « la montagne est haute ». Il faut choisir par quel côté commencer l’ascension. Le défi famille est le projet le plus rapide à mettre en place. L’initiative est originale car la ville n’est pas chargée de la gestion de ses déchets, qui revient à la métropole. « Cela donne une vision différente : on a une approche globale du territoire et non pas une approche technique », poursuit Audrey Leclercq. En connaissant la ville, ils ont pu imaginer une démarche incitative pour les habitants.

A Roubaix, le premier principe du « zéro déchet », c’est l’absence de contraintes. Les familles se sont toutes engagées volontairement. L’aventure commence par la prise de conscience : la première semaine, chaque foyer a pour tâche de peser ses poubelles… sans changer ses habitudes. La mairie leur propose ensuite – via des ateliers, par exemple – des pistes pour réduire leur poids. L’objectif est de trouver des astuces qui permettent de diminuer la quantité de déchets produits, sans trop d’impacts sur le mode de vie.

Une démarche accessible

Si un an après son lancement, l’opération est un succès, au départ, les participants ne se sont pas engagés corps et âme dans le « zéro déchet » à la manière de la référence en la matière : Béa Johnson. Cette Française installée aux Etats-Unis s’y est mise en 2008 et ne produit depuis qu’un litre de déchets par an avec sa famille de quatre personnes ! Mais elle n’inspire pas vraiment les Roubaisiens. « Quand j’avais vu Béa Johnson avec son bocal de déchets pour l’année, j’avais eu peur », avoue Marie-Noëlle Vuillerme, conseillère commerces « zéro déchet », qui a fait partie des 101 premières familles volontaires. Chez Andrée Nieuwjaer, ambassadrice de ces mêmes familles, le constat est le même : « Je ne veux pas critiquer, chacun fait comme il veut, mais il ne faut pas que ça devienne une contrainte pour l’entourage, et notamment pour les enfants. »

A les entendre, réduire ses déchets ne semble pas si difficile. « Si nous, on y est parvenus, tout le monde peut le faire, affirme Françoise Guillevec, qui vit pourtant avec son mari et six adolescents dont ils ont la charge en tant que famille d’accueil. On n’est pas des ayatollahs, mais au final, c’est pas plus difficile de faire bien que de faire mal. » Pour réussir, il suffit d’y aller étape par étape. Chez les Guillevec, on a commencé par faire plus attention au tri et à acquérir certains réflexes (compost, réparation des objets cassés…) Andrée Nieuwjaer, elle, a d’abord réduit ses poubelles en consommant de façon plus raisonnée, avant de se mettre à fabriquer elle-même ses produits ménagers. Mère de jeunes enfants, Marie-Noëlle Vuillerme aime donner une seconde vie aux objets. Son astuce à elle ? Les couches lavables, « parce que les couches jetables pèsent lourd ».

« Parler des déchets, c’est parler de notre manière de vivre », explique Audrey Leclercq, et notamment du gaspillage « absurde », notamment de l’eau. « Lorsque je suis allée en Afrique du Sud, ils voulaient passer d’un point d’eau pour 200 familles à un pour 50. Nous, on a plusieurs points d’eau par famille et on prend la voiture pour l’acheter en bouteille ! » Eviter le gaspillage, c’est aussi bon pour le porte-monnaie. Avant le « zéro déchet », Andrée tenait à peine trois semaines avec son budget de 500 euros mensuels pour quatre. « Aujourd’hui, il me reste 200 euros par mois. On a pu ouvrir un livret A », confie-t-elle.

Une communauté « zéro déchet »

Depuis janvier, 100 nouvelles familles se sont lancé dans l’aventure et les anciennes ont gardé leurs bonnes nouvelles habitudes. Forte de ses 220 foyers, la démarche prend de l’ampleur au point de créer une petite communauté dans la ville. « Avant, à Roubaix, personne ne se parlait », poursuit Andrée, qui partage désormais avec les autres familles participantes. Elles se côtoient à travers les ateliers, elles partagent les bonnes astuces sur Facebook… « Des gens que je croisais auparavant sont devenus des amis », confirme Marie-Noëlle Vuillerme.

Si l’initiative en est encore à ses balbutiements, le « zéro déchet » de Roubaix voit ses efforts récompensés. Le 3 février dernier, des élus et les ambassadeurs des familles se sont rendus à l’Assemblée nationale pour recevoir le deuxième prix du trophée Eco-actions 2015, remis par l’association des Eco Maires. A presque 60 ans, Andrée n’avait jamais pris le TGV et et pas mis les pieds en Ile-de-France depuis trente-sept ans. Lors de la cérémonie, elle s’est sentie fière des efforts accomplis par les familles roubaisiennes. « Nous, on est rien par rapport à tous les gens importants qui sont venus : les patrons, Ségolène Royal… J’aurais jamais pensé que le “zéro déchet” nous conduirait jusqu’à Paris. »

A terme, Roubaix veut convaincre toute la ville. Depuis le mois de janvier, quatre écoles s’y essayent et les bâtiments administratifs réfléchissent à la manière de le mettre en place. Un label « zéro déchet » a été créé pour les commerçants et, pour l’instant, une dizaine d’entre eux ont pris part à la démarche. Avec une communauté de 650 personnes impliquées dans la démarche, « ça va devenir assez incitatif, commente Alexandre Garcin, l’adjoint au maire. On compte sur l’effet tâche d’huile ».

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