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J’ai testé : un mois sans sucre
mercredi, 23 septembre 2015 / www.clairelenestour.com

Ni diabétique ni allergique, j’ai pourtant profité de l’été pour entamer une détox. Au menu : décorticage d’étiquettes, frustrations et découvertes gourmandes.

Chacun son truc pour les cartes postales. Le mien, c’est la nourriture. On peut raconter les cookies croqués sur la plage ou les glaces qui dégoulinent sur les sandales. Qui dit vacances dit aussi apéro, grillades et défilé de sauces. Sauf que, cet été, j’ai décidé d’arrêter le sucre. Les caries et les bourrelets ? C’était déjà lui. Et voilà que, depuis quelques années, on découvre ses effets sur notre humeur et l’éclat de notre peau. Des chercheurs planchent même sur le lien entre sa consommation et certains cancers et maladies neurodégénératives. Autrefois utilisé avec parcimonie, le sucre s’est imposé dans nos repas depuis que l’Amérique et les Antilles se sont lancées dans la production massive au XVIIe siècle.

Dans la vie, il y a deux clans. Ceux qui tueraient pour un verre de pinard et quelques morceaux de fromage. Et ceux qui ont les yeux qui brillent devant les vitrines des pâtisseries. Manque de bol, je fais partie de ceux-là. Gourmande dans l’âme, addicte au chocolat et apprentie pâtissière à mes heures perdues. Mes premiers jours sans sucre ont donc été durs.

Frustrée comme une gamine de 10 ans

Au petit-déj, fini, les tartines de confiture ou de pâte à tartiner. Exit aussi les viennoiseries. Il faudra se contenter de pain complet et de beurre salé. Côté boisson, les jus industriels resteront au placard. Même l’orange pressée passe à la trappe. Elle ne contient pourtant que du sucre naturel, me direz-vous. Oui, mais j’ai décidé de suivre les conseils de Charlotte Debeugny, une nutritionniste anglaise qui livre une bataille anti-sucre depuis Paris. Dans son livre Comment j’ai décroché du sucre (Marabout, 2015), elle explique qu’entier le fruit contient des fibres qui ralentissent sa digestion. Pressé, il se transforme en « supercarburant » bourré de calories inutiles qui ne rassasient pas. C’est un cercle infernal : lorsqu’il trouve le niveau de sucre dans le sang trop élevé, le pancréas suscite la sécrétion d’insuline qui, elle, déclenche le stockage du sucre dans nos cellules. Le niveau dans le sang de ce dernier tombe alors rapidement, le corps en demande de nouveau. Et on a encore faim…

Le plus dur commence à la fin des repas, quand vient la question fatidique : « Qui veut quoi en dessert ? » Faire une croix sur les crèmes brûlées, les pâtisseries ou les yaourts aromatisés, soit. Mais se contenter d’un fruit ou d’un yaourt nature quand le voisin de table rugit de plaisir à chaque cuillerée de mousse au chocolat est un supplice. Jour après jour, l’heure du dessert perd de sa superbe. Mais il y a pire que les fins de repas à la maison : les fins de repas à l’extérieur. Quand le petit cousin souffle ses bougies sur une tarte achetée chez le meilleur pâtissier du coin, je suis un personnage de dessins animés tiraillé entre ange et démon. En société, à moins d’être malade, expliquer ses choix alimentaires relève du parcours du combattant. Il y a toujours des sceptiques et des saboteurs pour proposer un délicieux muffin avec un carré de chocolat blanc qui ne demande qu’à fondre en plein cœur. Encore plus pernicieux : une sortie crêperie avec un couple d’amis. Une blé noir et une froment, c’est la règle. J’aurais pu opter pour l’insipide crêpe au beurre mais j’ai cédé à la tentation du chocolat. Sans regret : la crêpe citron de mon sage voisin avait quelques grains de sucre en décoration. Quitte à craquer, autant le faire bien, non ?

J+7 : c’est officiel, je suis frustrée comme une gamine de 10 ans privée de dessert alors qu’elle a fini son assiette d’épinards… J’ai déjà opté pour la facilité en choisissant de mener mon expérience en été quand les fruits de saison pourraient, les yeux fermés, passer pour des bonbons. Par simplicité, j’avais pensé supprimer tout autre aliment sucré de mon alimentation. Erreur. D’abord parce que ma dépendance est plus forte que je ne le croyais. Ensuite parce que certains aliments, pourtant salés, contiennent du sucre, pour des questions de goût ou de conservation. Il suffit de passer dans les rayons plats préparés ou biscuits apéritifs d’un supermarché pour le constater, à condition de savoir lire les étiquettes. Car le sucre se cache. Saccharose, glucose, fructose, maltose, lactose, dextrose… La chasse commence par les suffixes en « ose ». A cela faut-il encore rajouter les sirops en tout genre, tels l’extrait de canne ou la mélasse. Pas facile. Et, pour compliquer la tâche, la plupart des tableaux de valeurs énergétiques et nutritionnelles ne font pas la différence entre sucres naturels et sucres ajoutés. Un yaourt nature de 100 grammes contient ainsi près de 4 g de lactose. C’est du sucre naturel. Mon préféré affiche, lui, 13 g de sucre pour 100 g. Une soustraction me suffit à comprendre que, s’il est meilleur, c’est parce qu’on y a ajouté près de trois cuillerées de sucre par pot ! Le ketchup dépasse les 18 g de sucre ajoutés pour 100 g, le pain industriel frôle les 10 g. Pourtant, un adulte devrait se limiter à 20 g de sucres ajoutés par jour. Mieux vaut donc cuisiner maison.

Merci le maltitol

Faut-il remplacer le sucre par l’aspartame, la saccharine ou un autre édulcorant artificiel ? Bof. J’opte pour les sucrants naturels (miel, stévia, noix de coco…). Apprentie chimiste, je revisite mes classiques à mesure que les forums de cuisine pour diabétiques remplissent mon historique de navigation. La carotte mixée passe inaperçue dans le gâteau à la poudre de cacao amer et la pomme broyée fait l’affaire dans les cookies. J’arrive même à me préparer un bac de crème glacée vanille et miel de thym pour cesser de saliver devant le dessert de mes compagnons de tablée.

Puis il y a cette découverte : le maltitol, dégoté un jour de disette où j’ai visité une boutique de bonbons sans sucre ni édulcorant, ouverte il y a cinq ans par les parents d’une jeune diabétique dans un quartier chic de Paris. On y trouve des sucreries à 3 euros le sachet, du chocolat et même de la pâte à tartiner à 7 euros. Tous contiennent du maltitol, un glucide naturel issu du blé ou du maïs. Quelques pâtissiers l’utilisent dans les hôtels de la capitale. Etrangement, c’est plutôt à l’étranger que la poudre made in Nord-Pas-de-Calais a la cote. Les bonbons sont espagnols ou hollandais. « C’est une question de culture mais peut-être aussi de lobby de l’industrie », avance Christine Ivetich, la gérante. Sur ses conseils, je débourse 8 euros pour 400 g de poudre et teste un gâteau où 100 g de sucre laissent place à 75 g de maltitol. Goût, texture… le résultat est bluffant.

Après un mois, ma balance affiche 2 kilos en moins. Vu la tablette de chocolat qui attend ma rupture de « jeûne », je ne suis pas certaine d’être guérie. Au fil de mes lectures, j’ai tout de même trouvé des astuces pour affronter les pulsions qui surviennent en cas de stress, fatigue ou coup de mou. Boire un verre d’eau. Bof. Passer un coup de fil. Envahissant pour les amis cobayes. Ouvrir un flacon d’arôme vanille et le sniffer les yeux fermés… Efficace mais pas très glorieux à raconter. Du coup, cette année, personne n’a reçu de carte postale. —



Zéro sucre

Danièle Gerkens, journaliste à Elle, raconte son année sans sucre dans Zéro sucre (Les Arènes, 2015). Un témoignage rafraîchissant ponctué d’infos scientifiques, de craquages et de recettes.

Zéro excuse

Si le café noir vous fait grimacer, essayez chaque semaine de diviser la quantité de sucre que vous y versez. Les papilles se renouvellent tous les quinze jours. Elles finiront par s’y faire !

Zéro secret La base de données Open food facts répertorie la composition de milliers d’aliments et les note en fonction de la quantité de sucre qu’ils contiennent.