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A Bordeaux, avec les rois de la bidouille
jeudi, 27 juin 2013
/ Emmanuelle Vibert
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Le « do it yourself » a désormais sa fête. Depuis un an, les Open bidouille camp ont débarqué en France. Suivez-nous en virée en terre girondine, entre bombes végétales, imprimantes 3D et automassage !
Il est venu avec son skate, dans l’espoir d’y ajouter un moteur. Valentin Wechsler a 13 ans, un air d’enfant qui ne durera plus très longtemps, un sac à dos Eastpak sur les épaules, une main dans la poche, l’autre tenant sa planche au bout du bras tendu. « Pas possible sur une planche classique, lui répond Laurent, 45 ans, rider professionnel et développeur de sites Web. C’est trop petit. Aujourd’hui, on a prévu de le faire sur cette vieille planche à voile. » Tant pis, Valentin a aussi prévu de bidouiller des ordinateurs de récup, fabriquer des stickers avec une découpeuse vinyle, s’initier à Arduino – des circuits électroniques – et aller voir à quoi ressemble l’imprimante à graffitis.
« Ça a super bien marché », raconte Ophélia Noor, jeune trentenaire parisienne, devant l’imprimante à graffitis – une barre en fer sur laquelle on a fixé sept bombes de peinture, le tout commandé par un ordinateur portable. La jeune femme fait partie de l’équipe des fondateurs. « On a eu plus de 1 000 personnes dans la journée, des gens enthousiastes. Et pas que des bobos ! On s’est dit qu’on tenait quelque chose qui avait du sens, qu’il fallait le développer. On a alors organisé une seconde édition au Fablab (laboratoire de fabrication mis à la disposition du public, ndlr) de Gennevilliers (Hauts-de-Seine). A Brest (Finistère), l’association des Petits débrouillards a tout de suite repris le principe. Ils en ont fait trois cette année. Il y a des demandes à Lille, à Poitiers. On a écrit une charte. On ne centralise rien, chacun son autonomie. Si vous respectez la charte, on vous envoie le graphisme. Le plus important : la gratuité, l’accessibilité à tous. Et s’amuser ! », poursuit Ophélia. La jeune femme a fait des études de cinéma, s’intéresse au graffiti depuis l’adolescence, a travaillé dans des festivals puis est devenue journaliste photo pour le site Owni.fr, en 2010.
Depuis l’an dernier, elle fréquente le Graffiti Research Lab (GRL), qu’elle représente ici. « Grapheurs et makers y créent ensemble, grâce aux outils numériques. Le mouvement, né à New York en 2005, est maintenant présent à Tokyo, Berlin, au Canada et à Paris depuis 2011. » Ophélia connaît bien le mouvement DIY actuel : « Il y a des valeurs communes dans l’électronique, le jardinage, la permaculture. Ça résonne avec des questions contemporaines, écologiques : le recyclage, l’obsolescence programmée, l’‘‘ open source ’’, les licences libres… »
Le gaspillage alimentaire vous révolte ? Allez donc couper des légumes dans le coin de la Disco Soupe, où une joyeuse bande prépare une délicieuse salade avec des radis et des tomates récup. Le béton des villes vous oppresse ? Venez fabriquer des bombes à graines ou un mur végétal sur une palette au stand des Incroyables comestibles. Le monde de la fast-fashion (vêtements bon marché et de faible qualité) vous fait vomir ? Rendez-vous dans le secteur des machines à coudre et apprenez à vous servir d’un fil et d’une aiguille avec les Sew & Laine, Recup’R et L’Upcyclette, trois organisations menées par des stylistes capables de faire des miracles avec de vieilles frusques. Vous ne voulez plus être otage de l’industrie pharmaceutique ? Rejoignez le cercle d’individus étranges au milieu de l’espace : debout les uns face aux autres, ils se tapotent le ventre en suivant la douce voix d’une jeune femme. N’ayez pas peur. Ça n’est pas une secte, mais un atelier d’automassage « do-in », une technique issue de la médecine traditionnelle chinoise.
« Au départ, les hackers restaient entre eux, raconte Frédéric Jourdain. Puis, certains ont eu envie de diffuser leurs connaissances. Du coup, le mouvement des “ hackerspaces ” est très ouvert. Ça fait même partie de leur ADN. » Cet ex du hackerspace toulousain a créé Snootlab en 2010, une boîte qui conçoit et commercialise des composantes Arduino. Elles permettent au plus grand nombre de fabriquer des dispositifs électroniques customisés. Un outil développé en « open source » dont s’empare une foule de makers dans le monde entier. De la même façon qu’ils se sont appropriés l’imprimante 3D. Il y en a d’ailleurs deux sur l’OBC de Bordeaux. Elles sont les stars du moment, toujours cernées par un groupe de curieux. C’est non loin d’une RepRap, une des imprimantes 3D les plus diffusées, que je retrouve Valentin. Il a sorti son ordi et s’est installé à côté d’un « développeur et musicien », nommé Joseph Larralde. Ce trentenaire fait partie des Morphogénistes, une association sur les arts numériques qui développe des instruments de musique. Il initie Valentin à un logiciel – « open source », faut-il le préciser ? – « de pure data, pour faire du son, des patchs ». Des quoi ? Pour comprendre une seule solution : do it ! —