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Maud Fontenoy, vous avez dit politique ?
jeudi, 27 mars 2014 / Cécile Cazenave

Après un bouquin en forme de charge à peine voilée contre Europe Ecologie, la rameuse vante les gaz de schiste… Se dirait-elle que la place d’écolo de droite est à prendre ?

Ça avait pourtant bien commencé. « Ah, je vous adore !, avait-elle lancé, avant d’accepter ce portrait. Même si vous n’êtes pas très gentils avec les gens comme moi, qui passent à la télé, je vais prendre le risque. » On ne s’attendait pas à ça, avec Maud Fontenoy, navigatrice célèbre pour ses trans-océaniques à la rame, présidente d’une fondation à son nom, proche des stars et des grands patrons. Pour quelqu’un qui, quelques jours auparavant, avait balancé sur toutes les radios et télés de France que les gaz de schiste valaient le coup, la louve de mer savait y faire. Son livre Ras-le-bol des écolos (Plon, 2013) promettait pourtant de nous mettre sur des braises. « Un titre… d’éditeur », expliquera-t-elle après une longue hésitation. Mais elle y remerciait notre journal : « pour [ses] travaux ». Comme au Nobel.

Péché d’orgueil. On aurait dû se douter que ça allait se gâter. Car la liste de remerciements en question ressemble au Bottin mondain. On y trouve ce que la science et l’environnement comptent de plus célèbre ; quelques stars d’obédience verte ou non ; des collègues du Conseil économique, social et environnemental (dont elle est membre) ; des hommes d’affaires, dont Vincent Bolloré, « partenaire » de sa fondation… On aurait aimé lui demander ce qu’il fichait là, cet abonné des prix Pinocchio, décernés par l’ONG Les Amis de la Terre, en préambule d’un livre censé être un cri du cœur pour la planète. Mais on n’en aura pas l’occasion. Car Maud Fontenoy est très pressée.

Emploi du temps de ministre

D’abord, elle vit à Carqueiranne, dans le Var. Alors qu’à Paris elle est « en apnée », dans le Sud elle se sent « en vacances », expliquait-elle récemment à Paris Match, en posant, son deuxième enfant au sein, sur les rochers. Et son avion est en retard. Et elle est coincée entre un « shooting » et un rendez-vous « très important ». Bref, un emploi du temps de ministre. Mais, chut ! La politique n’intéresse pas du tout Maud Fontenoy. « Ce livre, c’est un bilan de la planète aujourd’hui et des solutions qui existent déjà », assure-t-elle. Pas un manifeste de droite libérale. On aurait juré le contraire.

Elle ferait pourtant une parfaite égérie : 37 ans, décontractée, blonde, yeux bleus et dents blanches. Une héroïne sportive, fille d’agents immobiliers fortunés et passionnés de voile, biberonnée à l’océan, qui croit en l’éducation à l’environnement et la pratique via la Maud Fontenoy Fondation, un titre à l’américaine. On l’a dite protégée de Nicolas Sarkozy, on l’a vue sur une liste de Jean-François Copé il y a dix ans. « En position inéligible, à la veille d’une traversée du Pacifique, parce que toute ma famille habite à Meaux, dont il est maire ! », tient-elle à préciser.

Dans son ouvrage, elle explique que les politiciens écolos sont des apôtres de la décroissance, arrivistes, adeptes des coups bas, qui font flipper tout le monde avec leurs prophéties apocalyptiques et confisquent le débat environnemental. « J’en ai ras-le-bol d’un discours culpabilisant, alarmiste, parfois dogmatique, fermé, austère », confirme-t-elle, tout en assurant qu’elle ne juge personne. Chez Europe Ecologie - Les Verts (EELV), jamais cité, mais tout le temps visé, on a apprécié le compliment. « C’est affligeant : c’est le discours le plus simpliste qui puisse exister sur les écologistes. Elle use des vieilles caricatures qu’utilisaient Luc Ferry et Claude Allègre il y a vingt ans ! », s’agace Yannick Jadot, député européen.

Les européennes justement. Les négociations pour la composition des listes avaient lieu au moment où Maud occupait les micros. A l’UDI et à l’UMP, on admet que son nom a vogué. « La mer, c’est le grand dada de Jean-Louis : ils ont eu des discussions privées au sujet d’une candidature », explique Chantal Jouanno, surprise par la teneur politique du livre. « Jean-Louis », c’est Borloo, le parrain du fils aîné de la navigatrice. Que se sont-ils murmuré à l’oreille ? « Elle sera peut-être plus utile en dehors de la politique que dans la politique », suggère l’ancienne secrétaire d’Etat à l’Ecologie.

Le grand ramdam contre EELV, le nucléaire dont on ne peut se passer, les gaz de schiste à ne pas négliger et les industriels tellement conscients auraient-ils tenté l’UMP ? Marie-Thérèse Sanchez Schmid, qui brigue une troisième place sur la liste Sud-Ouest, confirme qu’il y a eu rivalité. Mais Maud le répète : même si elle cite à plusieurs reprises Nicolas Sarkozy comme un grand homme de l’environnement, la politique ne l’intéresse pas. « Moi, je suis très admirative de Nicolas Hulot et de Yann Arthus-Bertrand », lâche-t-elle quand on la presse de confier ses modèles politiques ou militants. « YAB » avoue qu’il l’aime bien et trouve, sans être d’accord, qu’au moins elle dit ce qu’elle pense. « C’est peut-être maladroit, mais c’est gonflé. »

Côté ONG, le ton est à l’affliction. « Sur les gaz de schiste, les bras nous en sont tombés : défendre les hydrocarbures à la veille d’une Cop 21 à Paris (la conférence internationale sur le climat aura lieu à la fin de l’année 2015, ndlr)…  », déplore Benoît Hartmann, de France Nature Environnement. « C’est un peu triste, son discours fait les choux gras des médias en donnant l’impression de mettre les pieds dans le plat, regrette Isabelle Autissier, présidente du WWF-France. Ce n’est pas un problème qu’elle soit proche de l’UMP, mais qu’elle ait de vraies propositions environnementales et on en reparle. »

« Paquets de lessive »

Maud a cherché à faire parler et a réussi. Reste à savoir qui la suivrait sur un programme qui ne dit pas son nom. Gageons que ce premier appel à « une écologie raisonnable et modérée » n’était qu’un coup dans l’eau, avant de se lancer dans le grand bain. Certains l’y attendent, avec le pied marin. « Même Total ne prétend pas que forer en France renforcerait notre compétitivité, achève Yannick Jadot. Qu’elle continue à vendre sa jolie petite bobine sur des paquets de lessive si elle veut, mais qu’elle travaille sur le fond et je n’aurai aucun problème à débattre avec elle. » Vérification faite, c’est pour des lunettes de soleil qu’elle a posé il y a peu pour sa fondation. A l’aise sous les projecteurs, Maud Fontenoy a-t-elle l’étoffe d’une politique ? Pas de gros mot ! Elle préfère se définir comme une « citoyenne engagée ». « Je n’ai pas besoin de grands mots et ce n’est pas moi qui vais changer la face du monde », conclut-elle. On opine. —

En dates

1977 Naissance et départ en famille pour quinze ans de navigation

2003 Traverse l’océan Atlantique à la rame

2008 Fonde la Maud Fontenoy Fondation

2013 Naissance de son deuxième enfant