https://www.terraeco.net/spip.php?article4130
Le champagne
jeudi, 4 décembre 2008 / Cire , / Louise Allavoine

Luxe, effervescence et qualité. Pour préserver son image, le champagne a compris très tôt qu’il lui fallait alléger sa facture de CO2.

Minuit, le 31 décembre. Combien de bouteilles de champagne seront débouchées dans le monde ? Difficile à dire. Mais à supposer que la grande majorité des caisses écoulées durant le dernier trimestre de l’année soit réservée au réveillon de Noël et à la Saint-Sylvestre, les fêtes concentreraient près de la moitié des ventes annuelles. En 2007, ces dernières représentaient 338,7 millions de bouteilles en France. Une année historique à 4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont la moitié à l’export. Le champagne est un marché lucratif.

Sauf que 2008 s’annonce morose. Les ventes globales ont chuté de 2,6 % durant le premier semestre, et le second ne se présente pas mieux. En temps de crise, le monde n’a plus le goût au luxe. La Champagne craint même la gueule de bois.

Avions et emballages

Les menaces sur la filière pourraient s’avérer plus persistantes encore. Aperçu. Un baril de pétrole à 150 dollars contre six fois moins en 2002 induirait un surcoût de production de 50 centimes d’euro par bouteille. Dans l’hypothèse où la température à la surface du globe grimperait de plus de 1,5° C, les conditions de production pourraient être modifiées. Et si la filière ne fait rien pour limiter son impact sur l’environnement, l’image de ce vin réputé d’excellence pourrait se ternir. Ces dangers, les professionnels les ont vite pressentis. Dès 2000, le Comité interprofessionnel du vin de champagne (CIVC) a donc fait procéder à l’analyse environnementale de la filière.

Et, en 2003, il a engagé un bilan carbone complet : c’était alors la première filière à mener cette démarche, alors que l’outil développé par Jean-Marc Jancovici, expert en énergie et climat, existait depuis à peine un an. On a découvert alors que la production et la commercialisation du champagne génèraient 730 000 tonnes équivalent CO2. C’est l’équivalent des émissions annuelles de 75 000 Français.

Comptez donc 2,5 kg équivalent CO2 par bouteille, pas dans les bulles mais bien dans l’atmosphère. La faute à quoi ? « D’abord aux emballages, qui concentrent un tiers des émissions globales, détaille Arnaud Descôtes, responsable du service environnement au CIVC. La fabrication de la bouteille, bien qu’elle soit en verre recyclé, pèse à elle seule pour 15 % du bilan. » Les émissions directement liées à la culture de la vigne et à la fabrication du vin effervescent représentent un quart des 730 000 tonnes équivalent CO2.

En cause : la consommation de fuel pour le chauffage des bâtiments, les machines agricoles, les chaufferettes de lutte antigel, la climatisation, l’éclairage, la régulation thermique pendant les différentes fermentations, les fuites de gaz réfrigérants utilisés dans les installations de froid ou encore les pratiques culturales, comme le brûlage de la végétation et les émanations de N2O (protoxyde d’azote) liés à l’épandage d’engrais. Ouf !

Vient ensuite le transport des marchandises et des hommes pour 13 % du total. Les bouteilles quittent en effet la Champagne par camions et traversent les océans par bateau essentiellement. Mais les acteurs de la filière s’envoient en l’air pour promouvoir le champagne à travers le monde. Et l’avion, alors qu’il concerne peu de personnes et d’expéditions, représente 40 % du poste transports. Le reste des émissions concerne la construction des bâtiments, du matériel, les services – marketing et communication par exemple – et le traitement des déchets.

Verre allégé et déchets valorisés

La coupe est pleine. Désormais, il faut passer à l’action, décrète le CIVC. Début 2006, la filière s’est donc lancée dans un ambitieux Plan climat. Objectif  : réduire les émissions globales de 25 % d’ici à 2020. Comment ? Une quarantaine d’actions ont été retenues et sont en phase de développement. Par exemple : alléger la bouteille en verre, réhabiliter les bâtiments, promouvoir la viticulture biologique et raisonnée (lire ci-contre), réduire le poids de la lutte antigel, engager un plan biomasse pour valoriser les déchets ligneux en énergie, expérimenter de nouveaux procédés oenologiques, moins énergivores. —

Le bio encore confidentiel La Champagne, 32 700 hectares de vignobles passés au peigne fin. C’est joli, mais c’est pas bio. Ou peu. Seulement 160 hectares. Pourquoi ce retard ? « Il y a plusieurs raisons, indique Thierry Blaise, de Viti-Concept, cabinet indépendant de consultants viticoles. D’abord, le champagne est moins affecté par la crise viticole que les autres vignobles. Et un produit qui n’a pas de difficultés à se vendre n’a pas besoin de chercher à se démarquer.

Ensuite, c’est compliqué techniquement. Le climat pluvieux augmente le risque de maladies. Enfin, la filière cherche à préserver l’homogénéité de l’appellation. Si un producteur revendique une façon de produire différente, cela peut porter atteinte à l’image de toute la filière. » Cependant, la nouvelle génération de viticulteurs semble prête à prendre le virage. La viticulture bio champenoise a en effet enregistré une progression de 25 % entre 2006 et 2007

- Le site du Comité interprofessionnel du vin de Champagne

- La charte des vins biologiques de la Fédération nationale interprofessionnelle des vins de l’agriculture biologique

- L’article « La bulle est éternelle » sur Terra Economica


AUTRES IMAGES

GIF - 17.2 ko
245 x 400 pixels