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Transition énergétique : les Français sont pour mais ne veulent rien faire
mercredi, 12 juin 2013 / Amélie Mougey

« Urgente », « incontournable », « compétitive », « innovante » : dans l’idée, la transition énergétique, débattue depuis mars dernier, séduit entrepreneurs et particuliers. Dans la pratique, chacun se renvoie la responsabilité.

Oui, changer nos modes d’approvisionnement et de consommation en énergie est urgent. Mais non, nous n’avons pas les moyens de nous y atteler personnellement. Voilà en substance le sentiment qui se dégage du sondage commandé par la Fondation européenne pour le climat. Entre conviction d’une nécessité de changement et sensation d’impuissance, entrepreneurs et particuliers, les deux catégories de population interrogées par Harris Interactive du 16 avril au 7 mai, se rejoignent.

Seul un entrepreneur sur deux pense pouvoir agir

Les dirigeants d’entreprise approuvent la transition énergétique et la réclament. Tous secteurs confondus, 81% d’entre eux jugent le tournant urgent. Ils sont même 91% à estimer que ses bénéfices à long terme, en matière d’environnement bien sûr, mais aussi d’emploi, d’innovation, et de compétitivité, l’emporteront sur les inconvénients. Presque aussi nombreux sont ceux qui pensent que les entreprises ont un rôle à jouer (87 %). Les entreprises certes, mais la leur ? Quand on ramène la question à leur activité, l’élan retombe. « Seul un entrepreneur sur deux a le sentiment de pouvoir agir au sein de son entreprise », souligne le sondage. Les moins fatalistes font preuve d’un engagement en demi-teinte.

Ainsi, la plupart des dirigeants veulent bien « encourager leurs salariés à adopter des comportements responsables » mais restent majoritairement réticents à l’idée de créer des postes qui y seraient dédiés. De même, les responsables d’entreprise sont largement partants pour engager des travaux dans l’optique de réaliser des économies d’énergie, mais peu seraient prêts à participer financièrement à des projets locaux de production d’énergie renouvelable.

La transition synonyme d’efforts financiers

Privilégier les fournisseurs et prestataires de services responsables ? Si cela passe par une augmentation des factures, pour quatre entrepreneurs sur dix c’est non. Chez les autres, l’enthousiasme n’est pas franc. « Les dirigeants d’entreprise indiquent surtout être freinés par le manque de moyens financiers et la faiblesse des aides publiques », souligne l’étude.

Impuissants faute d’argent ? L’argument est également avancé par les particuliers. « Seul un Français sur deux a le sentiment de pouvoir agir à son niveau en faveur de la transition énergétique », apprend-on. À court terme, celle-ci est perçue comme synonyme d’efforts financiers, d’un coût de l’énergie plus élevé voire d’une hausse d’impôts.

90% aimeraient privilégier les circuit courts, 18 % le font

Pour autant, les Français assurent ne pas vouloir rester impassibles. Plus des trois-quart des particuliers sont prêts à changer de chauffage, à effectuer des travaux d’isolation ou à investir dans des outils leur permettant de mesurer de leur consommation d’énergie. Pour les achats alimentaires, 90 % d’entre eux aimeraient privilégier les circuits courts. Mais actuellement, seuls 18 % le font. Dès que les bouleversements sont plus importants, les réticences surgissent. Rares sont ceux qui iraient jusqu’à déménager dans un immeuble ou un logement plus petit par souci de leur consommation d’énergie. Idem quand il s’agit de payer plus cher un produit peu gourmand en carburant ou taxé en raison de ses émissions carbone : la majorité des Français ne marche plus.

Les Français font confiance à leur proches

Alors qui doit agir ? Sans s’exonérer totalement de l’effort collectif, les entrepreneurs renvoient la balle, dans l’ordre, aux scientifiques, au gouvernement, et à l’Union européenne. Les particuliers eux sont plus sceptiques. Moins d’un quart d’entre eux fait confiance au gouvernement, à peine un tiers à l’Europe. L’engagement d’autres acteurs, tels que les entreprises, les associations et les collectivités territoriales convainc à peine une personne sur deux. Paradoxalement, si eux-mêmes assurent ne pas pouvoir faire grand chose, 65 % des Français comptent sur leurs proches pour agir.

Une transition énergétique, oui mais laquelle ?

Le développement des énergies renouvelables (éolienne, solaire,…) devrait être le principal moteur de la transition énergétique : l’opinion est largement partagée par les dirigeants d’entreprises (qui jugent à 95 % ces ressources compatibles avec la transition énergétique) et les particuliers (à 65%). Mais, parmi les entrepreneurs, 62 % restent convaincus que le nucléaire est un atout pour la compétitivité de la France. Dans l’ensemble de la population, cette certitude est partagée par une personne sur deux. À l’inverse, les énergies fossiles et le gaz de schiste font l’unanimité contre eux. Ces ressources ne sont « ni compétitives, ni compatibles avec la transition énergétique » aux yeux des deux catégories de personnes interrogées. Le grand public est pourtant peu enthousiaste à l’idée de réduire sa consommation. Il préfère aux sacrifices, « l’amélioration de l’efficacité énergétique ».