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Odon Vallet : « Si le pape n’avait pas pondu cette encyclique, on aurait pu le lui reprocher »
mercredi, 17 juin 2015
/ Amélie Mougey
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192 pages, six chapitres, deux prières, le tout pour défendre une « écologie humaine ». Ce jeudi, le pape François présente son encyclique. L’historien des religions Odon Vallet explique le pouvoir de cette lettre.
Il cloue le bec aux climato-sceptiques, blâme « la consommation compulsive », fustige « la culture du déchet », réclame un changement « de style de vie, de consommation et de production », appelle « au courage » les pays les plus puissants et les plus polluants et leur rappelle leur « dette écologique ». Dans l’encyclique Laudato si (Loué sois-tu), la première lettre d’enseignement qu’il rédige seul, le pape François plaide pour une « écologie intégrale ». Ce texte de 192 pages, attendu pour ce jeudi 18 juin, a fuité dans la presse italienne dès le 15, dans une version non aboutie selon le Vatican. Les grands principes dévoilés seront-ils suivis d’effets ? L’historien des religions Odon Vallet décrypte, en remontant dans le temps, ce qu’on peut attendre d’un tel document.
Odon Vallet : Les papes écrivent une encyclique en moyenne tous les trois ans. Ces lettres, dont la publication constitue les moments forts d’un pontificat, sont souvent destinées à la seule communauté catholique. Avec l’encyclique Laudato si, le pape François a décidé de ne pas s’adresser qu’au 1,2 milliard de catholiques mais à l’ensemble de la planète, soit à 7,1 milliards d’individus, croyants ou non. C’est l’ampleur du problème qui dicte ce choix. Pour la première fois, un pape se penche sur l’avenir de l’humanité, sur les menaces qui pèsent sur les conditions de la vie humaine sur terre. Dans les textes de ses prédécesseurs, l’environnement, l’écologie et le rapport de l’homme à la nature n’étaient évoqués que par petites touches. C’est la première fois que la plus haute autorité de l’Eglise se saisit de cette question.
Ce texte aurait-il pu aller plus loin ?
Le pape raisonne sur nos modes de consommation, et non sur le nombre d’êtres humains qui consomment. Le gros reproche qu’on peut faire à l’Eglise, et pas uniquement catholique, c’est de sous-estimer le problème démographique. Pour le Vatican, plus il y a de bébés, mieux c’est. Abraham voulait que ses descendants soient plus nombreux que les grains de sable. Toutes les religions se basent sur des textes écrits il y a 1500, 2000, 2500 ans, à une époque où les hommes étaient si peu nombreux que la moindre épidémie pouvait faire périr l’humanité. Dans ces circonstances il fallait faire des enfants pour assurer sa survie. Aujourd’hui, la situation s’est renversée, nous sommes sept fois plus nombreux qu’il y a 100 ans, 70 fois plus nombreux qu’à l’époque de Jésus.
Le seconde limite de cette encyclique, c’est l’accent mis sur la responsabilité des pays aisés. En s’attaquant aux pays développés, le pape semble oublier que les pays pauvres ont aussi une responsabilité. Cette lecture de l’enjeu climatique revient à faire comme si les centrales à charbon en Chine, les mégalopoles qui naissent en Afrique ou la culture sur brûlis n’existaient pas.
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(Crédit photo Odon Vallet : Thierry Ardouin - Tendance Floue)
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