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Salman Khan, le prof du Net qui fait classe en masse
lundi, 29 décembre 2014 / Emmanuelle Vibert

En postant des vidéos sur Youtube il y a dix ans pour aider ses cousins en maths, cet Américain a créé la plus grande école gratuite du monde.

« Papa, tu es content, dis, de voir comment je me suis battu avec ce mot ? Je pense que j’ai senti mon cerveau grandir. » Salman Khan est un père américain de 38 ans dont le fils de 5 ans apprend à lire. Salman est aussi devenu, à la tête de la Khan Academy, le professeur doté de la plus grande classe au monde. Ses vidéos de cours de maths, de géologie ou d’histoire de l’art sont visionnées 4 millions de fois chaque jour. « J’ai décidé de féliciter mon fils non pas quand il réussit là où il est déjà bon, écrit-il sur son blog, mais quand il persévère dans des choses qu’il trouve difficiles. Je lui dis que, quand il se bat, son cerveau grossit. »

Les vidéos gratuites de Salman Khan font aujourd’hui grossir les cerveaux partout dans le monde. Elles sont traduites dans 28 langues – dont le français, depuis septembre dernier –, utilisées par 500 000 professeurs, aux Etats-Unis surtout, mais aussi en Inde, au Brésil ou à Avignon (Vaucluse). Salman Khan y a mis de l’exigence, ce qu’il faut d’humour et en a fait le support d’un modèle pédagogique innovant qui cartonne, celui de la classe inversée : l’élève apprend la leçon seul en vidéo, puis fait les exercices avec son prof.

Salman Khan naît à la Nouvelle-Orléans d’un père venu du Bangladesh et d’une mère indienne. Fait ses études au prestigieux Institut de technologie du Massachusetts (MIT), puis une belle carrière d’analyste financier à Boston (Etats-Unis). Un jour de 2004, Nadia, sa cousine de 12 ans, lui demande de lui donner des cours de maths. Via Internet, il déverrouille les angoisses algébriques de sa cousine et se découvre une passion pour l’enseignement. Il recrute d’autres cousins comme élèves et leur concocte des vidéos, pour qu’ils puissent, à leur rythme, découvrir les leçons, repasser autant de fois que nécessaire sur les concepts difficiles, sans crainte d’être jugés. Juste un écran noir comme un tableau, des chiffres et des dessins grossièrement crayonnés, et la voix du grand cousin en off pour les explications, qui durent dix minutes. Un visage – surtout celui de Salman et sa bouille souriante – les aurait déconcentrés de l’essentiel. Après les vidéos, quand les élèves retrouvent leur prof, c’est pour faire des exercices, aider leurs camarades et non pour écouter passivement.

Google et Bill Gates

Salman crée en plus un logiciel pour que lui et ses élèves puissent suivre les progrès, visionner les acquis et ce qu’il faut consolider, avec le principe qu’on ne passe pas un niveau sans avoir acquis pleinement le palier inférieur. Objectif : ne pas accumuler les lacunes. Surprise. Au début de l’année 2007, les vidéos sur Youtube enregistrent plusieurs milliers de vues. Salman teste son modèle en live dans une école. En 2009, 10 000 élèves utilisent chaque jour ses vidéos. Salman laisse tomber son job d’analyste pour se consacrer à son ONG sans but lucratif. En 2010, Bill Gates offre 1,5 million de dollars (1,2 million d’euros) par le biais de sa fondation, puis 4 millions (3,2 millions d’euros). Google renchérit avec 2 millions (1,6 million d’euros). La Khan Academy embauche, traduit et, en 2011, lance sa classe inversée auprès de 1 200 élèves de la ville de Los Altos, en Californie. Les résultats sont là. Dans une classe de sixième, avec un niveau de maths de CM1, la majorité des élèves atteint le niveau sixième/cinquième en six mois. De beaux cerveaux, qui ont bien grossi.

Salman Khan en dates

2004 Premier cours en vidéo

2009 Quitte son travail pour se consacrer à sa fondation

2011 Teste sa classe inversée auprès de 1 200 élèves

L’impact

4 millions de vidéos vues par jour, traduites en 28 langues et utilisées par 500 000 profs