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Lettre ouverte pour que les cyclistes tournent à droite au feu rouge
jeudi, 3 octobre 2013 / La Pendule /

La Pendule est l’auteur du blog Pasdevoiture, qui traite de la vie sans voiture au quotidien, de ses différentes alternatives et du style de vie qui l’entoure.

L’arrivée des panneaux autorisant aux cyclistes de tourner à droite aux feux rouges a fait grincer quelques dents. Le blogueur La Pendule répond aux grincheux !

Depuis un certain temps à Nantes (et dans d’autres villes pilotes comme Strasbourg et Bordeaux), les vélos sont autorisés à tourner à droite même si le feu général est rouge, voire à aller tout droit s’il n’y a pas d’intersection.

Cette avancée sociale pour les cyclistes ne semble pas convenir à tout le monde et semble inquiéter certaines personnes sur les droits et le laisser aller que l’on octroie aux cyclistes, en témoigne cette chronique de Philippe Manière sur France Culture :

Le feu rouge a été mis en place dans les villes pour deux raisons : réguler le trafic automobile et protéger les intersections en établissant des ordres de priorité.

Il ne viendrait à l’esprit de personne de mettre des feux rouges au milieu d’un trottoir pour réguler le trafic des piétons et seules les intersections dangereuses nécessitant un ordre de priorité en sont pourvues (généralement sur un passage piéton prévu pour traverser une route sur laquelle les voitures roulent rapidement).

Les régimes sont donc différents selon la catégorie d’usagers et cela ne semble choquer personne.

Les feux rouges placés au milieu des lignes droites sans intersection visant uniquement à réguler le trafic automobile n’ont aucun lieu d’être pour les vélos : vitesse, encombrement et pollution (sonore et de l’air) sont très différents selon la catégorie de véhicules et réguler le trafic des vélos sur les axes routiers sans intersection n’a aucun intérêt.

On a décidé de placer les vélos avec les voitures sur les mêmes routes et on a par conséquent indiqué à ces vélos d’utiliser le même code de la route (créé pour la voiture uniquement) afin de permettre la meilleure cohabitation possible aux différents usagers.

Dans les faits, il n’est presque jamais adapté :

- le vélo étant moins rapide (sur une portion de route), il doit se placer sur la droite pour laisser passer les usagers plus rapides (véhicules à moteur) et se fait donc piéger à chaque fois qu’il souhaite tourner à gauche puisqu’il doit d’abord laisser la priorité à ceux qui arrivent de derrière avant de laisser la priorité à ceux qui arrivent en face : double peine (d’où l’intérêt des sas cyclistes presque jamais respectés)

- les feux étant prévus pour la voiture, ils sont calés sur la vitesse de celle-ci entre deux feux, qui est totalement différente de celle du vélo : suivre une voiture sur une route à multiples feux conduit systématiquement à se retrouver bloqué à un feu rouge là où la voiture a pu passer. L’exemple flagrant est celui des feux synchronisés : alors qu’il est possible d’adapter sa vitesse en voiture pour avoir tous les feux au vert, cela est pratiquement impossible pour la plupart des cyclistes sans rouler à 30 km/h sur toute la série (si vous êtes sportif, c’est bon pour vous).

- les feux étant prévus pour l’automobile, ils imposent simplement un arrêt pour lequel l’automobiliste n’aura qu’à appuyer sur la pédale de frein, pour repartir dès que le feu passe au vert en appuyant simplement sur la pédale d’accélérateur (et d’embrayage pour les manuelles). Le cycliste, lui, actionnera simplement ses freins pour s’arrêter dans les pots d’échappement des voitures, avant de démarrer en dépensant une énergie plus de trois fois supérieure à celle utile pour pédaler une fois lancé avec un léger déséquilibre le mettant en danger quelques secondes.

De façon plus générale, l’intérêt des municipalités est de promouvoir le vélo pour gagner sur plusieurs plans souvent énoncés sur mon blog : calme, coût de l’entretien des voiries à moyen et long terme, accidentologie, libération de l’espace urbain, préservation de l’environnement, dépendance énergétique de l’Etat, épuisement proche des stocks d’énergie fossile, santé des usagers, etc.

Or pour amener l’usager de la voirie urbaine à un transport, il faut que celui-ci lui fasse gagner du temps et soit prioritaire : c’est ainsi que les tramways et parfois les bus (voies et feux réservés) sont en général prioritaires sur le trafic automobile. Il est donc contre-productif d’obliger un cycliste à faire le même détour qu’un automobiliste à cause d’un sens interdit, qui, là encore, n’a été mis en place que dans l’unique but de réguler le trafic auto, et non cyclo ! (Les contresens cyclables font tout autant polémique que les tourne-à-droite).

Dans l’absolu, l’idéal serait des feux dédiés aux vélos comme il en existe parfois afin que certains soient moins choqués par la signification perçue par un long conditionnement aux signaux imposés par notre société (note à M. Manière), mais des panneaux aisément compréhensibles – par qui souhaite faire l’effort – utilisent globalement moins d’énergie pour fonctionner : autant être cohérent jusqu’au bout.

Concernant l’accidentologie supposée de la mise en place de cette nouvelle signalisation, aucun accident n’a été déclaré suite à cette mise en place lors de son utilisation dans les villes tests.

Elle permet en revanche de réduire de manière significative le risque d’accident impliquant une véhicule motorisé tournant à droite et coupant la route au cycliste (risque mortel en présence d’un poids lourd) en permettant au cycliste de tourner avant le démarrage des motorisés.

Cet article a initialement été publié sur le blog Pasdevoiture.

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