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« Grizzly », la caméra au plus près des animaux sauvages
jeudi, 30 octobre 2014 / Anne de Malleray

Rencontre avec Keith Scholey, réalisateur de la superproduction DisneyNature « Grizzly », autour du rôle du documentaire animalier face aux dangers qui menacent la faune sauvage.

On avait rencontré Keith Scholey, réalisateur de documentaires animaliers passionnant et passionné, dans la savane du Masai Mara, au Kenya, pour Félins, documentaire de Disney Nature sorti en 2011. Il collabore à nouveau avec le label pour Grizzly, superproduction tournée pendant deux ans en Alaska. Alors que le WWF vient de publier des chiffres alarmants sur la faune sauvage, dont la population a décru de moitié en quarante ans, nous l’avons interviewé sur le rôle du documentaire animalier face à cela.

Comment filme-t-on des ours de si près, à leur hauteur ?

L’endroit, en Alaska, est très isolé. On y accède avec un petit avion. Il fallait se débrouiller pour être en autosubsistance pendant plusieurs jours. La grande différence avec Félins, c’est que l’on ne peut pas filmer d’un véhicule et qu’il est très difficile de suivre les ours, qui se déplacent beaucoup. L’histoire de Sky et de ses deux petits est totalement réaliste, mais on l’a reconstituée à partir du parcours de plusieurs familles. Les grizzlys ont la réputation d’être très agressifs, mais nous avons pu cohabiter avec eux sans susciter ni agressivité ni méfiance. Dans ces endroits très reculés, les animaux sauvages n’ont jamais connu de mauvaise expérience avec les humains. Ils n’hésitent pas à s’approcher de nous, à condition que nous respections les règles.

Quelles sont ces règles ?

Ne jamais les déranger ou les surprendre, et faire en sorte qu’ils ne puissent pas nous associer avec de la nourriture. Parce que, dans ce cas, c’est fini. Dans ce documentaire, on est aussi parvenus à filmer des loups, qui d’habitude fuient l’homme. Deux loups solitaires pêchaient le saumon au milieu des ours et s’approchaient tout près de la caméra. Je pense aussi qu’ils n’avaient jamais connu de mauvaise expérience avec l’homme. Les images exceptionnelles que nous avons pu rapporter sur les interactions entre ours et entre ours et loups montrent que, si l’on respecte le milieu des animaux sauvages, ils nous tolèrent sans manifester l’agressivité qu’on leur attribue.

A condition que ce milieu soit équilibré… A la fin du film, vous dites que les ours sont les indicateurs de la bonne santé de l’écosystème.

Oui, il y a près de 30 000 ours en Alaska. Ils sont protégés, comme l’espace qui les abrite. Mais les ours se nourrissent de saumons. Sans le saumon, qui remonte les rivières au printemps pour frayer, ils ne peuvent stocker la graisse nécessaire pour passer l’hiver. Or, ni le saumon ni l’océan ne sont protégés. Il ne suffit plus de préserver certaines espèces alors que la menace d’effondrement des écosystèmes est globale.

En quoi des documentaires comme ceux de Disney Nature, qui célèbrent la valeur esthétique de la nature et de ses grands animaux, peuvent faire prendre conscience de cette vaste destruction ?

Avec les films de Disney, on fait comprendre que les animaux sont beaux et valent la peine d’être protégés, mais aussi qu’ils s’inscrivent dans un écosystème dont ils sont dépendants. Devant le documentaire, on se rend compte que ça n’est pas facile d’être un ours. Sky, la mère, est intelligente, elle sait comment trouver de la nourriture et des endroits sûrs, mais elle est soumise à de nombreux aléas, qui peuvent l’empêcher de mener à bien sa mission : assurer sa survie et celle de ses petits.

On voit de plus en plus de signes de la fragilité des milieux naturels, comme ces 35 000 morses réfugiés sur une plage d’Alaska faute de banquise… Ça n’était pas loin du lieu de tournage. Pensez-vous que cela pourrait conduire à une prise de conscience ?

J’ai l’impression que les gens commencent à avoir peur, ce qui est peut-être bon car la peur pousse à agir. L’acidification des océans, générée par le réchauffement climatique, n’aura pas seulement une incidence sur les saumons et les ours, elle va affecter la vie de milliards d’humains. La conscience que la destruction de la nature entraîne aussi celle de l’homme commence à émerger. —

Découvrez la bande-annonce



Grizzly, d’Alastair Fothergill et Keith Scholey. En salles le 5 novembre.


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