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« Les dépassements d’honoraires sont le cancer de notre système de soin »
mercredi, 7 novembre 2012 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Le sociologue Frédéric Pierru préconise un encadrement très strict des dépassements d’honoraires.

Frédéric Pierru est sociologue et chargé de recherche au CNRS.

Terra eco : De plus en plus de Français renoncent à se soigner pour des raisons financières depuis le début de la crise économique. Partagez-vous ce constat ?

Frédéric Pierru : Je partage ce constat mais pas la chronologie. Pour moi, les problèmes ont commencé lors de la réforme de l’Assurance maladie en 2004. Avant cela, on essayait de réduire le déficit de l’Assurance maladie en misant sur les dépenses des médecins, depuis lors on a décidé d’essayer de « responsabiliser les assurés » pour maîtriser les dépenses de santé. Mais cette idée est une erreur sur tous les plans.


Pour vous, c’est ce qui explique aujourd’hui les problèmes d’accès aux soins en France ?

Cette logique de « responsabilisation des malades » renforce les inégalités. Les dispositifs qui ont été mis en place dans ce sens, notamment les franchises médicales (la franchise médicale est la somme déduite des remboursements effectués par l’Assurance maladie. Elle s’élève à 0,50 euro par boîte de médicaments, 0,50 euro par acte paramédical et 2 euros par transport en ambulance avec un plafond maximum de 50 euros par an, ndlr), le ticket modérateur (le ticket modérateur est la part non remboursée par l’Assurance maladie. Il varie en fonction des actes et médicaments et des affections. Cette part peut être prise en charge par une complémentaire, ndlr), le forfait hospitalier (c’est la participation non remboursée payée par les personnes hospitalisées, ndlr) ont augmenté le reste à charge des assurés. Entre 2004 et 2008, on a donc assisté à un transfert de charges de l’Assurance maladie vers les patients qui s’élève à au moins 2,5 milliards d’euros supplémentaires. C’est d’abord totalement inégalitaire mais en plus ça ne marche pas puisque cela n’a pas permis la maîtrise des dépenses. Par ailleurs, aucun gouvernement n’a tenté de juguler le cancer de notre système de soin, à savoir les dépassements d’honoraires qui augmentent encore le reste à charge des assurés. Les problèmes d’accès au soin sont la conséquence de ce système de plus inégalitaire.

L’accord signé sur les dépassements d’honoraire n’a rien changé ?

Non seulement il n’a rien changé mais il ajoute un problème au problème. Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, a affiché une rupture avec les discours passés mais cette volonté politique a fini en eau de boudin. Le secteur 2 (secteur à honoraires libres, ndlr) devait être contrôlé, il en sort renforcé. Pour moi, certains syndicats de médecins libéraux ont été en-dessous de tout pendant ces négociations. Alors que les Français se serrent la ceinture, certains d’entre eux refusent la moindre concession. Ils ont perdu de vue la réalité des gens qu’ils soignent.

Quelles solutions préconisez-vous ?

Il faut lutter contre les dépassements d’honoraires, en visant l’extinction programmée du secteur 2. Pour cela, il faut commencer par revaloriser le secteur 1. Pourquoi pas en créant par exemple une assurance professionnelle publique pour les médecins de ce secteur. On sait que les assurances professionnelles privées coûtent très cher, cette solution pourrait donc renforcer l’attractivité du secteur 1 et permettre, à terme, de supprimer le secteur 2.

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