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Pourquoi j’ai quitté ma maison
jeudi, 30 octobre 2014 / Walter Bouvais /

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« Pourquoi les migrants ne restent-ils pas chez eux ? » Pourquoi plus de 3 % de la population mondiale vit-elle hors du pays dont elle a la nationalité ? Ce chiffre est-il d’ailleurs « élevé » ou « problématique », puisqu’il signifie en creux que près de 97 % des humains vivent dans le pays dont ils ont la nationalité ? Pour notre bien-être mental et pour la qualité du débat public, voici quelques-unes des questions que pourrait se poser Eric Zemmour, plutôt que distiller ses affirmations douteuses et chiffres approximatifs à longueur de talk-shows complaisants.

Dépasser les froides statistiques

Les parcours de migrants que nous narrons ce mois-ci apportent des réponses tout en nuance à ces questions. Ils dépassent les froids tableaux statistiques pour mettre en relief des situations réelles et plurielles, mais surtout extrêmes : pauvreté, guerre, dictatures. Il y a Kibrom, 39 ans, qui veut rejoindre sa chère et tendre aux Etats-Unis pour « travailler dur », pour sa famille restée en Erythrée. Il y a Nasreen, cette Syrienne qui avait « tout » – bel appartement, bonnes écoles pour ses enfants, cours de gym… – mais qu’une pluie de bombes a chassée de son pays, jetée sur un rafiot au péril de sa vie et de celle de ses deux enfants. Il y a Sriyani Perera, qui a fui la guerre au Sri Lanka, réside en France où ses enfants passent désormais le bac, alors qu’elle s’apprête à ouvrir un restaurant. Il y a Salma qui, après huit ans de clandestinité et de dur labeur en Suisse, s’en est retournée au Pérou pour y développer, avec succès, une activité immobilière.

Tous, par leur parcours et par leurs choix sous forte contrainte, nous amènent à nous poser la question : qu’aurais-je fait à leur place ? A contre-courant d’une mondialisation qui veut faire circuler marchandises et capitaux, mais dont les miradors trient soigneusement les hommes autorisés à circuler ou pas, à rêver d’une autre vie ou pas, ces parcours nous révèlent que rien ne fera jamais cesser l’irrépressible envie de mieux vivre. Quitte à ce que celle-ci se traduise, pour les plus courageux ou les plus désespérés, par une prise de risque dont peu d’entre nous serions capables. Si les prochaines années devaient être marquées par la multiplication des conflits pour le contrôle des ressources naturelles – eau, pétrole, minerai, biodiversité… Si les dérèglements climatiques devaient intensifier les migrations… Alors mieux vaudrait chercher à comprendre ces dernières pour faire avec elles, plutôt que continuer de les stigmatiser sous les sunlights confortables des plateaux télévisés. —