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Faites votre deuil, l’accord de Paris ne sera jamais contraignant…
vendredi, 11 décembre 2015 / François Gemenne /

François Gemenne est directeur du projet « Politiques de la terre à l’épreuve de l’anthropocène » au Médialab de Sciences Po, et chercheur en science politique à l’université de Liège et à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (CEARC). Il est notamment l’auteur de ‘Géopolitique du Climat’ (Armand Colin, 2015).

… car les Etats font exactement ce qu’ils veulent, rappelle le chercheur François Gemenne. Pour autant, le texte qui sortira de la conférence sur le climat du Bourget ne sera pas vain. Explications.

François Gemenne est directeur du projet « Politiques de la terre à l’épreuve de l’anthropocène » au Médialab de Sciences Po, et chercheur en science politique à l’université de Liège et à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (CEARC). Il est notamment l’auteur de Géopolitique du Climat (Armand Colin, 2015).

Tout le monde le répète à l’envi depuis le début de la conférence : l’accord devra être universel et contraignant. C’en est même la quadrature du cercle. Parce que ce double impératif implique que plus le niveau de contrainte sera élevé, moins l’accord sera ambitieux, y compris dans sa prétention d’universalité. A l’inverse, un plus haut niveau d’ambition impliquera logiquement un plus faible niveau de contrainte. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre.

Il faut pourtant briser un secret de polichinelle : il est impossible de contraindre les Etats à quoi que ce soit. Quoi qu’en dise le droit international, les Etats font exactement ce qu’ils veulent. Le protocole de Kyoto était un traité juridiquement contraignant, exactement comme on voudrait que le soit l’accord de la COP21. Lorsque le Canada, en 2011, a constaté qu’il ne pourrait pas remplir ses objectifs impératifs et juridiquement contraignants, il a simplement décidé de se retirer du protocole. Sans autre forme de procès. Et sans qu’aucune sanction ne lui soit appliquée. Lorsque la Hongrie a construit un mur à sa frontière avec la Serbie cet été, en violation du principe de non refoulement inscrit dans la Convention de Genève, autre texte de droit international contraignant s’il en est, il y a eu des froncements de sourcils, des déclarations indignées, mais pas la moindre sanction. La Commission européenne s’est contentée de déclarer que la Hongrie n’enfreignait pas les règles européennes – qu’importe si elle violait le droit international.

Le droit international tient largement du symbole

Il faut hélas l’admettre : en l’absence d’arbitre international, le droit international tient largement du symbole, que les Etats appliquent comme bon leur semble. Dans les négociations sur le climat, la seule vraie contrainte ne sera pas contenue dans le texte de l’accord : ce sera celle du jugement de l’opinion publique. Et de la mobilisation de la société civile. Il n’y aura pas de sanction, pas de punition.

Dès lors, on peut légitimement se demander pourquoi il est si important d’avoir un accord « contraignant », puisqu’il ne le sera de toute façon pas dans les faits. La réponse, c’est la force du symbole. Mais la réponse vaut aussi pour le niveau d’ambition : l’objectif qui figurera dans le texte final sera aussi, vraisemblablement, hors d’atteinte. Quel intérêt alors de faire figurer un objectif que l’on sait inatteignable ? Le symbole. Et on est bien ici dans une négociation symbolique, symbole contre symbole. Et du symbole au déni, la frontière est souvent mince.

Que l’accord soit ambitieux

Alors, puisque l’accord ne sera de toute façon pas contraignant, sans doute faut-il au moins qu’il soit ambitieux. S’il faut choisir.

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