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Les serviettes hygiéniques lèvent le voile
mercredi, 24 avril 2013 / Justine Boulo /

Née au bout de la Loire, un pied dans l’Atlantique, l’autre embourbé dans la terre, elle s’intéresse aux piafs et aux hortensias, observe ses voisins paysans et leurs élevages bovins. Elle enrage devant les marées noires. Licenciée en lettres, elle sort diplômée de l’Institut pratique du journalisme de Paris en avril 2012. Elle scrute les passerelles qui lient les hommes à leurs terres. Parce que raconter la planète, c’est écrire au-delà des pommes bio et du recyclage de papier.

Du plastique, des additifs de parfum, des fongicides… Les fabricants de protections menstruelles cachent bien leurs recettes. A tel point que de petits nouveaux ont décidé de jouer la carte naturelle.

La moitié de l’humanité se coltine chaque mois une semaine plus désagréable que les autres. Oui messieurs, madame est irritable, mais madame a de quoi. Les règles, ça énerve. Et la serviette hygiénique, c’est cauchemardesque. Il suffit de se hasarder sur les blogs féminins pour s’en convaincre. On y cause intimité et littérature de science-fiction. Tout ça autour d’une énigme : que contient cette fichue serviette, outre du plastique ? Du côté des marques, le service consommateur prend soin de garder sa langue dans sa poche : « Consultez votre médecin », répond-on chez Vania. Pas plus de succès chez Always : « On n’a pas toute la liste des composants, à part ce qui est inscrit sur l’emballage. » Sauf que, sur l’étiquette, la case « ingrédients » n’existe tout bonnement pas. Sur les forums médicaux, on assure qu’on y trouverait pêle-mêle des additifs de parfum – pour cacher les odeurs, pardi –, des résines, des fongicides, des bactéricides, etc.

Pâte à papier

Mais, au-delà des composants, « c’est le principe même de la serviette qui pose problème, car elle crée une nonoxygénation », tranche la docteure Sylvie Pennec. Cette gynécologue rappelle combien les parents perçoivent bien que leur bébé se sent mieux sans ses couches. Pour les femmes, le souci est le même : il s’agit d’éviter de mariner. « Avec les serviettes, le sang reste dans cette enveloppe en plastique et en coton. L’air ne passe pas. » Bon nombre de médecins préconisent donc le tampon probiotique – contenant des micro-organismes vivants. Le tampon classique, lui, absorbe 90 % des sécrétions naturelles du vagin, qui agissent comme un voile protecteur contre les infections.

Chez Plim, dans les Deux-Sèvres, Capucine Mercier a lancé, il y a cinq ans, la serviette lavable. Son bras droit, Carole de Cancellis, admet que « le jetable a sauvé la femme. Mais on en revient aujourd’hui, à voir tous les produits chimiques qu’on met dedans ». Elle précise : « Pour qu’elles semblent si pures, les serviettes sont blanchies au chlore. » C’est le principe de la pâte à papier, adapté à l’hygiène féminine. Or, le chlore crée un sous-produit – la dioxine – classé « cancérogène pour l’homme » par le Centre international de recherche sur le cancer.

Pour éviter que les femmes ne se dézinguent l’entrejambe – et ne se retournent l’estomac –, les « Plimettes » misent sur les solutions naturelles. Pour remplacer le polymère, qui absorbe jusque mille fois son poids, elles ont créé un maillage très technique de chanvre et de coton biologique. Pas bête, si on met la main au portefeuille : entre 16 et 21 euros la serviette, mais « elle peut durer dix ans ». Lavable en machine, avec le reste du linge, elle n’est pas vouée à être « une régression pour la femme », souligne Carole de Cancellis.

4,8 milliards de serviettes par an

Pour les réticentes au lavage, certaines marques, comme Natracare, commercialisent des serviettes jetables en cellulose végétale, garanties sans paraben, sans chlore et sans parfum. Le fabricant italien Organyc préfère, lui, le coton biologique, rappelant que des résidus de pesticides se retrouvent dans les serviettes. Du champ à la petite culotte, il n’y a qu’un pas, puisque ces substances sont absorbées par les muqueuses vaginales. Mais ces produits menstruels ont tous le même défaut : leurs déchets. Group’Hygiène, le groupement français des fabricants de produits à usage unique pour l’hygiène, établissait que, en 2005, la France comptait 16 millions de femmes âgées de 13 à 50 ans – et autant de consommatrices potentielles –, qui utilisaient chacune 290 protections par an. 4,8 milliards de serviettes hygiéniques sont jetées chaque année. Pas de quoi s’en tamponner. —

Mooncup, la solution à la coupe ?

Dans sa campagne de pub, sobrement baptisée « Love your vagina » (Aimez votre vagin), la marque anglaise Mooncup précisait : « Oui, ça va bien là où vous croyiez. » Beurk ! La coupe menstruelle, de son vrai nom, ressemble plutôt à une tétine transparente, affectée au poste de récupérateur de sang. Une fois insérée, son effet ventouse garantit le zéro fuites. Le fabricant français Lunacopine précise que « la coupelle est en silicone médical » et qu’il n’y a donc « pas d’allergie possible ». Et comme « tout reste à l’intérieur », l’effet un peu mouillé des serviettes disparaît. Elle coûte entre 13 et 30 euros et sa durée de vie maximale est estimée à dix ans. —


Précisions Dans un courrier adressé à la rédaction, le syndicat professionnel Group’Hygiène a réagi après la publication de l’article « Les serviettes hygiéniques lèvent le voile ». A la suite d’un échange avec ses représentants, nous avons décidé de préciser les éléments suivants :

• Si certaines serviettes hygiéniques contiennent encore du chlore, ce composant tend à être éliminé.

• Le coton entre bel et bien dans la fabrication de certaines serviettes hygiéniques, même si la plupart de celles-ci contiennent de la cellulose et des composés artificiels.

• Nous rappelons que les professionnels interrogés – Always (Group’Hygiène) et Vania – n’ont pas souhaité répondre à nos questions et nous nous étonnons que l’affichage de la composition des serviettes hygiéniques ne soit pas obligatoire.