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Les négociateurs montrent leur petit cœur
samedi, 5 décembre 2015 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Fin de négos, cœurs d’artichaut. Ce samedi, les pros des discussions laissaient la place aux ministres pour bûcher sur le texte de la COP21. Petite séance d’autocongratulation et d’émotion pour conclure quatre années de travail.

Et voilà, le travail est officiellement terminé pour les négociateurs de la COP21. Place aux ministres qui devront désormais trancher ce qui reste de flou, de parenthèses, d’options dans le texte aujourd’hui sur la table. Mais si les délégués se quittent après plusieurs années de travail – c’est à Durban, en 2011, que le processus vers l’adoption d’un nouvel accord avait été lancé –, ce n’est pas sans quelques trémolos dans la voix. Ce samedi 5 décembre, à l’heure de se quitter, ils ont joué sans complexe la carte de l’émotion. « Nous venons au bout d’un voyage de quatre ans. Pour Dan Reifsnyder et moi, ce fut un voyage et une expérience humaine et professionnelle inédite », a confié Ahmed Djoghlaf, le coprésident de l’ADP (Plateforme de Durban pour une action renforcée), à la tribune.

Tour à tour, ils se sont félicité du chemin accompli, s’applaudissant les uns les autres, s’envoyant des fleurs par brassées : « Tous [les négociateurs] ont accepté de mettre de côté l’intérêt national et d’œuvrer pour l’intérêt commun », a remercié Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations pour la France. « Bien sûr, on aurait pu avoir mieux, mais d’expérience nous aurions pu faire bien moins bien », a-t-elle ajouté. « On ressent un vent d’optimisme à la COP21 depuis lundi. Espérons qu’il nous porte jusqu’à la fin de cette COP », a-t-elle enfin conclu, le verbe lyrique. Pas question, à la tribune, de lésiner sur l’importance capitale du travail accompli : « J’espère qu’un jour les historiens, quand ils auront à écrire l’histoire de cette rencontre inédite dans l’histoire de l’humanité, diront que c’était le 5 décembre que les 196 Etats ont eu le dernier débat général et qu’ils se sont engagés dans les négociations pour être prêts au rendez-vous de l’histoire, et pour répondre de façon concrète à l’attente de l’humanité, à l’attente des 7 milliards d’individus qui nous regardent », a souligné Ahmed Djoghlaf.

La séance de diapos

Après une dernière salve d’applaudissements générale, l’écran géant de la plénière s’est ouvert sur une séance de vidéos (à voir ici à partir de 10:45) façon diapos de vacances vilainement attrapées par l’obturateur d’un téléphone. Au rythme d’un chant andalou, les photos des négociateurs au travail, à table, en train de rire ou dans des situations cocasses – Laurence Tubiana au volant d’une voiturette électrique, un délégué dansant devant ses collègues hilares – ont défilé sur l’écran. Tout y était : la musique, l’écran partagé en quatre, les fondus enchaînés… Et voilà que nos féroces négociateurs redevenaient bigrement humains, voire tendrement beaufs. Il faut dire qu’ils en passent des nuits et des jours ensemble. En session COP, ils bûchent, isolés de leurs familles et des autres comme une bulle de savon au dessus d’un monde en ébullition.

Une proximité parfois problématique. « Les négociateurs se côtoient depuis plusieurs années, des affinités humaines se créent, une routine s’installe », décryptait en milieu de semaine Alix Mazounie, du Réseau Action Climat. D’où l’importance de l’irruption des chefs d’Etat et de gouvernement et des ministres dans ce monde très fermé. « L’impulsion politique, ça sert à sortir les négociateurs de leur routine. Quand les chefs d’Etat viennent, ils chamboulent les choses. Le but, c’est de rappeler aux négociateurs que le travail qu’ils font est très important du point de vue politique mais aussi social », selon Alix Mazounie.

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