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10% de CO2 en moins en 2010 : les Anglais ont-ils réussi ?
jeudi, 3 juin 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Ce week-end, la fondation de Yann Arthus-Bertrand lance la version française de l’initiative mondiale 10:10. Objectif : que chacun réduise ses émissions de CO2 de 10% en un an. Réalisable ? En Grande-Bretagne en tout cas, après neuf mois d’opération, le bilan est difficile à tirer.

C’est dans l’immense ventre de la Tate Modern, un musée d’art moderne londonien, que la campagne avait été lancée, le 1er septembre 2010. Franny Armstrong, réalisatrice du film L’âge de la stupidité, appelait alors les entreprises, les collectivités locales et les citoyens britanniques à faire une cure d’amaigrissement carbone. L’engouement fut spectaculaire. En trois jours, 10 000 personnes ou institutions apposaient leur signature au bas d’une liste, s’engageant ici à éteindre ses lumières, là à moins prendre l’avion.

Neuf mois plus tard, qu’en reste-il ? Près de 80 000 individus, 2600 entreprises (dont Sony, Marks & Spencer, Microsoft ou Adidas), 3 000 écoles et universités et 1 500 conseils municipaux ont rejoint le train de 10:10. Le gouvernement fraîchement élu de David Cameron a même donné sa bénédiction et engagé tous les ministères à réduire leurs émissions de 10%. Mais les nuages de CO2 ont-ils vraiment régressé dans le ciel anglais ? Difficile à savoir.

Car si le site Internet fournit des conseils pour que chacun réduise son impact, les individus ne sont pas tenus au rapport. « Ce serait impossible d’aller vérifier les émissions de chacun, justifie Lizzie Gillett, de 10:10. Nous voulons simplement redonner aux gens le sentiment qu’ils peuvent changer les choses. »

Premier engagement chiffré pour les entreprises

Pour les entreprises ou les communautés locales, c’est un peu différent. Celles-ci doivent faire leur bilan (électricité, gaz, transport) à un an d’intervalle. Qu’en pensent les intéressés ? Les conseils municipaux sont déjà tenus à des objectifs de réduction et doivent rendre des comptes au gouvernement. « La campagne nous permet de réunir toutes nos initiatives et de mieux communiquer, souligne néanmoins Simon Chubb, responsable du programme Ville durable de Cambridge. Mais c’est vrai que nous aurions sans doute mené nos initiatives de toute façon. »

Les entreprises, elles, ont souvent pris à l’occasion de la campagne leur premier engagement chiffré. Problème : le bilan se fera sur la base de l’auto-déclaration. Pour éviter tout « greenwashing », les équipes de 10:10 se réservent néanmoins le droit de réclamer à tout moment les preuves de l’effort. « Nous n’avons pas vraiment l’intention d’aller jusque-là. Mais c’est une sorte de garantie pour nous. », concède Lizzie Gillett.

Un chiffre sortira-t-il du chapeau ?

Sans véritable contrôle, difficile de brandir le chiffre de 10% de réduction fin 2010. Comment pourront-ils mesurer la réussite ? « En général, le succès d’une opération de ce genre ne se mesure qu’à long terme », avance simplement Lizzie Gillett. En attendant, 10:10 a décidé de s’exporter à travers le monde. En France, la campagne sera lancée le 5 juin sous l’égide de Yann Arthus-Bertrand. Elle devrait être en tout point similaire à sa grande sœur britannique. Même liberté pour les individus – « de toute façon, on ne va pas aller fliquer les gens chez eux », souligne Arnaud Blond de Good Planet. La fondation fondée par Yann Arthus-Bertrand espère néanmoins pouvoir s’appuyer à l’automne sur le calculateur carbone en cours d’élaboration à la Fondation Nicolas Hulot.

Du côté des entreprises, la démarche est elle aussi la même. Mais l’équipe française croit foncièrement à la bonne volonté des candidats. « Évidemment qu’il y aura des vilains petits canards dans la bande mais aujourd’hui les entreprises apparaissent étonnamment responsables. Elles demandent le détail précis de notre méthodologie et ne veulent pas s’engager sans être sûres d’y arriver ». Au rayon des politiques, Good Planet espère bien rallier « au moins une partie du gouvernement et de l’Assemblée. » Parviendront-ils à sortir un chiffre de leur chapeau une fois la campagne achevée ? « J’espère qu’à la fin de l’année, on pourra dire : ’’on a économisé tant de tonnes de carbone’’, avance Olivier Blond. Ce serait sympa. » Et rassurant. Ça voudrait dire que des chiffres se cachent derrière l’étendard « 10:10 ».

- Le site de 10:10
- La campagne 10:10 par Good planet