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Rajagopal P.V. : « Ne pleurez pas, agissez, commencez à marcher ! »

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Rajagopal P.V. : « Ne pleurez pas, agissez, commencez à marcher ! »
(Crédit photos : Ekta Parishad )
 
Des décennies qu'il met un pied devant l'autre ! Le « Gandhi marcheur » a appris aux Indiens à fouler la terre pour retrouver leurs droits. En 2020, il espère bien réunir un million de citoyens entre New Delhi et Genève.
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Rajagopal P.V. est le président d’Ekta Parishad, une association indienne qui défend le droit à la terre pour chaque habitant et réclame plus de justice sociale. Il était de passage en Europe pour l’organisation de la grande marche de 2020 qui devra relier le mémorial de Gandhi, à New Delhi au siège des Nations unies, à Genève.

Terra eco : Pourquoi choisir la marche pour changer les choses ?

Rajagopal P.V. : Simplement parce que tout le monde peut marcher : les enfants, les vieux, les hommes comme les femmes. Et ce n’est pas cher : vous n’avez pas besoin d’essence, de voiture… C’est avec les marches que l’on construit une société, que l’on lie ensemble différents combats, que l’on crée une atmosphère, un événement médiatique. Nos marches, c’est comme un festival ! Tous les villageois se réunissent, parlent de leur problèmes. Au début, nous organisions des marches de 400, 800, 1000 km. Mais petit à petit, nous avons voulu changer d’échelle. En 2006, nous avons marché vers New Delhi. Idem en 2007, puis en 2012. Chaque fois, plus de monde nous rejoignait. Et nos marches sont devenues célèbres. Certains journaux m’ont surnommé le « Gandhi marcheur » ! Pour les pauvres, je suis un Gandhi, mais pour les riches, je suis devenu un vrai problème.

Les gens marchaient-ils pour les mêmes raisons ?

Vous savez, j’ai formé des centaines de milliers de jeunes à la non-violence (la philosophie de Gandhi, ndlr). Et quand vous formez un jeune, elle ou il retourne dans son village et discute avec les autres. La communauté commence alors à soulever des problèmes : « Pourquoi il n’y pas de terre pour tout le monde ? » « Pourquoi le maître ne vient pas dans notre école ? » « Pourquoi le médecin vend des médicaments au marché noir plutôt que de les distribuer aux gens ? » Il suffit que ce jeune rentre chez lui pour que la communauté remette en question tout le système.

Comment le combat contre l’accaparement des terres a-t-il émergé de cet ensemble de revendications locales ?

Nous nous sommes dit : « Ce que nous voulons tous, ce n’est pas un maître pour une école ou la fin d’un pot-de-vin, c’est le droit à la terre ». Parce que c’est grâce à cette terre que nous pouvons vivre. C’est parce que nous produisons de la nourriture que nous pouvons envoyer nos enfants à l’école. Petit à petit, nous avons concentré nos efforts sur la protection de la terre, de la forêt, de l’eau. Les indigènes ont besoin de forêt, les sans-terre de terre, et tout le monde a besoin d’eau. Si l’eau est confisquée par Coca-Cola, Pepsi-Cola, que reste-t-il ? Si la terre est confisquée par les multinationales, que reste-t-il ? L’Inde, c’est 1,2 milliard d’habitants parmi lesquels 22% n’ont pas de terre où vivre. Gandhi a appris au monde la justice et il n’y a pas de justice en Inde. Petit à petit, c’est devenu notre slogan : la terre, la forêt et l’eau doivent être contrôlés par les gens. Nous ne demandons rien, mais ne nous prenez pas ce que Dieu nous a donné. La forêt, la terre et l’eau ne nous ont pas été donnés par le gouvernement, mais par Dieu.

Etes-vous entendus par les autorités ?

Après les marches de 2007 et de 2012, 3,2 millions de personnes ont retrouvé leurs terres. C’est un petit nombre pour un pays grand comme l’Inde, mais ce n’est pas si mal. Aujourd’hui, nous voulons aller plus loin. Nous avons signé un accord avec le gouvernement pour qu’une loi garantisse le droit à une terre pour tous. Nous nous battons aussi pour que les propriétés puissent être au nom des femmes, pas seulement au nom des hommes. Nous tentons enfin d’amener le gouvernement à définir une politique d’utilisation du territoire indien. Il existe bien une politique industrielle, une politique agricole… Pourquoi pas une politique de la terre ? Comment pouvons-nous bien ou mal utiliser la terre sans une politique clairement définie ?

Vous dites que la terre est importante en Inde comme dans tous les pays du monde, mais en Europe, le rapport à la terre est bien différent. On peut bien vivre sans posséder le terrain sur lequel on vit…

Oui. Et pourtant en France aussi, il y a un combat pour la terre. Pourquoi les agriculteurs de la région de Nantes combattent-ils contre un aéroport ? Parce qu’ils veulent garder leur terre. Vous avez 10% de chômage. Pourquoi aggraver les choses en poussant les gens hors de leurs champs ? Il ne faut pas oublier que l’agriculture est un secteur créateur d’emplois. Le souci, c’est qu’on veut des avions sans pilotes, des trains sans conducteurs, de l’agriculture sans paysans. Mais si on ne veut pas d’humains, pourquoi appeler ça une société humaine ? C’est stupide de vouloir faire une société humaine conduite par des machines. Si vous créez des petites technologies qui rendent la vie plus facile, c’est bien. Mais si vous inventez des technologies qui rendent les gens inutiles, ça ne sert à rien.

Vous organisez une grande marche en 2020. Pensez-vous vraiment que des citoyens du monde entier puissent parler d’une seule voix alors que leurs préoccupations sont bien différentes ?

Il ne s’agit pas de diluer les revendications. Un groupe de cent personnes marchera de New Delhi à Genève. Mais pendant ce temps, nous voulons qu’un million de personnes agissent localement. Les problème du Nicaragua doivent être portés par les Nicaraguayens, ceux du Brésil par les Brésiliens, vos soucis doivent rester les vôtres. Mais la vraie question c’est : « est-ce qu’un million de personnes sur 7 milliards sont capables de se lever pour dire : “nous voulons un autre modèle de développement basé sur la justice et l’éthique” ». Si on ne peut pas mobiliser 1 million de personnes sur 7 milliards, alors ce n’est pas la peine de pleurer. C’est ce que j’enseigne à mes élèves en Inde : ne pleurez pas, personne ne va venir vous sauver, agissez, commencez à marcher ! Agir peut avoir un impact sur la Banque mondiale, le FMI (Fonds monétaire international), l’OMC (Organisation mondiale du Commerce), les Nations unies, toutes ces institutions que nous avons créées et qui ont mis au point le modèle de développement qui nous dirige aujourd’hui. Tant que ces institutions n’entendront pas s’élever l’immense voix du monde, cette voix pleine de sagesse, elles resteront bien confortablement installées : des officiels très bien payés continueront à accaparer les terres, à ériger des usines en pensant qu’ils dirigent le monde. Mais qu’est ce qu’ils dirigent ? Un monde de pauvreté.

Pour en savoir plus :

- « Lève-toi et marche ! », notre dossier

- « Avec la marche, j’ai retrouvé des raisons de vivre », le témoignage du marcheur et auteur Bernard Ollivier.

- Retrouvez beaucoup d’infos (en français) et des vidéos sur Ekta Parishad sur le site de Solidarité.

- Millions can walk, un film de Christoph Schaub et Kamal Musale qui suit les Indiens le long d’une marche :

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