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21-08-2015
Mots clés
Economie
France
Interview

« Le revenu de base accroît la capacité des individus à agir et à se prendre en main »

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« Le revenu de base accroît la capacité des individus à agir et à se prendre en main »
(Crédit photo : Flickr - Generation Grundeinkommen)
 
Et si, toute notre vie, nous touchions un revenu garanti ? Depuis juillet, la région Aquitaine planche sur l'idée. Du 21 au 23 août, le mouvement français se réunit pour la propager. Explications avec Jean-Eric Hyafil, doctorant en économie.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Fermez les yeux. Imaginez que chaque mois l’Etat vous fasse un chèque. Pour le mériter, vous n’avez rien d’autre à faire que d’exister. Et ce privilège ne vous est pas réservé. Autour de vous, chaque individu, qu’il soit chômeur, actif, inactif, étudiant ou retraité, reçoit pendant toute sa vie une enveloppe de quelques centaines d’euros qui couvrent ses besoins les plus élémentaires. Tel est l’esprit du revenu de base que la région Aquitaine envisage d’expérimenter dans une formule allégée. Avec l’adoption, à la surprise quasi générale, d’une motion déposée par les élus Europe Ecologie - Les Verts (EELV) en juillet dernier, la région s’est engagée à plancher sur un RSA inconditionnel. La proposition n’est pas nouvelle. L’ idée d’un revenu universel a été théorisée dès le XVIIIe siècle par l’Américain Thomas Paine. Au niveau international, le mouvement BIEN (Basic Income Earth Network) la porte depuis 1986. En 2014, 285 000 Européens ont signé une pétition pour forcer le Parlement et la Commission à s’y intéresser. Du 21 au 23 août, le Mouvement français pour un revenu de base se réunit à Annecy (Haute-Savoie) pour peaufiner le projet. Doctorant en économie à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, Jean-Eric Hyafil est l’un des participants. A la veille de soutenir sa thèse sur le revenu universel, il explique ses conditions de succès et ses vertus.

Terra eco : Quel est le principe du revenu universel ?

Jean-Eric Hyafil : Ce n’est pas un dispositif de charité. Il ne s’agit pas non plus d’assistanat. Il faut plutôt le voir comme un nouveau droit, au même titre que le droit de vote ou le droit à l’éducation. Pour nous, trois éléments caractérisent le revenu de base. D’abord, il est universel : il ne dépend pas des niveaux de revenus, même si au final la hausse des impôts compense le gain monétaire pour les plus riches. Ensuite, il est inconditionnel, versé automatiquement pour une durée illimitée. Enfin, à la différence de l’impôt et du RSA actuel, il est individuel, c’est-à-dire qu’il ne dépend pas de la situation familiale. Ce qui pourrait être expérimenté en Aquitaine, c’est le volet inconditionnel. Le bénéficiaire du RSA ne serait plus obligé de suivre un parcours du combattant pour démontrer qu’il est à la recherche de travail. C’est une première étape, mais l’impact serait déjà important. En France, le conseil d’évaluation du RSA a constaté un taux de non recours de 68 % du RSA activité. En clair, deux tiers des bénéficiaires potentiels parmi les travailleurs pauvres ne le demandent pas.

Quel est l’objectif d’une telle mesure ?

Au delà des objectifs d’égalité et de lutte contre la pauvreté, le revenu de base est un bon moyen d’accroître le dynamisme des territoires. En libérant les individus d’une partie de leurs contraintes financières, on les encourage à lancer ou à rejoindre des projets pour lesquels la rentabilité n’entre pas forcément en ligne de compte. Dans certains cas, celle-ci n’est pas immédiate : on pense au lancement d’un agriculteur en bio. Parfois, elle n’est tout simplement pas le but recherché, comme lors de l’organisation d’une fête de quartier ou le développement de logiciels libres… La mesure entraîne aussi des conséquences moins directes. Elle accroît l’indépendance des femmes. Aux Etats-Unis, dans les Etats où un impôt négatif a été instauré, le taux de divorce a légèrement augmenté. Elle permettrait aussi de freiner le dépeuplement de certaines régions rurales. Au lieu de chercher à tout prix l’emploi là où il est, dans les grandes villes où la vie est chère, les individus auraient la possibilité d’en créer là où la vie est plus douce et où un revenu de base suffirait.

A lui seul, le revenu de base suffirait à enclencher cette dynamique ?

Le revenu de base a un aspect « capacitant » : en protégeant les individus, il accroît leur capacité à agir et à se prendre en main. En cela, il est comparable au système de santé. Mais l’argent et la santé ne sont pas suffisants. Il faut également une richesse culturelle et éducative pour donner l’envie aux individus de développer des choses pour la cité.

(Crédit photo : MFRB)


Taux de chômage élevé, budgets serrés : la période semble peu propice à la mise en place d’un revenu de base…

Au contraire ! Le travail est en ce moment en plein bouleversement. La grande usine automobile qui offre à des milliers de personne un emploi stable est un modèle du passé. L’emploi s’automatise, se numérise. Selon certaines études, la moitié des emplois existants pourraient disparaître d’ici à vingt ans. On observe déjà des parcours professionnels plus fragmentés, l’essor de l’économie collaborative… La situation des intermittents du spectacle tend à gagner d’autres secteurs d’activités. Dans ces circonstances, les allocations chômage ne suffisent pas, il faut des filets de sécurité supplémentaires. Paradoxalement, le versement automatique d’un revenu supprimerait les trappes à inactivité, c’est-à-dire les cas de figure où des personnes refusent des contrats courts ou des emplois en pointillés de peur d’avoir à refaire des démarches à l’issue incertaine pour récupérer leur chômage ou leur RSA. Le revenu de base, cumulable avec n’importe quelle activité, permet d’éviter cet effet pervers.

Les détracteurs du revenu de base estiment qu’il pourrait dissuader les bénéficiaires d’aller travailler…

A nos yeux, cette critique est infondée. Bien sûr, la garantie de percevoir un revenu peut encourager certaines personnes à moins travailler. Elles choisiront peut-être de passer à mi-temps pour s’occuper de leur proches ou s’investir dans des associations. Mais dans un contexte de chômage massif tel que celui que nous connaissons, cela permet de libérer de l’emploi pour d’autres, à qui le revenu de base ne suffit pas. Par ailleurs, si la nouvelle génération de travailleurs paraît démotivée, c’est surtout pour les emplois abrutissants. Elle veut mettre son énergie sur des projets choisis. Economiquement c’est intéressant : on peut s’attendre à ce que ces personnes soient plus engagées, donc plus productives. Dans les pays du Sud où le revenu garanti est expérimenté, on constate au contrainte que le dispositif encourage l’emploi. En Namibie, des familles ont ainsi lancé leur business en achetant du bétail et des machines à coudre.

Les emplois les moins recherchés trouveront-ils encore preneurs ?

Sans doute, car tout le monde ne se contentera pas du revenu de base. Par contre, le rapport de force entre employeurs et employés sera rééquilibré. On ne pourra plus faire travailler les gens n’importe comment. Une caissière à qui l’on demande de venir deux heures le matin, deux heures l’après-midi pourra rétorquer que dans ces conditions elle préfère se contenter du revenu de base. Les salariés ne seront plus prêts à tout accepter. Dans le même temps, ils seront moins découragés. Ils ne se diront plus que d’autres vivent aussi bien qu’eux en se contentant de toucher des aides auxquelles ils n’ont pas droit, puisque tout le monde serait logé à la même enseigne.

L’instauration d’une telle mesure nécessite beaucoup d’argent public. Où le trouve t-on ?

En effet, le simple fait de supprimer le non recours au RSA coûterait déjà 4 milliards d’euros par an. Mais comme il s’agit d’une dépense liée à l’application d’un droit, ce serait étrange de le déplorer. C’est un peu comme si on déplorait que tous les enfants utilisent leurs droits à l’éducation puisque cela représente un lourd budget. Concernant un revenu de base à 465 euros (niveau actuel du RSA pour une personne seule, ndlr), quand bien même le budget brut de la mesure est très élevé – 313 milliards, soit 15% du PIB –, il est possible de le mettre en place sans bouleverser totalement la redistribution. Les individus paieront en impôts d’une main ce qu’il recevront en revenu de base de l’autre main. Regarder le budget brut du revenu de base n’a pas de sens économique. D’autant que dans une certaine mesure le revenu de base s’autofinancerait. D’abord car il serait pris en compte dans le calcul de l’impôt. Ensuite avec la suppression d’autres aides, comme le RSA, la prime pour l’emploi, les allocations familiales… Une fois ces prestations déduites, le budget net du revenu de base tombe à 230 milliards d’euros, soit 11% du PIB. Mais attention, il ne s’agit pas d’utiliser le revenu de base pour supprimer toute autres formes d’aide. C’est ce qu’avait en tête l’économiste Milton Friedman. Il était favorable au revenu de base, car il y voyait aussi un moyen de libéraliser le marché du travail. Cette prise de position explique pourquoi, pendant longtemps, la gauche a regardé cette mesure avec suspicion.

Aujourd’hui, êtes-vous satisfait de l’écho que rencontre cette proposition ?

Oui. Le mouvement parvient de plus en plus à se faire entendre. Au delà du parti EELV, où une motion en faveur du revenu de base a été votée à 75% en 2013, plusieurs représentants des grands partis, sénateurs et députés, aiment bien l’idée. Au sein de la population, celle-ci fait son chemin. Nous pensons que si nous reproposions aujourd’hui une pétition au niveau européen, elle atteindrait le million de signatures nécessaires pour contraindre la Commission à s’emparer du sujet.

Crédit photo de Jean-Eric Hyafil : Bilal Tarabey
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  • un Revenu de base Universel à 463 euros de qui ce moque t’on ça ne rééquilibre rien du tout ça ne permet pas de payer un loyer, les factures, les courses. Faut être réaliste actuellement au RSA ce n’est pas 100 euros de plus qui vont me permettre de vivre même si j’avais 500 euros à vie ce n’est pas assez pour permettre à des gens qui aimerai ce former comme c’est mon cas mes études me coûte 15 000 euros comment pourrais je les financer avec 500 par mois ? l’idée d’un revenu de base c’est quand même que les gens puisse vivre dignement sans être riche sans le besoin de travailler et devoir d’accepter n’importe quel travail et n’importe quel condition de travail, ou le travail devient un choix et non une obligation. Ça peut permettre au gens qui souhaite faire de l’humanitaire mais qui ne peuvent pas à cause de leurs boulots de merde qui leur prend tout leurs temps et leurs énergie pour un salaire de misère, ou alors de décider de se former pour faire un travail plus utile à la communauté et qu’ils aiment sans avoir le stress de se dire si j’ai 5 ans de formation comment vais je nourrir ma famille ???

    En Finlande qui s’apprête à tester le RBU on table autour des 1000 euros voir apparemment dernièrement ils disent 1166 euros plus par contre bien sur ils suppriment toute les autres aides, chômages...

    - bah oui car avec un revenu de base suffisant tout ces bons à rien de fonctionnaires qui bossent au pôle emploi, à la CAF pour gérer les ARE, le RSA, l’APL à qui il faut répéter et envoyer 50 fois les mêmes documents parce qu’ils ne sont pas foutu de traiter les dossiers correctement sans perdre la moitié en route en supprimant toute ces aides et ces emplois on gagne déjà beaucoup d’argent ainsi qu’en supprimant les retraite avec un salaire à vie plus besoin de cotiser pour les retraites ça fait des gens encore en moins à payer et des dépenses en moins en terme locaux, fourniture...

    - Rapatrier l’argent des politiques corrompus planquer en Suisse, au Luxembourg et autre paradis fiscaux. Supprimer leurs salaire de ministre à vie, diviser leurs salaires par 2, supprimer le cumul de salaire ainsi que leur cumul de retraite,

    - Annuler cette dette criminel, abolir la loi Rothschild de 1796 tout aussi criminel qui oblige la France à emprunter de l’argent sur les marchés privés à des taux élevé (chez les banques Rothschild) et l’autoriser à emprunter à la Banque de France à taux 0.

    - Mettre une Taxe sur les produits de Luxe, et on va en trouver de l’argent. Car il ne faut pas se leurrer le plus gros budget de la France c’est sa dette c’est la dedans que part le plus gros de l’argent, puis dans les salaires mirobolant d’une élite politique corrompus qui se payent des dîners à 10 000 euros, des voyages en premières classes, des voitures de fonctions et des appartements le tout au frais du contribuables car payer avec nos impôts, mais c’est sur cela signifie à un moment donner que le peuple se sorte les doigts du cul pour reprendre en main la politique de son pays, ça veut dire que le peuple doit se politiser et arrêter de déléguer la politique de leurs pays à des opportunistes qui ne représentent que leurs propres intérêts, ainsi que ceux des lobbys et des banques. Nous ne sommes pas en démocratie donc il faut déjà reprendre le pouvoir à ces criminels avant d’espéré quoi que ce soit car ils ne voteront jamais quelque chose dans l’intérêt du peuple.

    31.08 à 12h38 - Répondre - Alerter
  • Je vous invite à lire le lien que j’ai placé dans mon message.

    Vous comprendrez alors en quoi consistent ces deux projets et nous pourrons discuter de l’opportunité de l’un ou l’autre des dispositifs.

    Mais sachez qu’ils ne sont aucunement compatibles et qu’il me semble, à vous lire, que vous n’avez pas compris ce qu’est le projet de salaire à vie.

    30.08 à 20h54 - Répondre - Alerter
  • La France fait la part belle aux gros industriels et etouffe les PME qui pourraient raviver l’économie (et partent toutes à l’étranger), elle accable tous les ans les contribuables de d’avantage d’impôts et de taxes, et la meilleure idée que vous ayez, c’est d’ajouter un autre impôt (et oui, il faudra bien le prendre quleque part, cet argent) pour payer ce que vous appelez "un droit" ?? On croit rêver.

    Et Hollande qui visite l’année dernière à Silicon Valley les PME françaises qui ont fui la France pour pouvoir survivre... De la même manière que celles qui vont maintenant au Portugal.

    J’aime mon pays et aimerais pouvoir y revenir un jour, mais quand je lis ce genre d’article, ça me fait pleurer de voir à quel point nos économistes et politiciens sont à côté de leurs pompes.

    26.08 à 21h53 - Répondre - Alerter
  • SB : Education

    L’idée du revenu de base est bonne si elle est accompagnée d’une éducation appropriée au rôle que chacun doit tenir dans la société sinon on finira tous devant la télé avec notre minimum vital pour perfusion. Chacun doit faire sa part pour l’ensemble de la communauté de quelque manière que ça soit. L’avantage c’est que ça ouvre des portes et puis de toute façon on a pas le choix puisque notre système va dans le mur. D’ailleurs si l’idée commence à vraiment faire son chemin c’est qu’il a besoin de se survivre pour ne pas mourir.
    Attention également à ne pas trop jouer de la planche à billet pour maintenir les illusions comme c’est le cas actuellement car c’est une bombe à retardement.

    25.08 à 16h15 - Répondre - Alerter
  • "Nous pensons que si nous reproposions aujourd’hui une pétition au niveau européen, elle atteindrait le million de signatures nécessaires pour contraindre la Commission à s’emparer du sujet."
    Oui tout comme les deux millions de personnes qui ont dit non aux accords TAFTA.

    25.08 à 16h08 - Répondre - Alerter
    • Ya un cas où tout le monde à des sous, sous qu’il rebalancera où ? Chez les grands industriels principalement, et l’autre, où on nous impose quelque chose en faisant croire que c’est pas si mal.
      De plus avec un revenu de base, on regardera un poil plus notre nombril et on fera ce qu’on pense bien. Mais la plupart des gens vont surtout encore moins chercher à regarder qu’es ce qui ce cache derrière ces accord.

      25.08 à 21h36 - Répondre - Alerter
  • Encore ce projet faussement progressiste !

    Sinon, si vous voulez un projet authentiquement progressiste il y a le salaire à vie promu par le Réseau salariat.

    C’est un peu plus long à expliquer mais c’est vraiment émancipateur.

    Allez cadeau : http://www.reseau-salariat.info/d60...

    22.08 à 10h44 - Répondre - Alerter
    • pourquoi dire qu’un revenu inconditionnel est faussement progressiste. Pourquoi également vouloir opposer salaire à vie et revenu inconditionnel.

      Ce sont deux idées qui me semblent être tout à fait complémentaires.

      Si on part du simple principe que tout le monde n’est pas égale en terme d’apprentissage et certains auront plus de facilités que d’autres à apprendre. le salaire à vie devient pour le coup quelque chose de clairement inégal.

      Pas de compétences donc pas de salaire. et l’obligation absolue de travailler... ( je vais être con pendant deux secondes : "le travaile rend libre"). le travail n’a pas la même valeur selon qu’on fasse partie des personnes qui entreprennent et/ou qui aiment travailler, ou que l’on fasse partie de ceux qui le subissent.

      Par contre mettre en place les deux systèmes sous une même mesure.

      d’un coté, permettre à ceux qui ont du mal, ou à ceux qui ne veulent tout simplement pas continuer à vivre avec comme objectif principal de vie que de travailler de pouvoir simplement vivre comme ils l’entendent. et de l’autre coté, permettre à ceux qui tiennent à travailler, à gagner plus et être reconnu pour leur savoir faire , d’avoir ce salaire à vie ...

      Là, on touche alors à quelque chose de juste ! _ :)

      30.08 à 10h57 - Répondre - Alerter
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