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Notre sélection de 10 films à voir cet été
lundi, 5 août 2013 / Anne de Malleray

C’est les vacances. Profitez-en pour aller voir en salles ou regarder les DVD des films chroniqués par « Terra eco » depuis le début de l’année.

- Aya de Yopougon de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, en salles le 17 juillet.

Dans la banlieue d’Abidjan, le quartier populaire de Yopougon abrite les histoires de trois amies. Aya, la studieuse, et Adjoua et Bintou, qui s’échappent le soir pour aller danser dans les « maquis », les bars en plein air du quartier. On est dans les années 1970, la Côte d’Ivoire est en plein boom économique, mais être une fille qui veut faire des études n’est pas facile. Aya doit tenir tête à son père, qui ne pense qu’à la caser avec le fils de son patron. Adapté de la bédé de Marguerite Abouet, née en 1971 à Abidjan, ce dessin animé montre une Afrique enchantée, où l’on se presse de rire de tout, même dans l’adversité.

- Leviathan de Lucien Castaing-Taylor et Véréna Paravel, en salles le 28 août.

Leviathan n’est pas un film, au sens où on l’entend. C’est une expérience. Celle de l’enfer qu’ont découvert les deux réalisateurs en embarquant à bord d’un bateau de pêche. Celle de la nausée qui saisit le spectateur dès les premières images, tournées, comme le reste du film, à l’aide d’une dizaine de petites caméras placées sur le navire et les hommes de bord. Le pari de ce docu inclassable ? L’immersion, sans dialogue et sans récit, dans le quotidien des marins. Le résultat ? Un voyage houleux, voire douloureux, et un regard à la foi cru et poétique sur la pêche industrielle.

- Bambi,de Sébastien Lifshitz. En salles le 19 juin et, le 25 juin, 1 DVD Épicentre, 17 euros.


Dans les années 1960, aux très riches heures des cabarets de Pigalle, Marie-Pierre Pruvot, alias Bambi, fut l’une des meneuses de revue les plus en vogue du Carrousel, célèbre dans le monde entier pour ses spectacles transformistes. Née en 1935 dans la banlieue d’Alger, Marie-Pierre, dès sa prime enfance, préfère les robes aux pantalons et ne supporte pas son prénom : Jean-Pierre. Pourtant il faut se conformer aux attentes des adultes, ne pas choquer, se faire discrète à l’école. De l’enfance et de l’adolescence, Marie-Pierre garde le souvenir d’une absence à elle-même, d’une faille profonde et insoluble jusqu’au jour où elle assiste à une revue du Carrousel, en tournée à Alger. Alors, c’est l’échappée belle.

A Paris, où elle débarque à l’âge de 17 ans, elle frappe à la porte du cabaret Madame Arthur et commence peu à peu la scène et le travestissement. En 1958, elle se fait opérer, deux ans après son amie Coccinelle, la première transsexuelle française. Bambi passe près de quinze ans sur scène, puis décide, au début des années 1970, de retourner à l’anonymat. Le documentaire de Sébastien Lifshitz ramène Bambi sur les traces de son passé, en Algérie, où elle prit la décision « la plus importante de sa vie » : tout quitter pour ne plus revenir. A travers des souvenirs, des extraits de films tournés en Super 8 par Marie-Pierre et ses proches, des photographies de l’enfance, Bambi retrace la trajectoire de sa vie comme une ligne claire. Au-delà de sa transsexualité et de sa beauté fascinante, on découvre l’histoire d’une femme libre, fidèle à ses convictions. « Je veux bien ne pas choquer la société, mais je veux qu’on me laisse libre. C’est cette résistance qui a vaincu les résistances de la société », analyse-t-elle. De ce dialogue ouvert entre le réalisateur et Bambi naît un témoignage précieux, qui invite à comprendre.

- Grand central, de Rebecca Zlotowski, en salles le 28 août.

« C’est quoi la dose ? », demande Gary, attablé au bistrot avec ses compagnons décontaminateurs. La jeune Karole se lève, s’approche et l’embrasse. « Tu vois, tu as tout eu là : la peur, l’inquiétude, les yeux brouillés, la tête qui tourne. C’est ça, la dose. » Tout le film se construit autour de ce parallèle entre irradiation nucléaire et amoureuse. Alors que Gary, la trentaine, est recruté par une entreprise de sous-traitance chargée de décontamination, il rencontre Karole, bombe sensuelle, fiancée à un autre. Les deux amants vivent des amours secrètes sur les rives du fleuve, milieu sauvage et lumineux, filmé en 35 mm, qui contraste avec l’univers sombre et hypertechnologique du réacteur, où les scènes ont été tournées en numérique.

Le décor est celui de Zwentendorf, centrale nucléaire dans la banlieue de Vienne, en Autriche, qui n’a jamais été mise en activité, à la suite d’un référendum, en 1978, puis d’une loi votée par le Parlement contre le recours à l’énergie nucléaire. Pour reconstituer la vie à l’intérieur de la centrale, les routines, les relations de travail, les accidents aussi, la réalisatrice a fait appel à Claude Dubout, auteur de Je suis décontaminateur dans le nucléaire (Paulo-Ramand, 2010), ouvrier pendant vingt ans pour des entreprises de sous-traitance. Dans cette autobiographie, il raconte la condition des travailleurs – entre 20 000 et 30 000 en France – payés 1 300 euros par mois en début de carrière, 1 700 à la fin. Ils effectuent les tâches de nettoyage les plus dangereuses et reçoivent les doses les plus lourdes. « Je m’en faisais une idée presque mythique, celle d’un soldat qui intervient pour et avant les autres », raconte-t-il dans le dossier de présentation du film. La troupe des ouvriers de Grand Central, compagnons de galère solidaires face au danger, incarne le sacrifice de cette classe ouvrière déclassée.

  • EN DVD

- The Land of Hope, de de Sion Sono.

« C’est un accident industriel majeur, où les installations sont détruites, l’environnement immédiat risque une contamination importante, et les intervenants sur site risquent peut-être leur vie, mais rien de tout cela ne distingue cet accident d’un incendie d’usine chimique ou d’une raffinerie, sauf… ce malaise lié à la présence d’un processus invisible », écrivait l’expert en énergie pronucléaire Jean-Marc Jancovici, dans Le Figaro, en avril 2011, à propos de la catastrophe de Fukushima. Le nucléaire effraie parce qu’on ne le voit pas. Mais pour cette même raison, l’on peut faire abstraction du danger. L’articulation entre la peur et l’oubli, c’est ce qu’explore The Land of Hope, à travers des destins croisés.

L’histoire se déroule après Fukushima, à Nagashima – contraction de Nagasaki, Hiroshima et Fukushima –, victime d’un accident atomique. Un agriculteur, dont la maison se trouve à la frontière de la zone évacuée, décide de rester sur place avec sa femme, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Tous les jours, elle apprend, puis oublie, qu’une centrale a explosé à quelques kilomètres. Parce qu’elle oublie, elle continue à cultiver ses fleurs, à rire, à vivre. On peut lire là la conscience du Japon post-Fukushima : il faut se forcer à oublier pour survivre, parce que le mal est permanent et la peur insupportable. « Votre femme souffre d’une phobie de la radioactivité », diagnostique le médecin à propos d’Izumi, future mère qui, pour protéger son enfant, se promène en combinaison dans une ville non évacuée, où les habitants préfèrent ne pas voir les risques. Ses craintes sont justifiées, mais elles l’empêchent de vivre. Ce mal invisible fait la différence, non parce qu’il est surestimé, au contraire, mais parce qu’il condamne à fuir ou à oublier.

- Les Alimenteurs, de Stéphane Horel et Brigitte Rossigneux, 1 dvd Montparnasse, 15 euros.

10 000 entreprises et 400 000 emplois en France : l’industrie agroalimentaire est « un Etat dans l’Etat », selon Roselyne Bachelot, ministre de la Santé de 2007 à 2010, qui a fait les frais du lobby, au moment du débat sur l’obésité. A travers les propos d’élus, d’anciens ministres, de scientifiques à l’initiative du Programme national nutrition santé, ce docu montre pourquoi l’étiquetage en « feux tricolores » – pour le gras, le sucre et le sel – lancé en 2006 par la Commission européenne a été tué dans l’œuf. Une étude montrait pourtant qu’il donnait cinq fois plus de chances de choisir le produit le plus sain…

- Le Jour des corneilles, de Jean-Christophe Dessaint, 1 DVD France Télévisions, 20 euros.

Dans la forêt, un garçonnet vit avec un ogre, le père Courge, et dialogue avec de mystérieuses créatures, qui incarnent l’âme des défunts. « Il n’y a rien hors de la forêt », lui répète son père. Mais un jour, le petit sauvage franchit l’orée du bois et se retrouve au village. Inspiré d’un roman québécois, ce dessin animé entremêle chronique de la vie rurale, magie animiste et échappée sauvage. La nature est magnifiée par le trait de crayon délicat du dessinateur, qui évoque celui des studios Miyazaki. On y retrouve le même souffle, la même attention portée aux détails et ce goût pour la métamorphose. Ce conte pour enfants fascinera aussi les adultes.

- ¡ Vivan las Antípodas ! de Victor Kossakovski, en salles le 6 mars.

Si l’on trace une ligne au centre de la Terre depuis Entre Ríos, province de la pampa argentine, on atterrit dans les volutes polluées de Shanghai. Ce documentaire, voyage entre huit antipodes, offre des effets de contraste saisissants, du grouillement des rues chinoises au passage à gué désert d’une rivière argentine. Des correspondances étonnantes aussi, entre le froid bleuté du lac Baïkal, en Sibérie, et celui des montagnes de Patagonie. Souvent le paysage se renverse, comme pour traduire l’idée enfantine selon laquelle, à l’autre bout du monde, les gens marcheraient la tête en bas. Ponctué de moments poétiques et intrigants, ce périple finit par faire tourner la tête.

- Wadjda de Haifaa Al Mansour, 1 DVD M6 interactions, 20 euros.

Premier film réalisé en Arabie saoudite, Wadjda porte un regard ironique et mordant sur la condition des femmes saoudiennes et la vie quotidienne à Riyad, la capitale. Wadjda, douze ans, a beau être née dans un milieu conservateur, elle ne se résout pas à adopter les manières et la retenue qui siéent aux jeunes filles. Son obsession : à vélo, battre à la course son ami Abdallah, même si la bicyclette est interdite aux femmes. Pour s’en offrir une, Wadjda décide de concourir à un prix de récitation du Coran. Autour de ces petits contournements, le film dépeint avec justesse, parfois drôlerie, le carcan de la société saoudienne et comment quelques insoumises tentent d’y résister.

- Sur la planche, de Leïla Kilani, 1 DVD épicentre films, 20 euros. Parmi les ouvrières de la zone industrielle franche de Tanger, au Maroc, deux catégories : celles qui décortiquent des crevettes et celles, privilégiées, du textile. Les quatre héroïnes du film travaillent sur la zone. Elles deviennent partenaires de magouilles. « Je ne vole pas : je me rembourse. Je ne cambriole pas : je récupère. (…) Je ne mens pas : je suis déjà ce que je serai. Je suis juste en avance sur la vérité : la mienne. » Badia, voix entêtante, débit saccadé, énonce leur devise. Séductrices, ces filles de 20 ans font exploser les carcans sociaux et refusent d’être exploitées. Rebelles, en mouvement, elles confèrent à ce premier film une énergie brouillonne et poétique. —


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