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Nutella, la rumeur et l’étiquette
mardi, 29 juin 2010 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Non, l’Europe ne va pas barrer les pots de pâte à tartiner d’une vilaine mention contre l’obésité, comme certains l’ont écrit et réécrit ces derniers jours. Mais les qualités nutritionnelles du produit sont sur la sellette. - « Terra eco » a comparé les pubs avec les pots.

Le secret du Nutella ? Une recette inchangée - et secrète - depuis plus de quarante ans, indique la marque. Une chose est sûre, les pubs, elles, n’ont pas changé. L’INA a conservé chacune de ces réclames et certains leitmotive demeurent au fil des années : on y trouve presque toujours des parents heureux et des sourires d’enfants, très souvent une table bien remplie ou un terrain de sport et en chute, des incitations à consommer du Nutella pour ses vertus énergétiques. Dans les années 1990, la marque liste même les ingrédients d’un petit déjeuner idéal : deux tartines de Nutella, un bol de lait et un verre de jus d’orange.

C’est un cas typique d’une allégation nutritionnelle choisie par la marque comme argument marketing. Depuis le dimanche 27 juin, la blogosphère s’est pourtant enflammée autour d’une rumeur indiquant que les pots de Nutella allaient être barrés d’un message d’alerte contre l’obésité. La rumeur s’avère dénuée de tout fondement, mais montre que les marketeurs qui jouent sur les bienfaits sanitaires des produits ont des soucis à se faire. Surtout depuis que le Parlement européen se penche sur l’étiquetage nutritionnel des aliments. En attendant, Terra eco a examiné l’étiquette de la pâte à tartiner préférée des Français avec l’aide de la nutritionniste Sophie Ortega.

Le lait et les noisettes : pas les premiers ingrédients

Premier bémol, les principaux ingrédients ne sont pas le lait et les noisettes, comme semble l’indiquer la publicité, mais bien le sucre et l’huile. C’est grâce à cette dernière que la pâte s’étale et ne coule pas comme la confiture.

Second bémol, la consommation n’aide pas vraiment les enfants à devenir de grands sportifs comme l’induit la marque dans ses réclames depuis 1969. « C’est une bombe calorifique », explique Sophie Ortega. On peut lire sur l’étiquette que le Nutella contient 530 kilocalories pour 100 grammes de pâte. A poids identique, c’est plus que le chocolat noir (environ 480 kcals), deux fois plus que la confiture (200 à 250 kcals) et cinq fois plus que la banane (90 kcal). Au concours du plus fort en calories, le Nutella l’emporte même sur les pizzas surgelés (250 kcals) et le cassoulet (109 kcals) !

Un fruit meilleur qu’un jus

Alors les deux tartines quotidiennes sont-elles une bonne idée ? « On ne peut pas dire qu’il est nécessaire de manger deux tartines par petit déjeuner », répond la nutritionniste. « Je ne dis pas que le Nutella n’a aucune qualité nutritionnelle mais je conseillerais de n’en manger qu’une seule et de remplacer l’autre par un yaourt. Il faut aussi préférer un vrai fruit à un jus », ajoute-t-elle. Pour rester raisonnable, il faudrait se limiter à ce que préconise le site internet de Nutella : deux cuillères à soupe légèrement bombées.

Mais la nutritionniste n’est pas pour autant favorable à une alerte contre l’obésité. « Il ne faut pas diaboliser le Nutella. Tout d’abord parce qu’il y a des produits tout aussi riches comme les céréales du petit déjeuner qui ont réussi un véritable coup de maître pour s’imposer. Manger uniquement ces céréales ou manger trois ou quatre tartines de Nutella au réveil et à jeun crée des risques de diabète », dit-elle. « Mais je pense que la plupart des consommateurs le savent et il faut garder des produits de plaisir dans l’alimentation, le tout est de bien équilibrer ses repas », conclut-elle.

Qu’est-ce qu’un produit équilibré ?

Quel bilan tirer ? Celui que l’étiquette est bien moins flatteuse que la publicité ! Pourtant une réglementation européenne devrait bien limiter de telles pratiques. Votée en 2006, elle restreint l’utilisation d’allégations sanitaires du type : « riche en calcium » ou « pauvre en cholestérol » aux produits ayant prouvé scientifiquement leurs bénéfices. Mais « cette réglementation a de la peine à se traduire dans les faits, souligne Charles Pernin, chargé de mission à l’association de consommateurs CLCV. On attend toujours que la Commission européenne dresse une liste des allégations concernées et définisse clairement ce qu’est un produit équilibré. Tant que les règles ne seront pas définies, les industriels continueront comme avant. »