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Olafur Eliasson, l’homme qui voulait nous transformer en météorite
lundi, 15 décembre 2014 / Cécile Cazenave

Le plasticien danois, écolo et star de l’art contemporain, expose, à partir du 17 décembre, une installation conçue pour la fondation Louis Vuitton. Au cœur de ce parcours sensoriel, la volonté de reconnecter le visiteur au cosmos.

« Pensez que vous êtes une météorite et laissez-vous partir. » C’est avec cette invitation que l’artiste danois d’origine islandaise Olafur Eliasson a convié la presse à découvrir Contact, une installation créée pour la fondation Louis Vuitton, à Boulogne, à visiter à partir du 17 décembre. Barbe taillée, lunettes visées au nez, l’air sérieux malgré une lampe solaire en forme de marguerite accrochée en collier, la star de l’art contemporain, 47 ans, n’en a pas fait des tonnes. Tout comme il préfère se passer de cartels explicatifs sur ses œuvres, le voilà qui refuse la visite guidée au parterre de gens chics en talons hauts et sacs siglés qui lui faisait face. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de cet artiste engagé, écolo convaincu, de créer à la demande et pour la fondation d’un maroquinier de luxe, dont il avait déjà décoré les vitrines de Noël il y a quelques années… Mais faisons confiance à l’artiste, délaissons les petits fours et les belles robes, avalons une goulée d’air et de lumière, et plongeons dans Contact !

« Il s’agit d’une promenade, presque d’une chorégraphie qui alterne lumière et ombre », avait prévenu Suzanne Pagé, la directrice artistique de la fondation. Au sous-sol du bâtiment, imaginé par l’architecte américain Franck Gehry, l’entrée du parcours est marquée par une pièce accrochée au mur et présentée comme un morceau de météorite, Touch. Voici le point de départ, extraterrestre, un peu magique pour qui voudra y croire. Olafur Eliasson propose de le toucher, de le caresser même, avant de plonger dans une série de couloirs sinueux et de vastes salles obscures qui doivent bouleverser notre perception de l’espace et peut-être de l’univers. Pour gagner deux grandes installations plongées dans le noir, Map of unthought et Contact, le spectateur passe presque à tâtons le long de murs dédalesques desquels sortent des demi-sphères de cristal renvoyant l’image lumineuse et inversée de l’extérieur. Dans la première salle, l’ombre du spectateur est projetée sur des murs en demi-cercle. En face, un miroir géant semble agrandir l’espace à l’infini.

« Explorer l’empathie des êtres avec l’univers »

La seconde salle ressemble à l’idée que l’on se fait de Pluton. Le sol bombé fait penser à la calotte d’une planète sur laquelle un Petit prince du XXIe siècle aurait atterri par mégarde. Dans ce monde post-apocalyptique, à la fois hypnotisant et suffocant, une ligne de lumière rouge horizontale perce la nuit et évoque une éclipse géante. Suit Bridge from the future, une sculpture vortex évoquant un monde en accélération et enfin Big Bang Fountain, un dispositif stroboscopique qui éclaire un jet d’eau par flash. Dans un autre espace, une sphère de verre suspendue, Dust particle, est censée illuminer le hall de la fondation par intermittence, aux heures où le soleil est reflété par un système de miroirs installés sur les toits du bâtiment. Un rappel finalement assez simple de la connexion permanente entre l’homme et l’univers.

L’ensemble est réellement saisissant. « Olafur Eliasson a créé une expérience émotionnelle, participative, où le spectateur doit recevoir quelque chose, mais aussi donner de lui-même, d’où le titre de Contact, précise Suzanne Pagé. Il s’agit ici d’explorer l’idée d’empathie des êtres avec le monde et l’univers. » Résultat de deux années de travail dans son studio berlinois qui emploie une centaine de personnes, l’ensemble des dispositifs de Contact raccroche immanquablement le spectateur au cosmos. Olafur Eliasson s’en est expliqué dans un entretien avec les deux commissaires de l’exposition, Laurence Bossé et Hans Ulrich Obrist.

L’enjeu est de faire sentir

A l’heure où les questions climatiques sont portées par des bureaucrates au langage technocratique glacial, l’enjeu est de faire sentir. Au cœur de cette sensation, l’interdépendance des êtres et de la nature. « Penser chaque chose comme étant connectée à tout le reste nous offre la possibilité de reconsidérer le système dans lequel nous vivons, un système qui favorise sinon des principes extrêmement individualistes et consuméristes. Par exemple, la lutte contre le dérèglement climatique est fortement altérée par notre incapacité à nous sentir connectés à une chose aussi vaste et globale que le climat. Les idées de connexion et d’interdépendance sont des outils pour transformer les idées en actions », détaille-t-il.

Parrain du collectif collectif Art for Change 21, qui compte se mobiliser jusqu’à la COP21 de Paris, en décembre prochain, Olafur Eliasson fait la démonstration que l’art peut être un puissant médium dans la prise de conscience individuelle. « Il s’agit de sentir sa propre présence, de prendre conscience de sa propre trajectoire, de sa propre orbite, dans sa nouvelle identité d’astéroïde », conclut-il. Dans le monde glacé des rapports et des expertises scientifiques, des sensations fortes paraissent en effet hautement nécessaires pour reconsidérer notre place sur cette terre.


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