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Nicole Bricq victime du pétrole de Guyane ?
vendredi, 22 juin 2012
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». , / Thibaut Schepman /Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir. |
Déclarations contradictoires, millions de dollars versés et éviction de ministre. Le projet de forage pétrolier au large de la Guyane est le premier accrochage vert de l’ère Hollande.
C’est une affaire en eaux profondes et à rebondissements qui se déroule au large de la Guyane. Le 13 juin dernier, le ministère de l’Ecologie jetait un pavé dans la mare, en annonçant une suspension des forages pétroliers en construction dans la région à pas moins de six kilomètres de profondeur. Nicole Bricq, nouvelle ministre de l’Ecologie, souhaitait refondre le Code minier – un code qui date de 1810 et dont les exigences environnementales restent très faibles - en préalable à tout nouveau forage, comme le souhaitent les associations environnementales.
C’est là que le ministère de l’Ecologie s’interpose. Shell assure n’être au courant de rien, et dénonce alors l’attitude du gouvernement. L’entreprise assure perdre un million d’euros par jour d’immobilisation. Très vite, le vent semble tourner. Plusieurs communiqués émanant du ministère de l’Outre-mer et du ministère de l’Ecologie et insistant sur l’intérêt économique du projet pour la Guyane le confirment. Shell annonce même dès vendredi 15 juin s’attendre à une « solution satisfaisante ».
Contactées ce jeudi, les ONG dénoncent un « rétropédalage ». « Le gouvernement fait marche arrière, ce qui montre la toute puissance du lobbying d’une multinationale comme Shell », s’alarme Christian Roudgé, coordinateur de Guyane Nature Environnement. « Il n’y a eu ni enquête publique ni véritable étude d’impact. On ne sait pas ce que ferait Shell en cas de marée noire, alors que l’écosystème local est l’un des dix plus riches au monde ! ». Le même jour, Arnaud Gossement, avocat spécialiste du droit de l’environnement se veut toutefois moins pessimiste : « Le processus de recherche était engagé, le gouvernement ne pouvait tout simplement pas retarder la signature des arrêtés ». Celui-ci espère que la réforme du Code minier « aura bien lieu dans les semaines qui viennent » et se réjouit que « Nicole Bricq travaille sur le sujet dès le début de son mandat ».
Quelle attitude va adopter le gouvernement après l’éviction de Nicole Bricq, chef de file des défenseurs d’une réforme de la législation en la matière ? Ni le ministère de l’Ecologie, ni celui de l’Outre-mer n’était disponibles pour répondre à cette question. La construction des prochains puits d’exploration en Guyane semblent en tout incontournable. A moins que le recours juridique qu’entendent déposer les associations environnementales ne soit accepté.
Et pour les autres recherches pétrolières, notamment au large de Marseille ? Et pour d’éventuels forages d’exploitation cette fois ? « Avant toute chose, il faut lancer deux débats publics pour réformer le cadre juridique qui n’est pas du tout adapté à ces activités. Le premier débat doit porter sur l’exploitation de notre sous-sol, en particulier pour la recherche d’hydrocarbures. Le second doit poser la question de l’attitude de la France face aux ressources fossiles. Pourquoi devrait-t-on refuser le pétrole du large de la Guyane et accepter celui venant des côtes africaines, souvent exploité dans des conditions déplorables ? », défend Arnaud Gossement. Un discours auquel était sensible Nicole Bricq. Reste à connaître la position de Delphine Batho en la matière.