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Perte du triple A : et si ce n’était pAAAs grave
jeudi, 15 décembre 2011 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Il y a quelques mois, seuls quelques initiés scrutaient les notes des Etats. Aujourd’hui, beaucoup leur accordent une importance cruciale. A tort.

Mise à jour le 8 novembre 2013 : L’agence Standard & Poor’s a à nouveau dégradé la note française, elle passe de AA+ à AA. Ce vendredi le taux d’intérêt de la dette française à 10 ans était très légèrement en hausse, passant à 2,390 % contre 2,351 % la veille à la clôture.
Mise à jour le 20 novembre 2012 : L’agence Moody’s a abaissé lundi la note de crédit de la France de AAA à Aa1. Les taux d’intérêt de la dette française à 10 ans s’élèvent ce mardi matin à 2,09%, à peine plus que la veille et surtout beaucoup moins qu’avant la première dégradation par Standard & Poor’s en janvier dernier.
Mise à jour le 13 janvier 2012 : François Baroin a confirmé sur France 2 que la note de la France a été dégradée d’un cran par l’agence Standard & Poor’s.

Et si « le couperet » tombait dans la nuit de mercredi à jeudi ? Et si la France perdait son précieux sésame vendredi ? Depuis quelques jours, les rumeurs s’accumulent sur la possibilité d’une perte du triple A français, relayées à grands renforts de termes anxiogènes. Mais, une dégradation serait-elle vraiment dramatique pour la France ? Beaucoup d’éléments laissent penser le contraire.

A quoi servent les agences ?

Pour le comprendre, revenons d’abord sur ce que veut dire cette (désormais) fameuse note souveraine et sur le rôle de ces (désormais) très fameuses agences de notation.

Les premières agences ont été créées au 19ème siècle, pour répondre aux besoins des investisseurs. En effet, un investisseur est une personne ou une entreprise qui a de l’argent à placer. Elle ne veut pas le perdre, et cherche donc à en savoir le plus possible sur la fiabilité des pays ou des entreprises qui empruntent. A l’époque, de nombreuses lignes de chemins de fer étaient créées et empruntaient beaucoup.

Mais les investisseurs étaient fort marris, puisqu’ils peinaient à distinguer les entreprises fiables des boîtes proches de la banqueroute. Les agences de notation ont donc commencé à juger et noter les entreprises en fonction de leur solidité, et donc du risque qu’elles ne remboursent pas leurs emprunts. Les investisseurs prêtaient ensuite à taux plus ou moins élevé en fonction de la note adressée. D’où l’importance de ces notes : moins bonne est votre note, plus cher sera votre emprunt.

« Les marchés » s’intéressent peu aux notes des pays

Mais, retour en 2011, la finance a beaucoup changé depuis. Les sommes en jeux sont énormes, les Etats, les départements et même les villes sont maintenant notées et les sources d’informations sont bien plus variées. « Les marchés » - puisque c’est le nom que l’on donne aujourd’hui aux investisseurs - prennent en compte la note, mais aussi une multitude d’autres données, jusqu’aux mœurs des dirigeants pour fixer les taux d’emprunts. Si bien que deux pays ayant la même note peuvent se voir accorder des prêts à des taux très différents.
Ainsi, ce jeudi 15 décembre, la France - pourtant notée triple A - emprunte à dix ans à un taux beaucoup plus élevé (3,27%) que les Etats-Unis (1,92%) qui ont eux perdu leur fameux AAA. Les taux ont même baissé dans ce pays après la dégradation de leur note, comme ce fut le cas pour la Nouvelle-Zélande. Qu’on s’entende bien, le taux d’emprunt est crucial. Quand celui-ci augmente d’un seul pour-cent, les intérêts de la dette française s’accroissent de 2,5 milliards d’euros par an. Mais le triple A n’a plus rien d’un « précieux sésame », il n’est plus qu’un symbole.

Le débat est ailleurs

En France, les taux ont grimpé petit à petit depuis plusieurs mois, indépendamment de la note du pays. La France emprunte aujourd’hui comme un pays mal noté. Ainsi, à moins d’un scénario catastrophe voyant la France être le seul pays européen à être dégradé et/ou avoir sa note rabaissée de plusieurs crans au lieu d’un seul, les taux devraient rester aussi élevés qu’aujourd’hui.

Au lieu de se passionner pour ces notes, mieux vaudrait donc se demander pourquoi la France emprunte à taux plus élevé, et pourquoi les États-Unis empruntent à taux bas. En clair, pourquoi les investisseurs croient davantage en les États-Unis qu’en l’Europe.

L’un des éléments de réponse réside justement dans les rapports des agences de notation, estime Pascal Canfin, député européen Europe Ecologie - Les Verts, spécialiste de la finance européenne. « Elles mettent en garde en tête de leurs craintes une récession généralisée, qui empêche les États de réduire réellement leurs déficits. » La France comme l’Europe ont pris le parti - au nom justement de la défense des notes souveraines - d’une course à l’austérité pour réduire les déficits au risque de plonger dans la récession. Les États-Unis ont eux décidé de faire tourner la planche à billets. Nos créanciers préfèrent largement la seconde solution. Il est temps de penser à un plan B.