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De l’art pour mettre vos enfants dans le bain de la COP21
jeudi, 22 octobre 2015 / Cécile Cazenave

Les artistes aussi sont préoccupés par le climat. « Terra eco » a concocté pour vous un parcours pour permettre aux petits comme aux grands de réfléchir au réchauffement en regardant des œuvres d’art.

A COP moins six semaines, vous avez déjà le cerveau saturé de degrés Celsius, de parties par million de CO2, de tonnes de gaz à effet de serre, de millimètres de mer qui monte. Vous avez beau tenter d’en faire passer un peu à vos marmots, histoire de les sensibiliser à ce qui va se jouer au début du mois de décembre au Bourget, c’est too much. Il faut changer de méthode. Il faut prendre l’air. Il vous faut de l’art à la rescousse. Car, pour parler du climat et de la responsabilité des humains dans cette affaire, il n’y a pas que les scientifiques. Terra eco a ce qu’il vous faut (du moins pour les Parisiens, on s’en excuse). Nous avons plongé dans l’Agenda culturel Paris Climat 2015, proposé par le site ArtCop21, et concocté un petit parcours à faire avec vos mouflets ce week-end. Vous pourrez, en sus, crâner dans vos prochains dîners en ville.


- Etape 1/ Jardin des plantes

Le lieu idéal pour créer des passerelles entre sciences de la nature et art. Pour la cinquième année, le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) s’associe à la Foire internationale d’art contemporain (Fiac). Une vingtaine d’œuvres ont donc poussé sur les pelouses, dans la ménagerie, au pied des grandes serres. A l’entrée de la Grande galerie de l’évolution, notre coup de cœur va à « Deep Breathing – Resuscitation for the Reef », une installation de l’artiste australienne Janet Laurence. Invitée dans la station de Lizard Island, où l’Australian Museum mène des recherches pour tenter de comprendre et de sauver la grande barrière de corail australienne, Janet Laurence est revenue avec des vidéos et des idées. Elle invente, dans de grands cubes de plexiglas empilés les uns sur les autres, une unité de réanimation des coraux. Les fragiles et exsangues cnidaires, déjà blancs comme la mort, prêtés ici par le MNHN, sont mis sous perfusion, entourés de pipettes et d’ampoules médicamenteuses. Sur les côtés de l’installation, certaines branches sont pansées, comme recousues au fil rouge, et reprennent même parfois des couleurs. L’ensemble est d’une extrême délicatesse et rend à la fois triste et désireux d’inverser cette lente agonie. De quoi entamer poétiquement le débat avec les marmots.

A quelques mètres, sur une pelouse, ils pourront d’ailleurs frissonner devant l’arbre mort-vivant de Virginie Yassef. Quand la sculpture représentant un arbre coupé se met légèrement à bouger, son œuvre « L’objet du doute » semble à la fois sortir d’un film d’épouvante et nous envoyer, dans un dernier souffle, un message mystérieux. On se dégourdit les jambes jusqu’à la ménagerie. « Still library » de Gilles Barbier offrira une pause contemplative. Un bureau de lecture a été envahi par une végétation luxuriante et dévoratrice. L’Encyclopedia universalis se retrouve éventrée, dévorée par les lichens. Meubles et lampes sont colonisés par les fougères. C’est à la fois calme, un peu effrayant et incroyablement vivant. Que restera-t-il donc quand nous ne serons plus là ? La nature sans doute, encore et toujours tenace.

Jardin des plantes, 57 rue Cuvier, 75005 Paris


- Etape 2 / Le Musée de la chasse

Quatre gigantesques poêles à bois, de plus d’une tonne chacun, sont alignés dans la cour de l’hôtel de Mongelas, dans le chic IIIème arrondissement. Deux agents du musée sont en train de les charger en bûches, mais préviennent qu’on n’allumera les monstres d’acier que pour le vernissage. Il semble que les engins fument un peu trop fort pour la vieille pierre de l’hôtel particulier. Dommage, car c’est tout l’intérêt de l’installation « Stoves » de l’artiste américain Sterling Ruby, né dans une ferme de Pennsylvanie. Les poêles de son enfance qui servaient à chauffer les maisons mais aussi à éliminer les déchets de bois sur les zones de travaux forestiers se révélaient indispensables. En revanche, réchauffer l’atmosphère, en plein Paris, semble non seulement vain mais bien inconséquent. Il faudra donc imaginer la fumée sortir des tuyaux noirs pour méditer sur la gestion frivole de notre environnement, le gaspillage et la dilapidation de nos ressources. Quand les gosses auront bien tourné autour, il sera temps de les guider habilement vers l’exposition du moment, consacrée au peintre naturaliste américain Walton Ford. A la manière de planches zoologiques du XVIIIème siècle mâtinées de cartoons des années 1960, il déploie sur de grands formats, des animaux féroces et presque monstrueux. « Pourtant, les vrais animaux sauvages, ceux qui provoquent la peur primitive que j’explore dans mon œuvre, disparaissent progressivement », explique-t-il dans le texte d’introduction à l’exposition. De bons appâts donc pour discuter avec vos chérubins du risque d’extinction de la biodiversité quand on aura pris encore deux ou trois degrés dans le nez.

Musée de la chasse et de la nature, 62, rue des Archives 75003 Paris


- Etape 3 / La Cité des sciences

Deux visions – poétiques et drôles – du monde vous y attendent, vous et votre progéniture. Le collectif d’artistes les Radiolaires, lauréat du concours intitulé « Le jour où la Terre et les Terriens auront réglé le problème climatique… », ont deux projets de vie à proposer à vos descendants. Voyons celui qui les tente le plus. Le premier se présente sous le nom de « La Bulle de Cristal », une monumentale structure gonflable et transparente, à l’intérieur de laquelle s’est développé un monde à mi-chemin entre un mobile de Calder et une grande construction de Mécano. Cette délicate architecture représente le royaume des Algommes, mi-algues, mi-hommes, qui vivent à partir d’énergie solaire, produisent de l’oxygène et bâtissent un monde de bien-être, de légèreté et de contemplation. A quelques mètres est planté le « White Cube », autrement appelé WC, en réalité un échafaudage de vieux réfrigérateurs qui forment une bâtisse austère. En son cœur vit un homme-tronc qui fait de la musculation devant des écrans sur lesquels défilent des plats cuisinés d’autrefois, poulet rôti, gâteaux crémeux et dattes fourrées.

Les Algommes de l’installation d’à-côté lui fournissent de l’oxygène. L’énergie qu’il déploie en permanence, et en soufflant comme un âne, sert à faire fonctionner ses frigos et ses écrans. « En plus il a de l’asthme », lâche, un peu dégoûtée, une petite fille à l’orée du repoussant nid. C’est vrai qu’il est à la fois flippant et pathétique, ce pauvre hère à qui nous ressembleront peut-être un jour s’il ne se passe rien à la COP21. A partir de cette étape, vous êtes parfaitement mûrs pour vous replonger dans les degrés, parties par million et millimètres. Montez un étage et prenez du temps pour explorer l’exposition « Climat, l’expo à 360°C ». La journaliste de Terra eco a elle-même échoué à un quizz sur ses connaissances climatiques. Elle aurait bien juré que c’était la voix française de Bruce Willis qui lui posait les questions…

Cité des sciences, 30 avenue Corentin Cariou, 75019 Paris


AUTRES IMAGES

1. Janet Laurence, « Deep breathing - Resuscitation for the reef », 2015
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2. Virginie Yassef, « L’objet du doute »
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3. Gilles Barbier, « Still library »
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4. Sterling Ruby, « Black Stoves »
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5. Walton Ford, « La Bête jouant avec un chien de chasse »
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6. Les Radiolaires, « La Bulle de Cristal »
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7. Les Radiolaires, « Le White Cube »
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