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« Ce qu’il y a à sauver de cette campagne ne s’est pas vu à la télé »
mardi, 17 avril 2012 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Alors que s’achève la campagne, Terra eco invite des experts à dresser le bilan. Pour l’économiste Jean Gadrey, des idées ont émergé, mais dans la société civile, loin des plateaux télé.

Jean Gadrey est économiste spécialiste des indicateurs de richesse et des services et tient un blog sur Alternatives économiques.

Terra eco : Nous arrivons au terme de la campagne. Que regrettez-vous ?

Les grands médias nous ont répété que cette campagne ne passionnait pas, passait à côté des « vraies questions », ce que les sondages ont évidemment confirmé. Mais la responsabilité de ces médias est engagée. Ce sont eux qui ont fait le choix de se précipiter sur des sujets non centraux voire anecdotiques, en particulier ceux que le Président sortant, peu enclin à parler de son bilan, a souvent mis en avant. Lorsqu’on examine les programmes de certains candidats – ou leurs discours – on trouve pourtant des propositions, mises sur la table ou soumises à notre jugement, sur les « vraies questions » de société, de l’écologie, de la crise financière. Eux ne sont pas « passés à côté », mais leurs idées ont été recouvertes par le bruit médiatique.

Cela dit, compte tenu de ce qui précède, il est vrai que les deux candidats en tête dans les sondages ont été soit très discrets, soit totalement silencieux sur trois enjeux de grande importance : la pauvreté – qui a progressé ces dernières années contrairement à des engagements formels pris en 2007 –, l’environnement, et la sécurité sociale (dont le thème de la dépendance). Ce sont pourtant trois composantes majeures du développement humain durable !

Pensez-vous à l’inverse qu’il y a quelque chose à sauver dans cette campagne ?

Oui, en particulier du côté de candidats qui ne font pas partie du duo de tête. J’ai pu participer, sur le terrain, à des débats citoyens et inter associatifs de grande qualité. Des propositions concrètes y ont été défendues et on peut penser qu’elles feront leur chemin : je pense notamment à la régulation financière, à la limitation des écarts de revenus, à la sortie du nucléaire (ou à un référendum sur la question), au scénario Négawatt, à la nécessaire conversion écologique et sociale, etc. Ce qu’il y a à sauver de cette campagne ne s’est pas vu à la télévision.

Quel est à votre sens le ou les défis urgents du prochain quinquennat ?

C’est bien entendu la crise, dans toutes ses dimensions, y compris écologique, car non seulement elle n’est pas finie, mais le pire est probablement à venir. La première urgence est la reprise en main de la finance dérégulée qui va nous mener, si on ne la maîtrise pas vite, à l’éclatement de l’Europe, de l’euro et du système financier international, puis à la plus forte des récessions jamais connues. Il faut ensuite une nette réduction des inégalités, par le bas et le haut, car nous sommes aussi dans une crise des inégalités. Enfin, il faut une conversion écologique résolue commençant par la sortie du nucléaire en vingt ans, la décroissance du recours aux énergies fossiles au bénéfice d’un bouquet de renouvelables, et un programme ambitieux et très créateur d’emplois dans toutes les activités d’utilités écologique et sociale.

Des scénarios sérieux existent, mais les deux principaux candidats les négligent. Par conséquent, pour relever ces trois défis, il n’existe pas d’autre voie que la poursuite des mobilisations citoyennes, associatives, syndicales, locales ou nationales, bien au-delà de la période électorale.

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