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L’écologie perd la priorité, Borloo gagne sa liberté
dimanche, 14 novembre 2010 / Arnaud Gossement /

Avocat, spécialiste du droit de l’environnement.

« L’écologie n’est plus la priorité affichée du Gouvernement », affirme notre chroniqueur Arnaud Gossement, avocat et Maître de conférences à Sciences Po. Nathalie Kosciusko-Morizet appréciera.

Le Pacte écologique déchiré

On se rappelle que Nicolas Sarkozy, en 2007, avant d’être élu à la Présidence de la République, avait signé le Pacte écologique de Nicolas Hulot, lequel prévoyait la création d’un poste de Vice Premier ministre à l’écologie. Nicolas Hulot a eu mille fois raisons de militer, ces jours derniers, pour la préservation du superministère et la désignation à sa tête d’un « poids lourd » politique, capable d’imposer des arbitrages favorables à l’écologie. Toutefois, force est de constater que l’animateur d’Ushuaia, reçu tous les 4 matins à l’Elysée lors du Grenelle, n’a plus autant l’oreille de Sarkozy.

Et sa présence à Lyon, aux assises d’Europe Ecologie/Les Verts prend une signification tout à fait intéressante dans ce contexte. Il n’est pas impossible que Nicolas Hulot doute désormais de la possibilité d’influer sur le cours de l’action gouvernementale et prenne donc moins de précautions pour afficher sa sympathie pour les amis de Cécile Duflot. Une page du Grenelle se tourne donc, même si l’on comprend bien que Nicolas Sarkozy lutte contre cette idée en nommant celle là-même qui lui souffla l’idée de l’organiser.

Le Superministère décapité

On imagine déjà l’ambiance lors de la cérémonie de passation des pouvoirs entre Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet… Certes, Nathalie Kosciusko-Morizet bénéficie d’une compétence et d’une expertise incontestables mais sa promotion spectaculaire ne peut occulter le fait qu’elle est nommée à la tête d’un ministère qui vient de perdre de sa superbe. NKM n’est pas Ministre d’Etat, numéro 2 du Gouvernement, mais Ministre numéro 4 d’un Gouvernement dont le numéro 2 n’est plus le ministre de l’écologie mais celui de la Défense, tout un symbole… Surtout, surtout, surtout, le ministère de l’écologie perd l’administration de l’énergie, laquelle quitte l’Hôtel de Roquelaure pour rejoindre Bercy où elle sera pilotée par Eric Besson dont on a du mal à penser qu’il s’opposera au tropisme pro-nucléaire du Président de la République et du Premier ministre. Ce détachement de la Direction générale de l’énergie et du climat est la plus mauvaise nouvelle de ce remaniement et contrevient complètement à la logique du Grenelle qui avait au contraire permis ce rapprochement entre énergie et environnement.

Cette fracture est catastrophique alors que nombre de textes d’application de la loi « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010 doivent être préparés par ces deux administrations d’ici à l’été prochain. Last but not least, NKM est flanquée de deux secrétaires d’Etat : Benoit Apparu qui reste au Logement et Thierry Mariani aux Transports qui s’est surtout illustré par ses prises de position sur le dossier de l’immigration. Mais la pêche, l’alimentation et l’aménagement du territoire restent ou partent chez Bruno Lemaire, Ministre de l’Agriculture. Autre grand ami du développement durable : Patrick Ollier. Ce grand pourfendeur des éoliennes, entre au gouvernement comme ministre en charge des relations avec le Parlement. Les énergies renouvelables ont du souci à se faire mais… n’en jetez plus, la coupe est pleine…

Mais le meilleur est pour la fin : tous les responsables politiques et administratifs qui souffraient de voir Borloo obtenir des arbitrages pro-Grenelle au dessus de la tête de Fillon et des responsables de Bercy vont pouvoir prendre leur revanche. La confirmation de François Fillon et le départ de Jean-Louis Borloo vont sans doute renforcer l’autorité du Premier ministre au sein de l’exécutif. Pas certain que les écologistes pourraient encore obtenir l’abandon d’un projet comme celui d’un circuit de formule 1 à Flins.

Borloo outragé mais Borloo libéré

Jean-Louis Borloo a clairement reçu plusieurs gifles qui, au-delà de sa personne, sont de nature à braquer les centristes. Le Chef de l’Etat l’a encouragé à concourir pour Matignon pour finalement, y confirmer le locataire actuel. De plus, c’est Nathalie Kosciusko-Morizet qui succède à Jean-Louis Borloo. Celui-là même qu’elle avait accusé de « lâcheté » en 2008. On comprend dans ces conditions que l’ancien maire de Valenciennes ait souhaité annoncer lui-même son départ sans attendre la proclamation du nouveau gouvernement par le Secrétaire général de l’Elysée. Reste à savoir ce que fera Borloo de cette liberté.