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Au Bangladesh, les ouvriers du textile ont enfin un « Smic »
mardi, 19 novembre 2013 / Novethic /

Le média expert du développement durable

Si leurs conditions de travail sont encore très précaires, les travailleurs bangladais du textile ont enfin obtenu un salaire minimum de 50 euros par mois. Insuffisant mais cela constitue malgré tout une avancée.

La croissance économique a ses côtés pervers. Le cas du Bangladesh en est un très bon exemple, avec un pays très dynamique sur le plan économique mais des travailleurs qui n’en voient pas les bénéfices et même pire, qui risquent leur vie en travaillant dans des bâtiments où leur sécurité n’est pas assurée. Depuis le drame du Rana Plaza, la situation des ouvriers commence néanmoins à s’éclaircir. Le 3 octobre 2013, l’Accord sur la sécurité au Bangladesh, qui rassemble plus de 1 600 usines – qui emploient plus de 2 millions d’ouvriers –, a publié un document d’évaluation des usines. Cette fois, c’est l’Organisation internationale du travail (OIT) qui se penche sur les conditions de travail dans ce pays, en publiant un rapport pour une croissance durable au Bangladesh.

Le premier salaire minimum

Dans son rapport, l’OIT souligne que la croissance économique des vingt dernières années s’est faite essentiellement grâce aux exportations textiles. En 2011, le pays représentait 4,8% des exportations mondiales de textile, contre seulement 0,6% en 1990. Sauf que cette croissance a entraîné des conditions de travail de plus en plus précaires pour les ouvriers locaux, qui ont abouti à de nombreuses catastrophes. Si, dans son rapport, l’OIT met l’accent sur la question des salaires, évalués à 39 dollars (29 euros) par mois en moyenne en août 2013, la donne vient tout juste de changer : le 13 novembre 2013, après avoir battu le pavé pendant plusieurs semaines, les ouvriers bangladais du textile ont obtenu un salaire minimum mensuel de 68 dollars (50 euros) pour les quatre millions d’ouvriers du secteur. Cette augmentation est le fruit d’un accord entre les producteurs de vêtements et Sheikh Hasina, la Première ministre du Bangladesh.

« Cette hausse, qui a été obtenue grâce au courage des manifestants, mérite d’être soulignée. Mais les syndicats demandaient un salaire moyen de 100 dollars, soit environ 74 euros, car en raison de l’inflation et des prix des matières premières, un tel revenu ne permet pas à un ouvrier de faire vivre sa famille dignement », regrette Nayla Ajaltouni, coordinatrice du collectif « Ethique sur l’Etiquette », qui revient du Bangladesh. Malgré tout, c’est la première fois qu’un salaire minimum est institué dans le pays. Historiquement, la mesure fera date. « Le prochain défi consistera à coordonner le programme sur l’industrie textile financé par l’OIT, le Pacte de durabilité adopté par l’Union européenne et les initiatives du secteur privé comme l’Accord sur la sécurité incendie et bâtiments au Bangladesh et l’Alliance pour la sécurité des travailleurs au Bangladesh », a déclaré Gilbert Houngbo, directeur général adjoint pour les Opérations extérieures et les partenariats de l’OIT.

Des moyens encore insuffisants

Mais si l’instauration de ce salaire minimum est une avancée notable, le problème de la sécurité au travail reste entier. Malgré la volonté affichée, les moyens mis en œuvre semblent insuffisants, comme l’explique Nayla Ajaltouni : « Les syndicats locaux ne sont pas assez puissants pour contrôler la mise en œuvre de l’Accord de sécurité des usines. Il est essentiel de renforcer leur capacité de surveillance. » Dans cette optique, les ONG en appellent également aux multinationales présentes dans le pays. Elles leur demandent de mettre en place des pratiques sociales intègres dans toute leur chaîne de production. Et d’imposer les standards internationaux à l’ensemble de leurs sous-traitants.

Les victimes du Rana Plaza attendent toujours d’être indemnisées

Si les choses semblent bouger dans le bon sens pour améliorer la sécurité et les conditions de travail sur le terrain, il n’en est pas de même pour l’indemnisation des victimes du Rana Plaza. Les multinationales n’ont toujours pas mis la main à la poche, au grand dam des ouvriers locaux. « Sur place, il est clair que la priorité est donnée à l’urgence de l’indemnisation. L’accord sur la sécurité est une bonne chose, mais l’autre enjeu est de compenser financièrement les victimes qui sont absolument démunies », rappelle Nayla Ajaltouni, coordinatrice du collectif « Ethique sur l’Etiquette ». Selon IndustriALL, la prochaine réunion sur l’indemnisation devrait avoir lieu le 28 novembre prochain.

Cet article de Céline Oziel a été initialement publié sur le site de Novethic, le média expert du développement durable, le 19 novembre 2013.


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