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A vélo pour faire revivre les souvenirs des anciens
jeudi, 14 février 2013 / Vincent Varron

Pour créer du lien avec les anciens des maisons de retraite, Jeanne Pahun a pris sa bicyclette et leur a fait vivre un voyage de mémoire.

Pour son projet En vélo Simone !, Jeanne Pahun a suivi les pas du « bon gros géant » crée par l’écrivain pour enfants Roald Dahl. Pour résumer, ce gentil géant va chercher des rêves dans un pays inconnu avant de les souffler, la nuit, dans les chambres des enfants. Jeanne Pahun fait un peu pareil, mais avec les pensionnaires des maisons de retraite. Les Simone et les Simon comme elle les appelle. Elle recueille leurs souvenirs, leur redonne vie avant de les restituer aux anciens. Le plus simple est donc de la suivre, dame Jeanne, au pays des souvenirs.

Attention, on vous conseille de lire cet article en musique :

Retrouver des souvenirs

Au printemps dernier, elle entre dans un monde qui l’intrigue : les établissements de retraite de Port-Louis et Riantec. Non loin d’où elle a pris racine, à Locmicquélic, dans le Morbihan. Elle n’est pas très grande, Jeanne, et elle a de quoi charmer ses petits vieux. Le courant passe bien. Pour se faire identifier, elle leur rendra visite en T-shirt jaune avec un vélo dessiné dessus. Au début, c’est bien possible qu’on l’ait pris pour une coureuse, une Jeannie Longo qui viendrait de dérailler, ou qui aurait besoin d’un grand verre d’eau. Que nenni, avec le soutien des animatrices médiatrices de la résidence (Catherine Lamour, Isabelle Gauthier), Jeanne se fait comprendre. En vélo Simone ! va progressivement être assimilé par les têtes grisonnantes. La plupart d’entre eux sont même emballés par l’initiative : raconter un souvenir qui les a marqués là où ils ont vécu. Demander à Jeanne d’y aller réaliser une action, et de tout leur raconter pendant et au retour de son itinérance à vélo. Bref, avant l’été, les souvenirs les plus lointains sont déjà remontés à la surface.

« Tu pourrais me ramener de l’andouille de chez Monsieur Quidu ? »

Berthe serait heureuse si la jeune Jeanne refaisait le chemin qu’elle prenait tous les matins, de sa maison à l’école de Guern. « Tu pourrais le filmer ? », commande t-elle. Une autre pensionnaire, La Tricoteuse – parce qu’entre temps ils se sont donnés des petits surnoms – veut envoyer la messagère manger de l’andouille de chez Monsieur Quidu, le charcutier de Guémené. « Tu pourrais m’en ramener ! », jubile t-elle. Lilas se revoit pendant la guerre, réfugiée derrière le café de la place de Pluvigner. Elle voudrait une photo de ce café. La machine à remonter le temps tourne à merveille, mais faudrait pas pousser à la consommation tout de même. Jeanne n’a qu’un mois, que deux jambes, un blog à tenir, un retour d’expérience à assurer, des études à poursuivre dès le mois de septembre 2013.

Une carte du « Morbihan de nos souvenirs »

Au bout de 25 commandes de souvenirs, Jeanne passe à l’étape suivante, ses mollets commencent à frémir. Devant le blog du projet, les 25 Simons et Simones serrent des coudes pour repérer la carte d’itinérance à vélo, les punaises interactives, là où se trouvent leurs souvenirs... Le blog leur permettra aussi de communiquer avec Jeanne. Car En vélo Simone !, c’est d’abord un voyage collectif. C’est la Jeanne en roues libres qui traverse le temps sur les départementales du patrimoine morbihanais. Et derrière l’écran, ce sont ses supporters du troisième âge, qui ne veulent rien louper, comme au tour de France !

Conjuguer le présent au passé

Le voyage de Jeanne durera moins d’un mois entre juillet et août (700 kms). Pendant ce temps, les résidents poseront leurs questions via Internet dans le journal de bord en ligne. « Ce n’est pas trop rude, tu arrives à passer à travers les gouttes de pluies ? Ou :Les gens sont-ils hospitaliers, tu as trouvé un logis pour passer la nuit ?, etc. Elle répond à chaque fois. « Je les invitais ainsi à voyager avec moi », insiste t-elle. Les images du passé, du présent, tournoient aussi vite que les rayons de ses deux roues. Elle trouvera autant de traces du passé sous les strates du temps, que de nouvelles personnes, de nouveaux paysages, de nouvelles histoires... Exemple sur le blog, ce post à l’attention de Nanane, une Simone qui tenait une boucherie-charcuterie-bar à Sainte-Hélène : « Premier changement, l’église au fond. Rasée pendant la guerre ce n’est que par la suite qu’elle a été reconstruite, avec une charpente en béton. C’est vilain, mais ça tient. Deuxième changement, lui aussi de taille, votre absence. Plus personne sur le pas de ce café et plus personne au café. Mais bon, faut bien arrêter de manger du saucisson et de boire de la pression un jour où l’autre. »

« Les souvenirs, le passé, le présent, les Simons et les Simones, les maisons de retraite, les lieux qu’on a laissés et ceux qu’on redécouvre : le but du projet c’était de faire dialoguer un peu tout ça ensemble », analyse Jeanne à son retour. Après avoir passé, une dernière fois, du temps avec chaque retraité pour la restitution des souvenirs en détail.

Un réseau avec des milliers de kilomètres

Les Simone et les Simon plein d’émotions gardent aujourd’hui précieusement les photos que Jeanne leur a laissées. L’inventrice a mis en veilleuse sa machine à remonter le temps, pris le train jusqu’à Paris pour le Master 2 en économie du développement. Le blog En vélo Simone ! affiche plus de 12 000 visites depuis sa création... A priori donc, il n’y a pas qu’elle et les Simons à aimer le projet... Pourquoi alors ne pas trouver des partenaires, créer un réseau pour reproduire l’action ? Jeanne y croit dur. Elle attend qu’on la contacte.


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