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24-06-2014
Mots clés
Transports
Automobile
Europe
France
Interview

« Avec son écotaxe allégée, la France est à contre-courant »

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« Avec son écotaxe allégée, la France est à contre-courant »
(Crédit photo : Occitandu34 - Wikimedia)
 
Lundi, Ségolène Royal a confirmé l'abandon de l'ecotaxe. En Europe, cette frilosité détonne. William Todts, de l'ONG bruxelloise Transport et Environnement, rappelle que partout ailleurs le dispositif se renforce et s'étend.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Exit l’écotaxe, place au « péage de transit ». 4 000 kilomètres de routes nationales et locales concernées au lieu de 15 000 ; Bretons, forains et agriculteurs épargnés ; 400 millions maximum d’euros de recettes annuelles au lieu des 1,15 milliard escompté. Pour confectionner son jeu des 7 différences avec la version initiale, le ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie a sorti la gomme.

La nouvelle carte des routes soumises aux péages de transit. Source : capture d’écran Ouest France

Seule constante dans la copie revue et corrigée par Ségolène Royal : les poids lourds visés sont toujours ceux de plus 3,5 tonnes et la tarification moyenne (variable selon le nombre d’essieux et la performance environnementale du véhicule) devrait encore avoisiner les 13 centimes par kilomètre. Mais la mesure, qui doit entrer en vigueur le 1 janvier 2015, est désormais limitée aux routes sur lesquelles circulent plus de 2 500 camions par jour. William Todts est coordinateur à Bruxelles de la fédération d’ONG Transport et environnement. Il explique en quoi le dispositif français est insuffisant.

Au regard de ce qui se fait en Europe, pensez-vous que le système de péages annoncé par la France soit pertinent ?

William Todts  : La France a fait le choix d’une écotaxe allégée. Or, une taxe kilométrique n’est utile que si elle est assez contraignante pour faire évoluer les comportements. On parle beaucoup d’efficacité énergétique, mais on oublie que cette marge de manœuvre existe aussi pour le transport. Imaginons que je sois transporteur routier. Pour que ma marchandise traverse l’Allemagne, je n’ai pas d’autre choix que de payer 15 centimes pour chaque kilomètre parcouru. J’aurais donc tout intérêt à faire rouler 80 camions plutôt que 100. Pour y parvenir, il existe plusieurs leviers : augmenter le chargement, optimiser les trajets. En Allemagne, comme en Suisse, le système fonctionne. En 2005, l’instauration de la Maut (la redevance poids lourds allemande, ndlr) a mis un coup d’arrêt à une hausse continue du trafic routier (+ 3% entre 1995 et 2005) et ce sans que l’économie du pays ne soit affectée. Les transporteurs savent donc faire preuve d’une formidable capacité d’innovation et d’adaptation. Mais la France ne leur fait pas confiance. Les péages de transit ne dissuaderont personne de faire rouler des camions à moitié vides.

La même frilosité est-elle de mise chez les autres pays européens ?

Au contraire ! Tous les pays qui ont adopté une taxe kilométrique poids lourds sont en train de la renforcer. En avril, le ministre des Transports allemand a annoncé une extension du dispositif aux 2x2 voies et à tous les camions de plus de 7,5 tonnes. Jusqu’alors, pour épargner les petites entreprises, seuls les poids lourds de plus de 12,5 étaient concernés. En 2016, la taxe allemande s’appliquera même à tous les véhicules, y compris ceux des particuliers. En Europe de l’Est, les réseaux routiers taxés s’étendent chaque année. Dans le même temps, d’autres pays franchissent le pas : la Hongrie au début de l’année et la Belgique d’ici à 2016. En revoyant ses ambitions à la baisse, la France est à contre-courant.

Comment expliquer ce plébiscite européen ?

Par des raisons financières principalement. On parle beaucoup de pollution, mais la vertu première de l’écotaxe est de faire porter les coûts d’entretien des axes routiers aux transporteurs. Dans les pays où l’on a adopté ce genre de taxe, on s’est rendu compte qu’elle pouvait rapporter gros. En Allemagne ce sont 4 milliards d’euros qui tombent ainsi chaque année dans les caisses de l’Etat. C’est aussi une question d’équité. Il n’y a pas de raison que l’ensemble des contribuables financent, par leurs impôts sur le revenu, l’entretien des routes défoncées par les transporteurs routiers.

Avec seulement 4000 kilomètres concernés sur un réseau routier long de près d’un million de kilomètres, la France ne va-t-elle pas au devant d’effets de contournements ?

C’est exactement ce qui s’est passé dans les pays de l’Est. Comme la France, la Pologne, la Slovaquie et la République Tchèque ont commencé par mettre en place une taxe kilométrique poids lourds sur un nombre d’axes très restreint. Puis, ils se sont rendus compte que les véhicules ciblés par la taxe empruntaient tout simplement d’autres chemins. Alors, ils ont décidé d’élargir le dispositif. On peut parier que c’est ce qui va se passer en France. C’est souhaitable. La mesure qui vient d’être annoncée n’est positive que si elle constitue un point de départ.

Ce type de lancement, par élargissements successifs, est-il pertinent ?

Politiquement c’est sans doute moins risqué. Mais financièrement ce n’est pas intéressant. Les infrastructures de collecte coûtent très cher, quel que soit le nombre d’engins concernés. Le système mis en place par Ecomouv (172 portiques sur 11 000 kilomètres, ndlr) est en place, mais on décide de ne pas exploiter toutes ses possibilités. Or pour amortir cet investissement, un pays doit tabler sur une assiette large de prélèvements. Pour l’instant, la France fait le contraire. Tandis que l’Allemagne paie 600 millions d’euros pour en récolter 4 milliards, la France, sauf renégociations, va payer 230 millions pour en récolter au maximum 550.

Sur le plan de l’environnement, de quelles avancées la France se prive-t-elle ?

De la rénovation de sa flotte de camion. En Allemagne, la Maut est soutenue par les constructeurs poids lourds. Comme cette taxe prend en compte les émissions de CO2, les entreprises de transport ont tout intérêt à faire rouler des camions qui respectent les normes les plus strictes, par exemple euro 5 ou euro 6. La plupart d’entre eux ont réalisé qu’il était rentable de renouveler leur équipement. En France, Renault a sorti une nouvelle gamme de camions très performants sur le plan de l’environnement. Il pourrait en sortir gagnant. Mais les portions de routes taxées sont trop limitées pour que les transporteurs se posent la question du bien-fondé de cet investissement. La logique est la même pour le report modal, le surcoût ne sera pas suffisant pour inciter les entreprises à choisir le fret.

La décision française aura-t-elle des conséquences au niveau européen ?

Très probablement. En 2011, la Commission européenne a adopté un livre blanc sur le transport (ici en pdf). Celui-ci préconisait de réintégrer les coûts externes du transport routier, comme les dégâts causés aux infrastructures, la pollution… Politiquement c’est très compliqué. On le voit avec la directive eurovignette qui prévoyait dès 1999 des mécanismes équitables pour imputer les coûts d’infrastructure aux transporteurs. Pour l’heure, elle a été transposée dans les législations nationales de seulement six pays membres. Si un grand pays comme la France refuse de mettre en place une mesure ambitieuse, il y a de grandes chances pour que les commissaires européens ne soient pas plus audacieux. Pourtant, aucun des pays dans lesquels la mesure a été adoptée n’est revenu en arrière, au contraire.

A lire aussi sur Terraeco.net : L’écotaxe, testée et approuvée en Suisse

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  • Mais vous savez très bien que cette taxe ne va jamais aller à l’écologie. C’est exactement le même montage que la taxe carbone au USA.
    Une société privée qui récolte l’impôt avant même que l’état n’en voit la couleur. Et comme par hasard G-S est quasiment toujours derrière.
    Donc stop avant d’aller chercher des cochons en Roumanie, des carottes en Hollande, des tomate en Espagne ou des Melons au Maroc et bien on consomme local et surtout à la bonne époque de l’année. Et la on polluera certainement moins.

    24.06 à 17h43 - Répondre - Alerter
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