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Autoroute : risque-t-on la faillite en roulant moins vite ?
mardi, 23 juillet 2013
/ Thibaut Schepman / Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir. |
Les acteurs du débat sur la transition énergétique recommandent de diminuer les limitations de vitesse. Ses opposants estiment que la mesure est coûteuse. C’est faux.
On en débattra, mais on ne votera pas. A la fin du mois de novembre, le gouvernement a éludé la question d’une réduction à 80 km/h de la vitesse maximale sur le réseau secondaire. Cette mesure était pourtant une préconisation du comité des experts du Conseil national de la sécurité routière. En juillet dernier, c’est la limite de vitesse de 130 à 120 km/h – voire 110 – sur les autoroutes qui était recommandée à la suite du débat national sur la transition énergétique, achevé dans la douleur vendredi 19 juillet.
Là encore, rien ne dit que l’on passera à la pratique. D’autant que ces mesures sont impopulaires. La Ligue de défense des conducteurs, association controversée de défenseurs des automobilistes, revendique ainsi près d’un million de signatures pour sa pétition contre l’abaissement de la vitesse maximale autorisée.
D’autres s’inquiètent du temps perdu par les Français. L’un d’eux, Rémy Prud’homme, professeur émérite d’économie, s’est même essayé pour Les Echos au calcul du coût de cette mesure. Sa calculette lui a indiqué 8 milliards d’euros par an.
Voici comment il a procédé :
L’économiste s’arrête là et conclut : « Il ne suffit pas de dire qu’une mesure va directement sauver des vies pour qu’elle soit justifiée. Si c’était le cas, il faudrait interdire tout transport. Zéro mobilité, zéro mortalité. Mais aussi zéro richesses, et finalement beaucoup de morts de faim, de froid, de maladie. » Imparable ? Pas vraiment. « Le point faible de ce raisonnement, c’est que les gains de temps ainsi calculés seront toujours plus intéressants que le coût des morts et blessés supplémentaires. Avec ce type de raisonnement par l’absurde, on peut soutenir qu’il faut donc d’urgence supprimer toutes les limites de vitesse sur toutes les routes », s’amuse Yves Crozet, professeur d’économie et chercheur au laboratoire d’économie des transports. Sans tenter à notre tour de donner un chiffre tout rond, on peut donc revenir sur ce calcul. Et estimer que l’impact économique d’une telle mesure est considérablement moins élevé que ce qu’affirme Rémy Prud’homme. Et ce pour trois raisons :
Au mieux, réduire la vitesse maximale pourrait même faire gagner du temps à tout le monde. Pour comprendre ce paradoxe, il faut penser à du sable que l’on verse dans l’entonnoir (voir l’excellente explication de nos confrères du Figaro ici). Si l’on verse le sable trop vite, il va s’agglutiner autour du trou de l’entonnoir et coulera plus doucement. Il faut donc y aller mollo pour verser plus vite. De même, en réduisant la vitesse des voitures – la vitesse idéale serait proche de 90 km/h sur autoroute –, on peut en faire passer plus. En prime, une limite plus basse réduit la différence de vitesse entre les voitures et donc les ralentissements brusques et les accidents. La mesure a fait ses preuves dans le Colorado, mais aussi autour de la plupart des grandes villes françaises.
Enfin, contrairement à ce qu’affirme Rémy Prud’homme, les camions de marchandises ne devraient pas être plus frappés que les autres. Et pour cause, « ils roulent déjà en-dessous des limites maximales » et « ce sont surtout les embouteillages et les irrégularités qui coûtent aux transporteurs », nous précise Olivier Klein, directeur adjoint du laboratoire d’économie des transports.
Conclusion : Il est faux de dire qu’une majorité de Français passera plus de temps au volant et certains pourraient même en passer moins.
Conclusion : Rien ne prouve que la productivité du pays sera affectée si quelques milliers de conducteurs passent quelques minutes de plus par jour dans leur auto.
Conclusion : Les bénéfices sont bien plus élevés que prévu. Faut-il à l’inverse estimer que la mesure proposée dans le cadre du débat national sur la transition énergétique peut faire gagner de l’argent à la France ? Pas non plus pour nos deux économistes des transports. « Ces choix correspondent à des projets de société, à une politique de mobilité globale, le calcul de la valeur économique ne suffit pas », insiste Olivier Klein. « Sur le fond, c’est un bon signal à donner, cela montre que la voiture ne doit plus être considérée comme un moyen d’aller vite. Mais dans les faits, cette politique est déjà en cours sur la plupart des tronçons où c’est nécessaire et la vitesse moyenne diminue en France depuis dix ans. A l’inverse, il reste des tronçons où l’on peut rouler à 130 km/h sans problème, comme l’A39 dans le Jura et bien d’autres. Pour moi, cette annonce correspond donc plus à de l’affichage politique », confirme Yves Crozet.
Et vous ? Que pensez-vous de la réduction de la vitesse maximale autorisée sur les autoroutes ? Dites-le nous dans les commentaires ci-dessous.