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Marine Le Pen : « Je suis plus cohérente que les Verts »
mardi, 21 février 2012 / David Solon /

Président de l’association des Amis de Terra eco Ancien directeur de la rédaction de Terra eco

, / François Meurisse /

Rédacteur en chef édition

Climato-sceptique, la candidate à l’élection présidentielle pour le Front national tacle les énergies renouvelables et le bio. Pourtant, Marine Le Pen se voudrait écolo.

A quoi ressemblerait la France de 2017 si vous remportiez l’élection présidentielle de 2012 ?

Ce serait une France de la sécurité. Une sécurité sociale, économique, alimentaire, professionnelle, fiscale. La sécurité est la première des libertés. Or, aujourd’hui, on se sait plus à quel saint se vouer. On ne doit pas avoir le sentiment d’être en danger permanent, y compris dans ce qu’on mange ou dans les médicaments que l’on absorbe.

Quelles seraient vos trois premières mesures de présidente élue ?

Un ministère des Souverainetés, le retour au franc et une modification du droit de la nationalité, via une modification constitutionnelle, par référendum d’initiative populaire.

Vous dites : « Nicolas Sarkozy a fait perdre tout espoir de progrès écologique aux Français ». Etes-vous plus verte que les Verts ?

Je suis beaucoup plus cohérente pour la protection de la planète qu’eux. Cela fait des années que je dis que le modèle ultralibéral et de libre-échange qu’ils ont choisi est destructeur pour la planète.

Ultralibéraux, les Verts ?

Ils sont contre le protectionnisme et pour l’ouverture de toutes les frontières. Pour moi, si l’on considère que le marché est autorégulateur et que l’on refuse toute règle, on s’inscrit dans une vision économique à la fois inhumaine et destructrice pour la planète. Cette vision est celle d’un monde du jetable auquel je m’oppose. Le modèle qui consiste à aller fabriquer à 10 000 km les produits que l’on consomme et à les recycler 10000 km plus loin – en général dans un pays pauvre qui n’a pas d’autre moyen que d’accepter –, ce n’est pas possible. Le modèle écologique, c’est produire au plus près et retraiter sur place.

Comment fait-on ? Doit-on fermer toutes les frontières ?

On met en place des barrières de protection, oui. Mais je propose aussi d’im- poser une garantie minimum de cinq ans sur les produits, non pas à la charge du consommateur mais du fabricant. Si votre ordinateur tombe en panne pendant ses cinq premières années, c’est au constructeur de sortir le carnet de chèques, plus à vous. Nous sommes dans une société de la surconsommation imposée. Ce consumérisme est organisé par les constructeurs. Et c’est ravageur.

N’êtes-vous pas frustrée que François Bayrou se soit emparé de l’étiquette « made in France » ?

Lui, il laisse les consommateurs choisir ! Moi, je mets des protections. Le made in France, c’est Marine Le Pen. Il suffit de regarder mon programme, en avril 2011. Que préférez-vous ? Une Toyota Yaris fabriquée à Valenciennes ou une Renault Clio en Roumanie ? La Yaris made in France, évidemment. Tant que nos entreprises, quelles qu’elles soient, trouveront un avantage à aller fabriquer ailleurs leurs produits, eh bien nous serons dans l’impasse.

Mais comment empêche-t-on une PME de délocaliser ses activités ?

On ne l’empêche pas ! On n’est pas en Union soviétique. Regardez la Dacia fabriquée en Roumanie. Renault nous assurait que cette gamme n’était pas des- tinée au marché français. Aujourd’hui, la Dacia est vendue chez nous ! On est dans une situation où une entreprise fait de la concurrence, en France, à des salariés français. Ce n’est pas possible.

Vous prônez un minimum vital énergétique. Expliquez-vous.

Cela consiste à diviser la facture d’énergie en deux volets, notamment pour l’eau et l’électricité. On fixe un palier minimum vital dont tout le monde doit s’acquitter au prix coûtant. Et passé ce seuil, on fait payer plus cher. Le PS et les écologistes défendent eux aussi cette progressivité... Oui, mais eux assoient le tarif de la consommation au-delà du seuil vital sur le niveau de revenu. Moi, je fais payer tout le monde pareil. L’intérêt consiste à rendre le consommateur citoyen. Par sa facture, il va prendre conscience de sa consommation et de son gaspillage.

Etes-vous favorable à une fiscalité écologique ?

Il faut arrêter la fiscalité à tout prix. Les gens n’en peuvent plus.

Pas de taxe carbone non plus ?

Rien. Je pense que la seule façon de baisser les émissions de gaz à effet de serre, par exemple, c’est de revenir à un modèle économique qui soit rationaliste et d’arrêter la course au libre-échange.

Que fait-on avec le nucléaire ?

L’Etat doit rester propriétaire des acteurs de l’industrie nucléaire. L’entrée du privé est un danger majeur. Par définition, le privé recherche la rentabilité, qui peut s’effectuer au détriment de la sécurité. On a bien vu à Fukushima l’importance de ce détail. Il faut investir massivement dans la sécurisation et dans la recherche et le développement. Il n’existe aucun autre choix. C’est l’histoire de l’humanité : à la préhistoire, il fallait arrêter de tailler des cailloux pour faire des lances, par crainte qu’il n’y en ait plus. Et un jour, on a découvert le fer. Pour le nucléaire, c’est pareil.

La science va donc nous sauver...

Exactement. Il n’y a aucune autre alternative crédible au nucléaire. Il faut cesser de se raconter des histoires.

Les énergies renouvelables...

Pour l’instant, c’est du bricolage. Je suis contre les éoliennes, c’est immonde et ça ne marche pas. Idem pour l’offshore. Il y a des recherches sur l’énergie des courants, pourquoi pas ? Mais cessons cette idéologie qui consiste à dire « c’est génial » dès qu’on parle d’une énergie renouvelable ! Si c’est laid, si c’est cher, si ça ne sert à rien, arrêtons là. Ça va pour faire tourner l’électricité de la maison mais pas pour les grandes industries.

Le changement climatique a disparu de l’actualité. Que faites- vous pour lutter contre cela ?

Peut-on y faire quelque chose ?

Selon vous, les changements climatiques n’existent pas ?

Ce n’est pas ce que je dis. Je ne suis pas sûre que l’activité humaine soit l’origine principale de ce phénomène.

Vous remettez en cause les conclusions du Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ?

Ça ne me pose aucun problème. Pour la simple et bonne raison que quand j’étais petite, mon père m’expliquait que le Sahara gagnait déjà un kilomètre par an. Le monde a connu des changements climatiques qui n’avaient rien à voir avec l’activité humaine. Ce ne sont pas les travaux du Giec qui peuvent établir avec certitude que l’homme est la cause du changement climatique.

Vous allez recruter Claude Allègre avec ce genre de raisonnement...

Je pourrais, oui. Pourquoi pas ? Le Giec, c’est le consensus de ceux qui ont la parole. Ce sont les prêtres et les évêques du changement climatique. Ceux qui disent l’inverse, ce sont les hérétiques...

Huit millions de pauvres, pas assez de toits, toujours plus de précarité. Comment faire ?

Il faut changer de modèle économique. L’Etat doit devenir stratège, protecteur et remettre les règles du jeu. Il n’existe pas d’activité humaine sans règles du jeu. Ça n’existe pas.

Dans cette vision, on nationalise tout ? Les banques aussi ?

A titre temporaire et partiel, on peut. On sépare les activités de dépôt et d’affaires pour protéger l’épargne des Français. Quant aux banques d’affaires, on fait comme toutes les entreprises. Celles qui jouent et qui perdent, eh bien, elles tombent. Tant pis pour elles.

Parlons agriculture. Que pensez-vous des circuits courts ?

Le bio est une dictature, avec souvent des histoires de gros sous enrobées dans des bons sentiments. La recherche effrénée du profit ne s’est pas accompagnée de la recherche de sécurité que l’Etat doit au consommateur. Il faut aider tous nos agriculteurs. On doit faire la Politique agricole française au lieu de la Politique agricole commune. Les aides doivent être diversifiées. Je milite aussi pour la diversité de l’économie. Or, la multiplication des franchises, ou des enseignes de grande distribution, tue les indépendants. Moi, je plaide pour la diversité.

Y compris des peuples ?

Mais bien sûr. C’est pour ça que je suis contre l’uniformisation et le multiculturalisme. Chaque nation doit conserver sa culture, défendre son identité...

Pas de mixité ?

S’il ya de la mixité,il n’ya plus de diversité. Si on retrouve la même chose aux Etats-Unis, en France, ou en Inde, ça voudra dire que nous avons partout abandonné notre culture, nos traditions et notre identité de peuple.

Votre parti oppose souvent les Français. Par quel miracle seriez- vous capable de les rassembler ?

Pour une simple raison. J’appelle cela l’insulte en miroir. Ce sont ceux qui créent la haine et la division, en rejetant au passage les 20% des Français qui annoncent vouloir voter pour moi, qui finissent par être punis. Moi, je défends tous les Français, quelle que soient leur couleur, leur origine, leur confession...

... leurs papiers ?

Non. Les Français.

Ceux qui vivent en France ?

Non. Les Français. Et je l’assume. Ça ne veut pas dire que je hais les étrangers. L’idée n’est pas de mettre tout le monde dans des charters. Je veux mettre en place une politique dissuasive d’immigration en disant : « Ne venez pas car nous n’avons plus rien à vous offrir. On a plein de pauvres, on a plein de chômeurs et on se doit de leur venir en aide en priorité. » Je suis d’ailleurs la seule à vouloir associer le peuple, via les référendums. A chaque fois que j’estimerai qu’il y a un sujet qui touche aux tréfonds du droit qu’ont les peuples à disposer d’eux-mêmes, je susciterai un référendum. Ceux qui refuseront s’excluront du champ de la démocratie. —

En dates

1968 Naissance à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)

1991 Obtient un DEA de droit pénal à l’université Paris-2-Assas

1998 Elue conseillère régionale Front national (FN) dans le Nord

2004 Elue député européenne

2011 Devient présidente du FN