https://www.terraeco.net/spip.php?article62824
« Nous discutons avec le ministère pour manifester le 12 décembre »
vendredi, 4 décembre 2015 / David Solon /

Président de l’association des Amis de Terra eco Ancien directeur de la rédaction de Terra eco

Pour Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, le poids des ONG est « très limité » en raison de la fermeture des salles de négociations. Mais, une manifestation pourrait être autorisée à l’issue de la COP.

Terra eco : Les ONG servent-elles encore à quelque chose à ce moment des négociations ?

Jean-François Julliard : Oui. N’oubliez pas que nous sommes les seuls à pousser pour des mesures très ambitieuses ! Chez Greenpeace, nous luttons pour 100% d’énergies renouvelables en 2050 ! Je ne peux pas dire que c’est grâce à Greenpeace que les pays émergents défendent cette position, mais je pense pouvoir dire que nous y avons largement contribué. Comme nos objectifs sont toujours plus élevés que les Etats, eh bien cela permet de maintenir les discussions au plus haut niveau possible. Nous servons à cela. Quand nous échangeons avec une délégation et que leurs membres nous répondent : « Ah non, cet objectif est inaccessible », nous expliquons, nous argumentons et nous tentons de démontrer que ce qui semble impossible aujourd’hui ne l’est pas forcément pour l’avenir.

Mais pendant la COP, très concrètement, à quoi servez-vous ?

Nous sommes cinquante chez Greenpeace, issus de vingt nationalités différentes, ici au Bourget. On a une réunion tous les matins à 7 heures 30 où on se repartit le travail dans les équipes. Il y a des responsables pour chaque thème. Je vous donne un exemple : si le point de blocage, c’est le Brésil qui ne veut plus entendre parler d’objectif à long terme, notre mission va donc être d’aller rencontrer quelqu’un de cette délégation et de tenter de convaincre de rester sur un objectif ambitieux.

Et vous y parvenez ?

Pas toujours (sourire). Car il y a des délégations qui ont une communication avec les ONG plus facile que d’autres…

Lesquelles ?

Les Européens, par exemple. Plus faciles à voir.

Et à l’inverse ?

Les pays pétroliers ne veulent pas nous parler. Les Russes, c’est très compliqué et très langue de bois. Mais ce qui est nouveau, c’est que nous avons un bon dialogue avec les pays à forte croissance, comme la Chine, l’Indonésie, le Brésil ou l’Afrique du Sud. Ça, c’est nouveau par rapport à Copenhague, en 2009. Ce n’est pas pour cela qu’elles sont d’accord avec nous, mais au moins on a une chance d’échanger.

Mais comment pouvez-vous agir sans accès aux salles de discussion ?

C’est le vrai problème. Notre poids est très limité. Il y a tout un tas de réunions qui nous sont fermées. Alors on comprend qu’on ne peut pas assister à tout et que les Etats peuvent se parler sans témoins autour.

On ne veut pas de vous ?

A Copenhague, les ONG étaient incluses au départ, avant d’être exclues au milieu des discussions. Ici, c’est depuis le premier jour. Or, ce n’était pas le cas à Lima l’année dernière… On est mis à l’écart depuis la dernière session de Bonn et à la demande du Japon, je crois. Là, on en a parlé à la présidence française qui nous a assuré de sa compréhension, mais qui, concrètement, ne peut décider seule de tout rouvrir… Après, on ne sait jamais, si les règles sont draconiennes, elles peuvent aussi s’assouplir subitement. Ou inversement d’ailleurs, sans que l’on sache pourquoi.

L’unité des ONG est-elle complète et suffisante ? La fondation Nicolas Hulot, par exemple, fait son point presse dans son coin, la Coalition climat 21 de l’autre…

On pourrait être encore plus unis, mais nous sommes déjà bien ensemble, sans point de désaccord majeur. On a des priorités différentes, c’est tout. Oxfam est sur le financement, par exemple. Nous, sur l’énergie… Après, c’est dommage de ne pas davantage se rassembler, je suis d’accord. Mais la Coalition climat 21 est une réussite. Pour la première fois, nous avons réuni des ONG non environnementales, des syndicats ! Même si, je le répète, on peut avoir des désaccords : regardez la CGT et nous, à Greenpeace, sur la question du nucléaire…

Dernier point : la société civile, interdite de manifestation et absente dans la zone des négociations, ne peut pas vous aider…

Nous avons vu le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, jeudi soir avec Attac, Alternatiba, 350.org, la Ligue des droits de l’homme, la Coalition climat 21 et Greenpeace, pour lui demander qu’il nous laisse un espace de mobilisation le 12 décembre à la clôture de la COP. Il s’est engagé à le faire et à trouver cet espace. Ils nous a proposé un stade fermé, mais nous n’étions pas très chauds. Ce vendredi soir, nous aurons un point avec la Préfecture de police pour obtenir un tronçon de route dans Paris pour marcher. C’est important d’être là à la fin de cette COP afin que la pression puisse continuer.

A lire aussi sur Terraeco.net :
- Après les discours, les ONG positivent… prudemment