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Les téléphones portables reconnus potentiellement cancérigènes
mercredi, 1er juin 2011 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Pour la première fois les scientifiques de l’OMS ont classé les ondes de nos mobiles parmi les éléments « potentiellement cancérigènes ». Le point avec Robert Baan, l’un des auteurs de l’étude.

C’est la première fois qu’il se prononce sur le sujet. Le Centre international de recherche sur le cancer - la branche scientifique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) - a passé en revue la littérature épidémiologique et tenté d’évaluer l’impact des « champs électromagnétiques de radiofréquence ». Et notamment l’exposition aux ondes des téléphones portables. Résultat : les ondes sont « potentiellement cancérigènes » pour les humains. Et l’organisation de classer ces vilaines radiations dans la catégorie 2B en dessous des facteurs « cancérigènes » et « probablement cancérigènes » pour les humains. Mais au dessus des facteurs « non classables ». Explication avec Robert Baan, chercheur au CIRC.

Terra eco : Cette annonce du CIRC constitue-t-elle une réelle avancée ?

Robert Baan : C’est la première fois que le Circ classifie les champs électromagnétiques de radiofréquence et plus particulière ceux émis par les téléphones portables. Nous avons estimé que les téléphones portables peuvent être cancérigènes pour l’homme, en tout cas à haut niveau d’utilisation (1). Il y a des liens plausibles avec le neurinome de l’acoustique, le méningiome mais surtout le gliome. Néanmoins nous avons estimé que ces données n’étaient pas suffisantes car les études dont nous disposons ne sont pas parfaites.

Pourquoi ?

Pour établir l’exposition aux ondes des téléphones portables, il faut classer les gens dans différentes catégories : il y a les utilisateurs fréquents, les utilisateurs moyens et ceux qui n’utilisent pas souvent leur portable. Et à chaque fois, il faut établir leur niveau d’exposition. Les études que nous avons examiné ont été menées entre 1997 et 2003. Mais elles se contentaient simplement de demander aux patients atteints de cancers du cerveau à quelle fréquence ils avaient utilisé leur portable dans le passé. Le problème c’est que les gens ne se souviennent pas du nombre de minutes qu’ils ont passés au téléphone cinq ou six ans auparavant !

Pour ce genre d’études, il vaut mieux contacter les opérateurs téléphoniques et consulter les factures minute après minute. C’est beaucoup plus précis mais c’est aussi plus difficile. Car les opérateurs ne veulent pas forcément donner accès à des données qui pourraient nous permettre de constater les effets nocifs des portables sur la santé.

Les études que vous avez examiné datent un peu. Mais les données ont évolué depuis...

Vous avez tout à fait raison. Il y a eu des évolutions techniques très importantes. Il y a dix ans, les portables émettaient des ondes plus importantes qu’aujourd’hui. On nous dit par exemple que les émissions d’un appareil 3G sont 10 à 100 fois inférieures qu’un portable GSM. Or, si l’exposition diminue, le risque aussi. Le problème, c’est qu’aujourd’hui on se sert beaucoup plus de ces portables...

Quel est exactement l’impact de ces ondes sur l’être humain ?

Ce n’est pas tout à fait clair. Nous sommes certains que les cellules à l’intérieur du crâne sont stressés par cette exposition. Mais nous avons affaire ici à une une radiation non ionisante. En clair, l’énergie dégagée est trop faible pour casser les molécules dans le cerveau. C’est physiquement impossible pour elle de casser l’ADN des cellules. Il est probable qu’il existe un mécanisme indirect. Par exemple une surproduction des radicaux libres (des oxydants puissants qui agressent les cellules) qui provoquerait des lésions de l’ADN. Pour l’instant, le mécanisme n’est pas très clair.

Que va-t-il se passer maintenant ?

Le CIRC va publier cette conclusion. En revanche, ce n’est pas de notre responsabilité de proposer ou de recommander. C’est aux autorités de santé publique d’interpréter cet avertissement et de prendre les mesures nécessaires pour réduire l’exposition en particulier chez les jeunes. En recommandant par exemple d’autres utilisations comme les kits mains libres, les SMS ou même les lettres...

(1) A l’époque les études considéraient l’utilisation du portable 30 minutes par jour comme un « haut niveau d’utilisation »