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30-03-2015
Mots clés
Alimentation
Solidarité
France
Reportage

Quand les glaneurs des marchés forment leurs bataillons

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Quand les glaneurs des marchés forment leurs bataillons
(Crédit photos : Amélie Mougey)
 
Le 11 mars, la mairie de Paris a lancé les Etats généraux de l'économie circulaire. Conséquence : les points de glanage devraient se multiplier. Dans le XIXe arrondissement, le concept est testé et approuvé depuis un an.
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A la fin des marchés lillois, roubaisiens et maintenant parisiens, le glanage commence par une tournée de poignées de main. « Ça va ? Bien, les affaires depuis la semaine dernière ? » Gilet jaune fluo, queue de cheval nouée à la va-vite, Béatrice ponctue chacune de ses phrases par un grand éclat de rire. Tendant le bras au dessus de chaque stand du marché Joinville, sur la place de Bitche, dans le XIXe arrondissement de Paris, la jeune femme remonte l’allée qui lui a été assignée. Dans les travées voisines, Viviane, James et la dizaine d’autres bénévoles présents ce jour-là terminent eux aussi leur distribution de bonjours. Ce rituel accompli, tous regagneront le stand de leur association les bras chargés de cagettes d’invendus, sauvés de justesse du rebut.

« Quand j’ai entendu parler de la première Tente des glaneurs, une association qui existe à Lille depuis 2010, j’ai trouvé l’idée simple et juste », explique Anna Salwerowicz, ancienne bénévole au sein d’associations d’aide alimentaire. Sous son impulsion, il y a tout juste un an, une petite sœur de l’association lilloise a donc pris ses quartiers dans l’arrondissement le plus pauvre de la capitale. Ici, 25% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Alors une fois les étals démontés, les fruits et les légumes trop fatigués pour reprendre la route ont toujours rencontré un franc succès. Mais depuis que l’association s’en est mêlée, le glanage a pris une autre dimension. Sur l’année qui vient de s’écouler, 200 bénévoles se sont relayés chaque dimanche pour remplir 3 000 cabas et sacs à commission.

De 300 kg à 1,5 tonne par jour

Dans une petite impasse perpendiculaire à la place du marché, Fatoumata, Christian et une cinquantaine d’autres habitants du quartier font le pied de grue pour se partager les 300 kg de denrées collectés ce jour-là. Le temps de rapatrier les cagettes de courgettes, de trier les artichauts encore consommables et de disposer le tout sur le stand, la distribution ne débute pas avant 14h30. « De toute façon, l’activité de l’association ne doit pas entrer en concurrence avec celle des commerçants », explique Jonathan Doncourt, le placier du marché.

Une quinzaine de personnes attendent pourtant depuis midi et demi. Le long du mur, des cabas alignés signalent l’ordre de passage. « A chaque fois, quand je pose le mien, je compte, précise Fatoumata, tandis que son garçon de huit ans tournoie autour de ses jambes. Quand j’arrive, mon chariot est dixième. Si je vais faire un tour au marché, quand je reviens, il est quinzième. Il y a des gens qui ne respectent pas la règle. » Pour éviter conflits et jalousies, l’association donne des portions petites, mais égales. « S’il en reste quand tout le monde est servi, on invite les gens à repasser », précise Béatrice. Un moyen de soustraire la pratique du glanage à la loi du plus fort. « Avant, il y avait des petits conflits entre glaneurs » se souvient Jonathan. Pour le placier, l’association leur a permis de gagner en équité, mais surtout en dignité : « Ça leur évite d’aller plonger dans les poubelles. Quand j’en vois qui continuent, je leur indique le lieu où ils peuvent aller se faire servir. Nous sommes dans un pays développé, quand même ! » Ce satisfecit ne fait pourtant pas l’unanimité. Sur Internet, quelques tribunes brocardent l’initiative, accusée de « sauver les apparences plus que le sort des intéressés », voire de tuer le glanage, « dernier espace de gratuité et de liberté ».

Du côté des dirigeants politiques, l’association plaît. A la mi-mars, une poignée d’élus, dont le maire d’arrondissement, sont venus lui rendre visite pour son premier anniversaire. Dans le cadre des Etats généraux de l’économie circulaire, lancés officiellement le 11 mars, la mairie de Paris a annoncé son intention de s’en inspirer et de la dupliquer. Anna Salwerowicz se défend de toute récupération. « On ne peut pas empêcher les élus de nous apporter leur soutien, mais nous restons indépendants. »

« On donne des produits qu’on pourrait vendre le lendemain »

Si le glanage du marché de Joinville s’est institutionnalisé, il a aussi changé d’échelle. Certains dimanches d’été, l’association récolte jusqu’à 1,5 tonne, soit beaucoup plus que les abandons classiques de fin de marché. « Les commerçants ne donnent pas seulement les restes, il font également preuve de générosité », se réjouit Anna Salwerowicz. Charles, l’un des 48 commerçants qui jouent le jeu – sur les cinquante qu’accueille le marché –, confirme : « On donne des produits qu’on pourrait vendre le lendemain ou le surlendemain. Mais ça nous paraît aussi normal d’aider les moins chanceux ».

Avocats, poires, mangues, roquette… Les bénéficiaires ont du choix. « Ça dépend des saisons », souligne Fatoumata. « C’est formidable : la semaine dernière, ce qu’on a reçu m’a tenu toute la semaine », précise Christian qui, grâce à cette initiative, a espacé ses visites aux Restos du cœur. « Je sais cuisiner et j’aime ça. Mais les légumes, c’est cher », précise-t-il. Contrairement aux autres associations, la Tente des glaneurs ne fixe aucunes conditions de revenus pour les bénéficiaires. « Et je suis prêt à parier qu’il n’y a pas plus de 1% de profiteurs », estime le placier.

Dans la file indienne, la grande majorité des bénéficiaires n’ont pourtant jamais glané. « J’ai des difficultés, mais je ne suis jamais allée ramasser les restes du marché. Ça ne me correspond pas », explique Fatoumata, qui préfère, « pour la famille », ne pas être photographiée. C’est finalement dans les rangs des bénévoles qu’on compte le plus de glaneurs. A 23 ans, Béatrice a derrière elle une longue expérience d’étudiante fauchée adepte des fins de marché. « Souvent, quand je glanais, je me disais que certains en avaient plus besoin que moi, reconnaît-elle. Aujourd’hui, je commence par aider ces personnes, puis je récupère quelques légumes une fois que tout le monde est servi. Je trouve ça plus juste. »

Viviane, jeune retraitée du quartier, a connu les deux côtés du stand. « J’ai une toute petite pension, ça ne suffit pas pour finir le mois. C’est ce qui m’a conduit ici, explique cette petite femme aux yeux très bleus. Et puis au bout d’un moment, je me suis rendu compte que je pouvais aider aussi. » Fière de son bataillon de bénévoles, Anna espère que les prochains iront encore plus loin. « Si on ose se lancer, créer une Tente de glaneurs est assez facile et, sur Paris et ailleurs, il y a encore beaucoup de marchés à investir. » Un optimisme prémonitoire : à Armentières (Nord), une nouvelle Tente des glaneurs vient de se mettre sur pied. C’est la vingt-quatrième en France.

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