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Trois idées pour ne pas ouvrir plus de commerces le dimanche
mercredi, 2 octobre 2013 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Impossible de bricoler le dimanche sans commerces ouverts, disent Castorama et Leroy Merlin. Faux. Voilà comment faire autrement.

« Yes week-end ». « Libérez les bricoleurs du dimanche ». Les slogans lancés par certains salariés de Castorama et Leroy Merlin – et inventés par une agence de communication rémunérée par ces entreprises, mais c’est une autre histoire – sont clairs : il ne faut surtout pas qu’un bricoleur se trouve dépourvu une fois le dimanche venu pour cause de panne de perceuse. Il faudrait donc ouvrir grand les portes de leurs enseignes sept jours sur sept.

Pourtant, ça n’aurait probablement aucun intérêt pour l’emploi en France. Pourtant, comme nous le calculions en 2009, cela aurait en revanche un impact néfaste pour la planète. Pourtant, peu de salariés ont envie de travailler le dimanche et pourtant « si l’on prolonge toujours les temps de la consommation et qu’on renonce aux temps de pause, aux temps pour faire famille, alors la ville explose », s’inquiète Luc Gwiazdzinski, géographe auteur de La ville 24 heures sur 24 .

N’en jetez plus ! De toutes façons, des solutions existent pour combler les bricoleurs du dimanche sans turbiner le dernier jour de la semaine. Les voici :

Si certains consommateurs veulent se rendre dans un magasin de bricolage les jours chômés, c’est que ces enseignes sont trop éloignées pour y aller facilement en semaine. Pas moins des deux tiers des surfaces commerciales en France sont situées en périphérie des villes, loin des zones d’habitation et de travail !

« L’organisation des commerces correspond à la ville fordiste, où tout le monde travaille en même temps et se déplace en voiture. Elle n’est plus adaptée », regrette Luc Gwiazdzinski. « Le commerce a fait la ville au XIXe siècle, mais il l’a défait au XXe en contribuant à l’étaler et à l’éclater. Il faut inverser la tendance », confirme de son côté Arnaud Gasnier, géographe spécialiste du commerce et maître de conférences à l’université du Maine (Le Mans, Sarthe), qui craint qu’à cet étalement urbain succède « un étalement du temps de travail menant à une ville 24h/24, qui ne s’arrête jamais ».

Première étape, cesser de bâtir des magasins toujours plus loin des lieux de vie ou de travail. On en est loin : 87% des projets commerciaux en construction sont situés en périphérie des villes. Arnaud Gasnier recommande également de « permettre de commander sur Internet et de choisir plus facilement le moment et l’endroit où l’on veut retirer, le mieux étant sur les lieux de travail et de vie ou le long des grands axes de transport ». Enfin, réduire les vitesses de circulation, notamment sur les voies rapides. Vous avez bien lu. Cela permettrait de favoriser les commerces de plus petites tailles, situés à proximité de nos maisons et nos lieux de travail, mais aujourd’hui concurrencés par les centres commerciaux accessibles en voiture. A terme, cela pourrait réorganiser la géographie commerciale. [1]. Aller moins vite rend plus accessible les biens de consommation et nous fait donc gagner du temps. CQFD.

« Les consommateurs ne veulent pas consommer 24h sur 24. Ils veulent plus de praticité », tient à rappeler Arnaud Gasnier. Son intuition est confirmée par une étude très intéressante menée en 2007 à Avignon (Vaucluse). L’auteur, Cyrille Genre-Grandpierre, a étudié les déplacements et les attentes de 600 individus vivant dans la zone de chalandise de la ville. Ce géographe démontre, grâce au graphique ci-dessous, que « si les rythmes de vie ont beaucoup évolué ces vingt dernières années, les horaires d’ouverture n’ont, quant à eux, que peu changé ». On constate par exemple que « c’est au moment où la population est la plus importante et où elle a le temps de consommer pendant la pause déjeuner (entre 12h30 et 14h, ndlr), que l’offre commerciale est la plus réduite. » On voit également qu’« à partir de 18h30, moins de 20% des commerces de l’intra-muros restent ouverts (ont été exclus de l’analyse les bars et restaurants), alors que cette part est de 60% en moyenne dans les grands pôles commerciaux périphériques. »

Et si c’était en fait pendant ces plages horaires qu’il fallait ouvrir davantage les commerces ? C’est en tout cas ce que veulent les consommateurs, comme le confirme le sondage réalisé dans le cadre de la même étude : « L’ouverture en soirée constitue la modalité la plus citée spontanément (par 43% des enquêtés), devant l’ouverture entre 12h et 14h (30%) et enfin l’ouverture le dimanche (23%). » Le géographe propose donc des alternatives plus adaptées, comme « la mise en place de nocturnes une ou deux soirées par semaine ». Arnaud Gasnier rappelle lui que des Bureaux des temps, chargés d’adapter les horaires aux besoins réels des habitants, ont été ouverts à Belfort (Territoire de Belfort), Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et en Italie.

Et si j’empruntais une perceuse au lieu de rouler 20 kilomètres en voiture un dimanche matin pour en acheter une ? Quand on sait qu’une perceuse est utilisée en moyenne sept minutes par an par les ménages français, cela tombe sous le sens. Plusieurs sites de consommation collaborative permettent de louer du matériel à des particuliers près de chez soi. Certains proposent même de demander un coup de main à quelqu’un du coin. Certes, ça marche mieux dans les zones urbaines qu’en pleine cambrousse. Mais un projet suisse vient peut-être de trouver une solution aussi simple que pratique. De petits autocollants à afficher devant sa maison ou sur sa boîte aux lettres pour indiquer à vos voisins les objets que pouvez prêter ou louer. Ne les réveillez pas à 8h du matin pour autant, c’est un jour chômé on vous dit.


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