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Les réfugiés climatiques n’iront pas loin
mardi, 8 février 2011 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

200 millions de personnes pourraient migrer à cause du changement climatique. Oui, mais elles seront peu nombreuses à franchir les frontières, assure une étude britannique qui dénonce les discours alarmistes des Etats.

Dans le sillage du changement climatique, on voyait déjà paraître une armée de réfugiés, baluchons sur l’épaule. Ceux-là seraient poussés loin de leurs rivages par la montée des eaux, ou chassés de leurs terres creusées par la sécheresse. On les appellerait les réfugiés climatiques. En 1996, le Giec assurait que des « millions de personnes seraient poussées à migrer par l’érosion côtière, les inondations ou de sévères sécheresses ». De son côté, Nicholas Stern, économiste de renom à la London School of Economics et auteur du célèbre rapport sur le coût du changement climatique paru en 2006 assurait que jusqu’à 200 millions d’individus pourraient être ainsi jetés sur les routes d’ici à 2050.

Pas de panique, suggère une nouvelle étude de l’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED), un organisme de recherche britannique. Les réfugiés devraient circonscrire leurs déplacements aux frontières de leur nation. Pour appuyer sa théorie, le rapport s’appuie sur des études de cas menées en Bolivie, au Sénégal et en Tanzanie dans des zones déjà affectées par le changement climatique. Résultat : « Les gens affectés par une dégradation environnementale passent rarement les frontières. Le plus souvent, ils migrent vers d’autres zones rurales ou des centres urbains locaux, et ce, de façon temporaire », précise ainsi Cécilia Tacoli, auteur du rapport, dans un communiqué. Parmi les plus mobiles, les femmes qui partent chercher des boulots de service (ménages, aide à la personne…) à la ville et les jeunes qui viennent occuper les jobs de construction ou de surveillance.

Si migrations internationales il y a, c’est plutôt pour des raisons économiques et sociales. Les Sénégalais qui gagnent la France le font en général pour rejoindre un membre de leur famille. Et ces migrations internationales pourraient être bénéfiques pour les pays d’origine, grâce aux transferts d’argent des migrants qui contribuent à limiter la vulnérabilité des populations restantes face à la menace climatique. En Bolivie par exemple, les transferts monétaires permettent souvent une mécanisation des techniques agricoles et une meilleure adaptation à la menace climatique. « La migration fait partie de la solution pas du problème », assure encore Cécilia Tacoli. Pis, jouer l’alarmisme pourrait entraîner une marginalisation des plus pauvres et pousser les gouvernements à empêcher les migrations. Ils rateraient ainsi « l’opportunité de développer des politiques pouvant améliorer la résistance des populations au changement climatique ».