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Au Swaziland, le marula met de l’huile dans les revenus des femmes
lundi, 29 octobre 2012 / Patricia Huon /

Née en Belgique et diplômée de l’Institut de journalisme de Bordeaux Aquitaine, Patricia Huon a toujours eu la bougeotte et aime découvrir de nouvelles contrées. Depuis fin 2009, elle est installée en Afrique du Sud et parcourt le continent africain pour plusieurs titres de la presse francophone, dont La Libre Belgique, La Tribune de Genève, Marianne, L’Actualité, etc. Ses reportages portent principalement sur des sujets politiques et de société.

Dans ce pays d’Afrique australe, 2 500 villageoises conçoivent des cosmétiques grâce aux fruits de cet arbre indigène. L’entreprise qui les commercialise est encore en fleur mais leur a déjà permis d’atteindre l’autonomie financière.

Une à une, les noix craquent sous les coups de pierre. Chaque jour, assise devant sa maison, Sibongile Ndzinisa passe plusieurs heures à décortiquer les noyaux des fruits de marula qu’elle a récoltés et à en extraire les amandes qu’elle vendra ensuite à l’usine toute proche. Le marula est un arbre indigène d’Afrique australe. Dans les campagnes du Swaziland, les femmes récoltent ses fruits pour la cuisine et pour la production de « moonshine », un alcool artisanal distillé localement. Mais depuis quelques années, elles ont développé un autre débouché pour leur cueillette. Les noix de marula recèlent une huile riche, réputée pour ses propriétés hydratantes et anti-oxydantes. En 2005, grâce à l’aide de la fondation américaine Kellogg, une entreprise s’est développée autour de ce produit : Swazi Secrets. Dans une petite usine au milieu de la campagne, près de Mapka, à 80 km de la capitale Mbabane, est fabriquée une gamme de cosmétiques naturels à base d’huile et de plantes. La société permet aujourd’hui à pas moins de 2 500 récoltantes d’être autonomes financièrement. L’entreprise appartient entièrement à ces villageoises et a reçu la certification « commerce équitable ».

Huile de massage

L’activité est la seule source de revenus de Sibongile Ndzinisa, qui gagne environ 60 euros par mois. « Aujourd’hui, je peux acheter à manger et ce dont j’ai besoin pour la maison. Alors cela fait quand même une vraie différence », se félicite-t-elle. Assis à ses côtés, son petit-fils l’imite et tente, lui aussi, d’ouvrir des noix pour en manger le cœur. Jusqu’à récemment, sa grand-mère ne possédait qu’un arbre de marula sur son terrain, alors c’est principalement dans la forêt qu’elle collecte les fruits. Malgré la concurrence. « Lorsque je n’ai pas assez de sacs pour tout ramener, je cache les fruits pour éviter que d’autres ne les prennent. L’an dernier, il n’y avait pas assez de fruits, alors il arrivait qu’il y ait des bagarres entre les cueilleuses ! »

Dans son jardin, sur les conseils des représentants de Swazi Secrets, elle a aujourd’hui planté dix autres arbres de marula et espère pouvoir ainsi augmenter ses gains. « Au début, il faut beaucoup d’eau pour que les arbres poussent. Or, l’an dernier, il n’a presque pas plu, alors ils sont petits. Mais quand ils donneront des fruits, je n’aurai peut-être plus besoin d’aller en forêt. » Une fois les fruits ramassés, il faut les décortiquer pour en extraire les noix qui seront mises à sécher puis brisées pour ne garder que les amandes. Celles-ci sont alors pressées à froid. « Nous obtenons une huile pure et naturelle. Hydratante, elle peut être utilisée pour les brûlures, mais surtout comme huile de massage », précise Zanele Nsibande, la directrice commerciale de Swazi Secrets, rappelant que l’arbre de marula est connu depuis longtemps pour ses propriétés thérapeutiques.

Une idée de la reine mère

Cinq à six tonnes d’huile sont produites chaque année. Celle-ci sera vendue pure ou utilisée pour la fabrication de lotion pour le corps, de savon ou de baume pour les lèvres. 60 % de la production est exportée vers l’étranger. Seul bémol, l’huile ne peut plus afficher de label biologique. En cause, l’utilisation de sprays antimoustiques sur les arbres pour éviter la propagation du paludisme.

Selon Zanele Nsibande, c’est la reine mère du Swaziland qui aurait eu l’idée de lancer la production, s’inspirant d’un projet similaire au Botswana. Dans la dernière monarchie absolue d’Afrique, où deux tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté, l’entreprise ne bénéficie d’aucun financement de la famille royale et doit compter sur la fondation Kellogg. « Le projet n’est pas encore rentable mais nous espérons nous passer des subventions », commente la directrice commerciale, qui espère voir la production augmenter, grâce à une demande internationale croissante. Le potentiel est énorme pour le petit royaume : le pays abrite plus de deux millions d’arbres de marula. —

Impact du projet

2 500 villageoises récoltent les fruits des arbres de marula

5 à 6 tonnes d’huile sont produites chaque année