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Héberger des sans-papiers ne sera plus un délit, tant mieux
vendredi, 5 octobre 2012 / Richard Yung /

Sénateur socialiste

Il menaçait les bonnes âmes coupables d’héberger chez elles des sans-papiers égarés. Le « délit de solidarité » est enterré dans la nouvelle proposition de loi sur l’immigration. Un soulagement pour Richard Yung, sénateur socialiste.

Je me réjouis de l’initiative du ministre de l’Intérieur Manuel Valls lors de la présentation de son projet de loi sur l’immigration en Conseil des ministres vendredi dernier. Il a supprimé ce que les associations humanitaires qualifient très justement de « délit de solidarité ».

Actuellement, l’article L.622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile énonce que « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans ou d’une amende de 30 000 euros ». Comme l’ont dénoncé de nombreuses associations de soutien aux immigrés, cette disposition censée lutter contre les réseaux de passeurs d’étrangers clandestins a été détournée par la police et le parquet pour traquer les bénévoles venant en aide aux sans-papiers.

Bon sens des juges

Les exemples relayés par la presse ces dernières années sont tristes à entendre et nous rappellent que le délit de solidarité est tout sauf un mythe : deux intervenantes sociales travaillant pour France Terre d’Asile arrêtées pour avoir donné à deux jeunes Afghans leurs numéros de téléphone portable et une attestation de suivi social par l’association, les locaux d’Emmaüs perquisitionnés suite à l’arrestation d’un compagnon d’Emmaüs en situation irrégulière, une bénévole des Restos du cœur placée en garde à vue pour avoir aidé des sans-papiers en rechargeant leur portable… Si fort heureusement ces affaires débouchent en grande partie sur un non-lieu ou une dispense de peine grâce au bon sens des juges saisis, il n’en reste pas moins que l’intimidation policière (arrestations, perquisitions, placements en garde à vue) et la menace de représailles judiciaires pour délit de solidarité sont le lot des bénévoles et travailleurs sociaux qui viennent au secours de migrants en détresse.

Situation ubuesque

Cette situation ubuesque découle d’une législation imprécise qui, sous couvert d’une incrimination de l’aide au séjour irrégulier, entretient un amalgame honteux entre la vénalité des marchands d’hommes et la générosité de bénévoles solidaires envers des personnes en difficulté. Il me semble essentiel que la lutte indispensable contre les réseaux mafieux de passeurs ne devienne pas un alibi pour entraver et décourager les actions louables de bénévoles désintéressés faisant vivre le troisième principe de notre devise républicaine. C’est pourquoi, avec nombre d’associations, je salue l’engagement du ministre de l’Intérieur de corriger cette loi aberrante et injuste en accordant une immunité à « toute personne physique ou morale sans but lucratif qui porte assistance à un étranger lorsque cette aide n’a d’autre objectif que d’assurer des conditions de vie digne à l’étranger ». Cette clarification mettant de fait un terme au délit de solidarité permettra de protéger le travail humanitaire des associations tout en continuant le démantèlement des filières illégales d’immigration.


- Cet article a été initialement publié sur le blog de Richard Yung