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« Pour que les choix énergétiques deviennent collectifs »
jeudi, 14 avril 2011 / François Gemenne /

François Gemenne est directeur du projet « Politiques de la terre à l’épreuve de l’anthropocène » au Médialab de Sciences Po, et chercheur en science politique à l’université de Liège et à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (CEARC). Il est notamment l’auteur de ‘Géopolitique du Climat’ (Armand Colin, 2015).

On semble redécouvrir, ces jours-ci en France, les risques associés à l’énergie nucléaire, dans ce qu’on nous présente pourtant comme le parc « le plus sûr du monde ». Sortons du mensonge, ouvrons le débat.

Parmi les questions fondamentales que nous pose la catastrophe de Fukushima, il y a celle de la démocratie et des choix énergétiques. Et il faut reconnaître que dans le dossier du nucléaire, on nous a souvent menti. Depuis le nuage de Tchernobyl qui s’arrêtait aux frontières de la France jusqu’aux prétendus experts indépendants qui étaient aussi consultants auprès d’Areva ou d’EDF, le débat sur le nucléaire a souvent été étouffé sous le couvercle d’intérêts économiques bien compris.

Comme si, sur ce dossier-là, le public n’avait pas voix au débat. Comme si les enjeux étaient trop stratégiques, trop techniques, trop idéologiques. Comme si tout cela dépassait les citoyens, incapables de poser un choix rationnel et informé en matière d’énergie.

A l’heure où j’écris ces lignes (le 5 avril 2011, ndlr), Tepco a déversé plus de 10 000 tonnes d’eau contaminée (10 000 tonnes !) dans l’océan. Il est plus que temps de remettre la question des choix énergétiques au cœur du débat démocratique, pour qu’ils deviennent enfin des choix collectifs. C’est pour cela que l’appel de Terra eco est important.

Personne ne nie la complexité du dossier. Chacun a bien conscience des intérêts économiques considérables qui sont en jeu. Tous savent qu’il est illusoire de vouloir sortir demain du nucléaire. Mais il faut que le mensonge s’arrête, et que ce débat cesse d’être confisqué aux citoyens.