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Six regards sur les nouvelles familles
jeudi, 28 mai 2015 / Laure Noualhat /

Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet.

De la France au Royaume-Uni en passant par l’Inde, morceaux de vie de couples homos, hétéros et de célibataires, avec des enfants ou essayant d’en avoir.

Niki, 37 ans, est mère porteuse au Royaume-Uni.

« J’ai porté deux bébés pour deux couples britanniques dont les femmes avaient été privées d’utérus, l’une suite à une chimiothérapie, l’autre à une malformation congénitale. J’ai déjà eu deux enfants et je suis toujours touchée par la détresse de ceux qui ne peuvent en avoir. Je n’ai aucun lien génétique avec les petits car nous avons utilisé un embryon issu de l’ovocyte d’une donneuse et du sperme du mari. Dans les deux cas, ce ne sont pas mes enfants. Je ne fais pas cela pour gagner de l’argent : j’ai touché environ 1 000 à 1 500 euros par mois selon les mois, c’est un dédommagement pour “l’occupation”’ de mon corps, les examens médicaux, etc. Au Royaume-Uni, c’est un service que l’on rend, ce n’est pas un business. »

Elodie, célibataire, 42 ans, voudrait adopter.

« Je n’ai jamais eu envie d’enfant avant. Comme aujourd’hui je suis sans compagnon, je me suis naturellement tournée vers l’adoption. De toute façon, je n’ai pas le droit d’accéder à la procréation médicalement assistée (PMA), c’est réservé aux hétéros infertiles. Je pourrais bien faire un enfant dans le dos d’un mec, mais je n’en veux pas à n’importe quel prix non plus ! Je suis actuellement dans le processus pour obtenir un agrément qui me permettra d’adopter un enfant, mais dans mon département on m’a déjà expliqué clairement que les femmes seules n’étaient pas prioritaires. Je réalise aussi que peu de pays acceptent les candidats à l’adoption célibataires. Je tente le coup. Si jamais cela ne marche pas, je n’en ferai pas une jaunisse : à mon âge, il est peut-être temps de passer à autre chose… »

Marie, 35 ans, et Carole, 40 ans, en couple depuis cinq ans.

« Comme la PMA nous est interdite, nous souhaitons aller en Belgique ou en Espagne pour avoir un enfant. Là-bas, les cliniques acceptent de nous prendre en charge. Nous voulons toutes les deux participer à sa conception, voilà pourquoi Carole portera notre enfant, mais ce sera mon ovocyte qui sera utilisé pour la fécondation in vitro (FIV). Nous utiliserons le sperme d’un donneur anonyme. Tout cela demande une énergie de dingue, un peu de moyens et beaucoup de temps, nous n’en sommes qu’au début du parcours. »

Barrie Drewitt-Barlow, patron du Centre britannique de gestation pour autrui, une agence de mise en relation, 47 ans.

« Avec Tony, nous nous sommes rencontrés il y a vingt-sept ans. Après dix années ensemble, nous avons voulu fonder une famille. Seule option pour nous : la gestation pour autrui. C’est ainsi que nous avons eu cinq enfants : Saffron, Orlando, Aspen puis les jumeaux Jasper et Dallas. Nous avons eu recours à Tracey et Andrea pour les ovocytes, puis à Rosalind et Donna pour porter nos enfants. Elles vivent toutes aux Etats-Unis. Les enfants connaissent très bien leur histoire et n’ont aucun problème avec ça. En huit ans, nous avons mis 85 couples ou célibataires en relation avec des mères porteuses ou des donneuses d’ovocytes. Au total, nous avons facilité la naissance de 120 bébés. »

Isabelle et François (1), 41 et 45 ans,mariés, parents d’une fillette de 2 ans.

« Nous avons eu une petite Marie, née grâce à une FIV. Je ne suis pas sa mère génétique car nous avons eu recours à une donneuse d’ovocytes. Comme c’était compliqué en France (les donneuses d’ovocytes sont trop rares par rapport à la demande, ndlr), nous sommes partis en Espagne. Là-bas, la donneuse reçoit environ 900 euros pour son don. Je portais donc notre enfant, mais d’un point de vue strictement génétique, c’est celui de mon mari et d’une autre femme. Cela a été compliqué de me faire à cette idée mais quand j’ai accouché, je suis devenue sa mère. »

Nayna Patel, fondatrice de la clinique Akanksha (« immense désir ») infertility, en Inde.

« Cela fait douze ans que j’ai créé ma clinique. Un tiers de nos clients viennent d’Inde, le reste du monde entier : Belgique, Japon, Australie, Israël… Ce sont des parents qui ont recours à des Indiennes pour porter leur enfant. Plus de 800 bébés sont nés ainsi. Nous prenons soin de recruter des femmes mariées qui ont déjà des enfants, mais, bien sûr, elles sont rarement éduquées. La plupart travaillent dans des usines de confection. Elles reçoivent un total de 5 000 euros environ, ce qui représente plusieurs années de salaire pour elles. Elles sont nourries, logées, suivies médicalement et nous leur versons 50 euros par mois, 500 euros par trimestre de grossesse et le solde à la naissance. En cas de fausse couche, elles gardent ce qu’elles ont gagné. »

(1) Les prénoms ont été modifiés