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Aux Etats-Unis aussi, les prix à la pompe font parler
mardi, 20 mars 2012 / Alice Bomboy /

Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Alice est journaliste scientifique.

Comment réduire le prix de l’essence ? Pour les Républicains, il faut forer plus. Pour Obama, développer les énergies alternatives. Les consommateurs, eux, tentent de réduire leur facture... même s’ils sont moins à plaindre que les Européens.

« Ouch ! » Lorsqu’ils passent à la pompe, les Américains font eux aussi du mal à leur portefeuille. Depuis le début de l’année, les prix de l’essence (le « gasoline ») ont augmenté de plus de 15% au pays de l’Oncle Sam, passant de 3,36 à 3,88 dollars le gallon, d’après l’US Energy information administration. Face à cette flambée, « les automobilistes américains grondent de colère et de frustration », titre le Washington Post.

« Aux Etats-Unis, l’essence est sacrément bon marché ! »

Ce qu’ils oublient, c’est que malgré ces augmentations bien réelles, les Etats-Unis continuent de servir de l’essence... à prix cassés. Jugez donc : 3,36 et 3,88 dollars le gallon ne correspondent en fait qu’à la somme modique de... 0,66 et 0,77 euro le litre (1) ! En fait, comparé au reste du monde, le carburant est « sacrément bon marché ! », rappelle à juste titre le site Good. Le portail internet européen sur l’Energie en apporte les preuves : les Italiens doivent débourser 1,85 euro pour se payer un litre de « sans-plomb », les Danois, 1,82 euro, les Français, 1,69 euro et les mieux lotis de l’Europe, les Roumains, « seulement » 1,30 euro. Soit encore presque le double du soi-disant « prix cher » réglé par les Américains !

La raison de ces disparités de part et d’autre de l’Atlantique ? La faiblesse des taxes et des droits payés sur le brut et l’essence aux Etats-Unis par rapport aux autres pays. Un constat qui tombe à point nommé pour faire un peu de pédagogie pro-environnementale. « De nombreux pays utilisent les taxes sur l’essence pour réduire les importations, créer un système de transports plus efficace et mieux se préparer face à la volatilité des prix du pétrole à long terme », conclut Ben Jervey, le journaliste de Good.

Voir le tableau réalisé en février 2011 par The Economist pour comprendre la répartition des prix de l’essence :

L’obsession républicaine pour faire baisser les prix : forer !

Ce judicieux point de vue appelant à booster la transition énergétique ne fait pas que des émules. Chez les Républicains, notamment, qui n’ont qu’un mot à la bouche pour faire baisser les prix du brut... : « forer ». En février dernier, la sénatrice du Texas, Kay Baley Hutchinson, a accusé l’administration Obama d’être en partie responsable de l’envolée des prix à la pompe du fait du blocage de l’exploitation de nouvelles sources de pétrole et de gaz. « Nous ne pouvons pas ralentir la demande globale de pétrole et de gaz, mais nous pouvons faire beaucoup plus, ici chez nous, pour nous assurer l’énergie dont nous avons besoin et pour stopper les prix qui montent en flèche », a-t-elle déclaré, d’après le New York Post. Les Américains seraient surpris d’apprendre qu’en 2011, et pour la première fois depuis soixante ans, leur pays a exporté plus de produits pétroliers qu’il n’en a importé, révélant la santé déjà bonne de ce secteur sur leur territoire.

Source : U.S. Energy information administration

Le candidat républicain Newt Gingrich n’a, quant à lui, pas hésité à promettre un véritable cadeau de Noël avant l’heure s’il était élu à la Maison Blanche : de l’essence à 2,50 dollars le gallon, soit moins de 0,50 euro le litre d’essence ! Dans le New York Times, l’éditorialiste Robert B. Semple Jr. n’hésite pas à qualifier ces positions de « profondément déformées par les idéologies implacables de l’industrie et de ses alliés, les Républicains ». Et de rappeler que les prix de l’essence sont avant tout liés à ceux du pétrole, eux-mêmes dépendants des marchés mondiaux, de la récession actuelle qui frappe le monde et des embargos et conflits qui frappent le Moyen-Orient.

Le grand public semble pourtant se laisser prendre au jeu : d’après une enquête réalisée par le Pew Research Center et le Washington Post, 18% des Américains accusent l’administration Obama d’être responsable de l’augmentation des prix, 14% visent les compagnies pétrolières, 11% les troubles au Moyen-Orient et 38% donnent d’autres explications.

Obama veut la fin des subventions aux compagnies pétrolières

Au milieu de cette cacophonie savamment orchestrée en vue de la prochaine élection américaine, les vues à long terme de l’actuel Président américain ont bien du mal à se faire entendre. Dans son dernier message hebdomadaire, Barack Obama, s’il n’exclut pas d’améliorer la part de pétrole produit sur le territoire américain, rappelle aussi que le le forage seul n’est pas une solution.

« Nous devons avoir une (…) stratégie énergétique qui inclut des investissements dans les nouvelles technologies et en finir avec les 4 milliards de dollars (3 milliards d’euros, ndlr) de subventions annuelles versées aux compagnies pétrolières qui engrangent des profits historiques » , a-t-il expliqué. Mais le Président n’a pas réussi, jusqu’ici, à convaincre le Congrès de passer à l’action.

La coalition d’associations réunies dans le groupe Go60mpg – qui promeut le développement de voitures pouvant rouler 60 miles par gallon consommé soit près de 4 litres aux 100 km – suit de près la ligne de conduite présidentielle : elle vient de lancer une campagne de pub où le mythe rétro de l’automobile américaine flirte avec les technologies hybrides, histoire d’insuffler un vent nouveau sur le secteur.

Conduite douce et pistes cyclables

Et la consommation dans tout ça ? « Le moyen d’être le moins affecté par la hausse des prix est de diminuer notre mode de vie à forte consommation en énergie et auto-centré. Nous passerons alors moins de temps à nous tracasser à la pompe », ose rappeler Policy Shop, le blog du Centre de politiques publiques Demos. Pour parer au plus pressé, les sites et blogs environnementaux fleurissent ici et là de bonnes idées pour réduire sa consommation.

A l’instar de ce que Terra eco vous avait proposé la semaine passée, le site Good déroule un plan d’attaque en trois points, avec des conseils à mettre en pratique avant de monter en voiture (vérifier la pression des pneus, visualiser sa consommation en temps réel), avant de mettre le contact (chercher l’itinéraire le moins énergivore), et au volant (éviter des routes saturées, limiter la clim, conduire plus doucement, couper le moteur au feu rouge). « Si vous étiez un habitant de Kawasaki, au Japon, des employés de la ville vous réprimanderaient si vous laissiez tourner votre moteur au feu rouge », rappelle le journaliste. Qui n’oublie pas de poser la question qui tue : « Avez-vous vraiment besoin de prendre votre voiture ? »

Les joies de pédaler sur une ancienne voie ferrée

A cette question, des cyclistes avérés ou nouveaux convertis, forcés par des impératifs économiques, ont répondu « non ». Depuis, ils redécouvrent les joies de pédaler sur le Silver Comet Trail, une ancienne voie ferrée de près de 100 km entre la Géorgie et l’Alabama, et dont la conversion en piste cyclable a été financée par des fonds issus des taxes fédérales sur l’essence, rappelle USA Today. De tels projets pourraient de nouveau voir le jour dans le cadre du très attendu projet de loi sur le financement des transports. Passé la semaine dernière au Congrès, il attend d’être approuvé par la Chambre des représentants.




(1) 1 gallon = 3,785 litres et 1 USD équivalait à 0,755365 EUR le 19/03/2012


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