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L’extincteur écolo : pas de quoi s’enflammer
jeudi, 31 mai 2012 / Justine Boulo /

Née au bout de la Loire, un pied dans l’Atlantique, l’autre embourbé dans la terre, elle s’intéresse aux piafs et aux hortensias, observe ses voisins paysans et leurs élevages bovins. Elle enrage devant les marées noires. Licenciée en lettres, elle sort diplômée de l’Institut pratique du journalisme de Paris en avril 2012. Elle scrute les passerelles qui lient les hommes à leurs terres. Parce que raconter la planète, c’est écrire au-delà des pommes bio et du recyclage de papier.

En cas d’incendie, merci de ne pas polluer. C’est pourtant ce qui arrive après le passage des pompiers. Une entreprise tente d’y remédier grâce à un nouveau type d’extincteur.

Une cigarette mal éteinte roule dans les flaques d’essence de la station service. La cheminée crache des braises sur le canapé du salon. Et voilà, c’est l’incendie. En quelques heures, il ne reste qu’un tapis de cendres. A moins de brandir - à temps - l’extincteur.

Certes, dans ce cas, l’habitation - ou l’environnement extérieur - ne brûle plus, mais elle est dégradée encore davantage. Pourquoi ? Parce que la petite bouteille rouge n’est pas très écologique. Pour venir à bout des flammes, l’eau ne suffit pas. L’extincteur contient un émulseur. Ce produit sert à diminuer la tension superficielle de l’eau. Autrement dit, la goutte d’eau s’étale davantage, et engloutit plus efficacement le combustible. Une pellicule étanche se forme et l’isole de l’air. On obtient alors une solution moussante. Mais cet agent est un additif chimique irritant pour la peau et les yeux, et nocif pour l’environnement.

Un additif utilisé comme dépolluant

La compagnie Eurofeu, leader français sur le marché de la sécurité incendie, propose une solution. Elle a lancé l’an dernier « l’extincteur à eau pulvérisée avec additif écologique » et raflé au passage le prix de l’innovation au Salon Preventica de Lyon en 2011.

En clair, à la place de l’additif chimique classique, l’émulseur incorpore un actif d’origine végétal. Fabriqué par une société allemande et baptisé Bioversal, la solution est biodégradable - son additif s’auto-élimine à 98% en douze jours. Mieux, assure l’entreprise, elle est inoffensive en cas de contact avec le corps et n’altère pas les matériaux qu’elle recouvre.

À l’origine, l’additif végétal était utilisé pour les opérations de dépollution lors des marées noires. Grâce à sa composition, il encapsule en effet les particules d’huile et empêche le pétrole ou l’essence de se fixer aux surfaces solides. C’est ce principe même qui est utilisé dans l’extincteur. Une fois pulvérisé, le produit s’accroche au combustible et le piège en l’étouffant. Ainsi, l’hydrocarbure ne s’imprègne pas.

Une utilisation restreinte

C’est pourquoi l’extincteur s’adapte aux incendies dits de classe B, soit les feux impliquant des liquides comme les hydrocarbures, les alcools et les solvants. Problème de ce type d’incendies : le combustible s’enflamme rapidement et la propagation du feu est dangereuse. Ce sont donc plus souvent les pompiers qui interviennent avec une pompe à eau. Geoffrey Bénigué, pompier volontaire au centre de secours du Croisic (Loire-Atlantique) explique : « On peut utiliser des extincteurs sur des feux naissants, mais on use toujours du principe de précaution, donc on utilise des tuyaux alimentés par une pompe sur le fourgon. »

L’extincteur « écologique » est aussi utile contre les feux de matériaux comme le bois ou le tissu (classe A) et de graisses comme les huiles de friture (classe F). Mais il est inefficace contre les inflammations de gaz ou métaux qui nécessitent un extincteur à poudre. En revanche, comme la trouvaille d’Eurofeu contient de l’eau - et que l’eau est un conducteur ! - il ne peut être utilisé pour éteindre les feux à proximité d’un appareil fonctionnant à l’électricité. Or en France, un incendie sur quatre est dû à une installation électrique défectueuse. Dans ce cas, on aura recours à l’extincteur à dioxyde de carbone, qui chasse l’oxygène, ingrédient clé d’un incendie. S’il ne laisse aucun résidu, une simple bouteille de cet extincteur dégage deux, voire cinq kilos de CO2 (selon la contenance), un gaz que l’on sait à effet de serre.

« L’incendie engendre déjà une pollution »

Plus vertueux le nouvel extincteur d’Eurofeu ? Certes, il ne contient pas - comme dans la version traditionnelle - un additif nocif pour la peau ou les yeux. Au service de sécurité incendie et d’assistance à personnes, un formateur - qui préfère garder l’anonymat - relativise le bienfait : « Je n’ai jamais eu de tels problèmes pendant mes interventions. Si jamais cela arrive, il suffit de bien se nettoyer à l’eau et au savon pendant dix minutes. »

Pour ce qui est de l’atout environnemental, il nuance là aussi : « L’incendie lui-même engendre une pollution. Alors l’effet de l’extincteur est dérisoire à côté. » En effet, après un feu, les suies sont très volatiles et pénètrent partout, des vapeurs chlorées se dégagent, sans parler de l’émanation de gaz carbonique. Le pompier Geoffrey Bénigué poursuit : « Les entreprises notamment sont équipées de bac de rétention destinés a traiter les eaux usées avant de les rejeter dans le réseau. » L’extincteur écolo ? Pas de quoi être tout feu tout flamme.