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L’« open source » libère les éoliennes
mercredi, 25 février 2015 / Emmanuelle Vibert

Une entreprise lorraine développe l’« urbolienne », une éolienne citadine capable de s’adapter à tous les vents. Ses plans sont en accès libre.

Convertir en électricité le moindre souffle de vent en ville en installant des micro-éoliennes. En théorie, l’idée est très séduisante. Malheureusement, « les éoliennes actuelles ne sont pas capables de capter le vent en zone urbaine, là où il y a pourtant un maximum de consommation d’électricité », regrette Théophile Bresson. Mais cet ingénieur tout juste trentenaire tient une solution : une éolienne à axe vertical avec des pales mobiles. Cette « urbolienne », bien ancrée dans son temps puisqu’elle est développée en open source, est en cours de test et devrait débarquer sur le marché dans un an ou deux.

Des rotors (hélices) à axes verticaux ou horizontaux ? Telle est la question en matière de micro-éolien. Les premiers, utilisés pour les grandes éoliennes, offrent un bien meilleur rendement que les seconds. « Mais elles sont pataudes, explique l’ingénieur. Même si elles sont très légères, quand le rotor est en rotation, il y a un effet gyroscopique qui la maintient sur le même axe. Et si le vent change d’orientation, elles ne sont pas capables de suivre. Elles doivent s’arrêter de tourner pour se réorienter. Or, en ville, le vent change de direction et de 20 à 30 degrés d’angle toutes les trois à six secondes ! »

Pour les terrains bâtis, on se rabat donc le plus souvent sur les éoliennes à axe vertical, qui tournent comme des toupies. Mais un nouveau problème survient alors : elles accrochent moins bien le vent. « Leur rendement est catastrophique, il est divisé par deux, voire par trois, par rapport à une éolienne à axe horizontal », poursuit l’inventeur. Le truc pour résoudre cette équation, Théophile Bresson en a l’idée alors qu’il est encore étudiant à l’Ecole nationale supérieure de l’énergie, l’eau et l’environnement de Grenoble. Sa micro-éolienne aura trois pales mobiles capables de se réorienter automatiquement pour attraper le maximum de vent, et ceci quels que soient ses caprices. En 2010, il décide de se lancer pour donner vie à cette idée en créant un bureau d’études, Aeroseed, à Maizières-lès-Metz (Moselle). Son travail de calcul en hydraulique et en mécanique pour des entreprises financera la mise en œuvre de l’invention. Quatre ans de recherche autofinancée plus tard, l’urbolienne est au point, en théorie. Elle mesure 1 m de hauteur sur 1,40 m de diamètre et la simulation en 3D sur ordinateur montre qu’elle produit 500 watts pour une vitesse de vent de 10 mètres par seconde. Son rendement – le rapport entre l’énergie du vent et l’énergie effectivement captée par l’éolienne – est ainsi de 40% et rejoint les performances d’une éolienne à axe horizontal. Un exploit !

« Marché périlleux car décrédibilisé »

Pour passer à la pratique et tester dans la vraie vie l’éolienne pendant un an, Aeroseed a récolté un peu plus de 8 000 euros sur le site de financement participatif Ulule en juin dernier. Pas question de se lancer sans avoir fait ses preuves. « C’est un marché périlleux car décrédibilisé », souligne Théophile Bresson. Les éoliennes domestiques en ont pris en effet plein les pales ces dernières années. Séduits par les promesses mensongères de vendeurs, beaucoup de particuliers ont investi plusieurs milliers d’euros (comptez jusqu’à 30 000 euros dont il faut déduire un crédit d’impôts de près de 30%), rêvant d’autonomie énergétique.

Au final : des machines installées sans mesurer le vent au préalable, une production d’électricité souvent dérisoire, des maisons endommagées à cause d’éoliennes dites « de pignon » (accrochées aux toits ou aux façades) faisant un bruit insupportable… et des personnes qui n’auront jamais de retour sur investissement ! « Nous avons un processus lent, insiste Théophile Bresson. Quand la techno sera suffisamment mature, on passera à la fabrication (prévue en Lorraine, ndlr). » Et pour mettre toutes les chances de son côté, il a misé sur l’open source. « En 2010, raconte l’ingénieur, je ne connaissais que les brevets. » Mais en 2013, il découvre l’univers du libre, grâce à l’association Goall (Groupe d’organismes acteurs du libre en Lorraine), qui promeut cette nouvelle vision du monde. « Une révélation ! »

Partager ses avancées

Son urbolienne est aujourd’hui protégée par une licence Creative commons. Tous ses plans sont publiés. Tout le monde peut la reproduire, l’améliorer, à condition de citer les sources et de partager ses avancées. Aujourd’hui, une quinzaine de personnes contribuent au projet : des scientifiques, des mécaniciens, des avocats, un professeur… « Il nous aurait fallu entre 50 000 et 100 000 euros pour protéger l’idée par des brevets rien que pour l’Europe. Par ailleurs, l’avantage de cette licence, c’est qu’on peut organiser la concurrence. On l’oblige à partager ses avancées techniques avec tout le monde. On bénéficie d’elle tout en la maîtrisant. » Une éolienne libre et efficace, il faudra bien ça pour contribuer à l’autonomie énergétique des villes. —

Mise à jour du 16 avril 2015 : L’urbolienne est actuellement au point mort car l’activité de bureau d’étude d’Aeroseed « a périclité en fin d’année 2014, mettant dans le rouge les finances de la société », d’après un message daté de ce mercredi 15 avril sur la page Ulule du projet. Par ailleurs, Aeroseed semble également désormais en conflit avec l’association Goall.

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