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24-05-2010
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Lester Brown : « Il faut porter secours aux Etats défaillants »

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Lester Brown : « Il faut porter secours aux Etats défaillants »
(DR)
 
Par Lester R. Brown, fondateur et président du Earth Policy Institute, think tank d’« éco-économie ».
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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L’assistance aux États défaillants constitue l’un des principaux défis que la communauté internationale doit relever. La conjonction d’un gouvernement sans réelle capacité d’action, de violences civiles et d’une agitation sociale permanente les pousse droit à l’effondrement. Les programmes d’assistance internationaux habituels sont totalement inadaptés, comme le prouve la dégradation continue de la situation dans des pays comme Haïti, la Somalie et le Yémen. Les enjeux sont des plus importants.

Passé un certain seuil, la progression du nombre d’Etats défaillants va provoquer un effondrement global de notre civilisation. D’une manière ou d’une autre, nous devons renverser cette vague montante de défaillance d’Etats.

La défaillance d’Etats est un processus à sens unique, à de rares exceptions près. Le Liberia et la Colombie figurent parmi ceux qui ont réussi à inverser la tendance.

Le classement annuel des pires États défaillants du Foreign Policy plaçait le Liberia à la neuvième place en 2005 (en se basant sur des données de 2004), après 14 années de guerre civile qui ont fait 200 000 victimes. Les choses ont commencé à changer en 2005 avec l’accession à la présidence d’Ellen Johnson-Sirleaf, diplômée de l’Ecole Kennedy de gouvernance d’Harvard et qui occupait un poste à responsabilité à la Banque mondiale. La situation s’est améliorée dans ce pays ravagé par la guerre, grâce à un effort acharné pour éradiquer la corruption et à la présence de 15 000 soldats de l’ONU dont la mission est de maintenir la paix, de réparer les routes, les écoles et les hôpitaux et d’entraîner la police. En 2009, le Liberia est redescendu à la 34e place sur la liste des États défaillants.

En Colombie, l’amélioration de l’économie (grâce aux cours élevés du café et au gouvernement qui a progressivement gagné en légitimité), a contribué à changer le cours des choses. Classée 15e en 2005, la Colombie figure désormais en 2009 à la 41e place du classement du Foreign Policy. Le Liberia et la Colombie ne sont ni l’un ni l’autre tirés d’affaire, mais ils se dirigent tous les deux dans la bonne direction.

Le phénomène des États défaillants est relativement nouveau : il exige une réaction nouvelle. Les programmes d’assistance traditionnels basés sur la mise en place de projets ne sont plus suffisants. La défaillance d’Etats est d’origine systémique et réclame donc un traitement systémique.

Le Royaume-Uni et la Norvège ont clairement identifié que la question requiert un traitement particulier et ont mis en place des fonds interministériels pour instaurer un mécanisme de réaction adapté. On ne peut pas encore dire s’ils traitent de façon adéquate le problème de la défaillance systémique d’Etats, mais ils ont au moins reconnu le besoin de concevoir une réponse institutionnelle spécifique. Les efforts des Etats-Unis pour s’occuper des Etats fragiles et défaillants restent par contre dispersés.

Plusieurs ministères du gouvernement américain sont impliqués, dont ceux des Affaires étrangères, des Finances et de l’Agriculture, pour n’en citer que quelques-uns. Au sein du ministère des Affaires étrangères, des bureaux différents s’occupent de ce problème. Cette dispersion a été reconnue par la Commission Hart-Rudman en charge de la Sécurité nationale pour le XXIe siècle : « Aujourd’hui, la responsabilité pour prévenir et traiter les crises est diluée dans de nombreuses Agences pour le développement international (AID) et divers bureaux des Affaires étrangères, entre différents sous-secrétariats des Affaires étrangères et les administrateurs des AID. Par conséquent, en pratique, personne n’est responsable . »

Il faut maintenant créer une nouvelle agence au niveau exécutif : un Secrétariat d’Etat de la Sécurité globale (DGS, Department of Global Security), qui définirait une politique cohérente pour chaque Etat fragile ou défaillant. Cette recommandation a été initialement exposée dans un rapport de la Commission « États fragiles et Sécurité nationale des États-Unis ». Elle prend acte du fait que les menaces pour la sécurité proviennent maintenant moins de la puissance militaire que des tendances qui ébranlent les États, telles que la croissance rapide des populations, la pauvreté, la détérioration des écosystèmes, et le développement des pénuries d’eau. La nouvelle agence inclurait les AID (faisant désormais partie du Ministère des Affaires étrangères) et les différents programmes d’assistance extérieure qui dépendent actuellement d’autres ministères ; elle assumerait ainsi, au sein du gouvernement, la responsabilité des Etats-Unis pour l’assistance au développement. Le ministère des Affaires étrangères fournirait un support diplomatique à cette nouvelle agence, contribuant à l’effort global d’inversion du processus de défaillance d’Etats.

Le nouveau ministère de la Sécurité globale serait financé par transfert de ressources fiscales du ministère de la Défense. Son budget serait en effet un nouveau budget de défense. Il se concentrerait sur les causes principales de défaillance d’Etats en aidant à stabiliser la population, restaurer les écosystèmes, généraliser l’éducation primaire, et renforcer l’autorité de la loi en soutenant les forces de polices, les institutions judiciaires, et si nécessaire, l’armée.

Le DGS aurait à gérer les problèmes de production et de trafic international de drogues. Il ferait des questions d’allègement de dettes et d’accès au marché une partie intégrante de la politique des Etats-Unis. Il serait un lieu de discussion pour coordonner la politique intérieure et étrangère, pour assurer que les décisions politiques intérieures, comme par exemple les subventions à l’exportation de coton ou celles à la conversion de céréales en agrocarburants pour les voitures, ne contribuent pas à la faillite d’autres pays. Ce ministère permettrait aux Etats-Unis d’avoir les moyens d’aider à mener un effort international croissant visant à réduire le nombre d’Etats défaillants. Cette agence encouragerait aussi l’investissement privé dans les Etats défaillants en fournissant des garanties aux prêts destinés à accélérer le développement.

Dans le cadre de cet effort, les Etats-Unis pourraient rajeunir les Peace Corps (organisation américaine de coopération et d’aide aux pays en développement, ndlr) pour fournir une assistance sous la forme de programmes d’actions de terrain : enseignement dans les écoles, aide à l’organisation de planning familiaux, plantation d’arbres et programmes de micro-crédit. Ce programme impliquerait de jeunes américains, et contribuerait aussi à développer leur sens civique et leur responsabilité sociale.

Du côté des aînés, les Etats-Unis ont un nombre en forte croissance de retraités, très compétents dans des domaines comme la gestion, la comptabilité, le droit, la formation et la médecine et qui seraient ravis de pouvoir se montrer utiles. Leurs talents pourrait être mobilisés dans le cadre d’un corps de Seniors volontaires. L’énorme réservoir de compétence de gestion dans cette classe d’âge pourrait être exploité pour accroître les compétences qui manquent tant dans les gouvernements des Etats défaillants.

Il y a déjà bien sûr de nombreuses organisations bénévoles qui s’appuient sur les talents, l’énergie et l’enthousiasme des jeunes gens et des aînés américains, dont les Peace Corps, Teach For America, et les Senior Corps. Mais les conditions exigent maintenant un effort systématique et plus ambitieux pour exploiter ce réservoir de talents.

Le monde est doucement entré dans une nouvelle ère, où il ne peut y avoir de sécurité nationale sans sécurité globale. Pour intégrer cet état de fait, nous devons restructurer et concentrer nos efforts pour réagir à cette nouvelle réalité.

(Traduit de l’anglais par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti)


- Retrouvez la chronique originale de Lester Brown

- L’ouvrage de Lester Brown , Plan B 4.0 : Mobiliser pour sauver la civilisation (W.W. Norton & Company, 2009), disponible en ligne pour téléchargement gratuit.

- Données et sources d’information supplémentaires disponibles sur Earthpolicy

- Information complémentaire : www.earthpolicy.org

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Lester Russell Brown (né en 1934) est un agroéconomiste et analyste environnemental américain. Il est le fondateur de l’institut Worldwatch ainsi que du Earth Policy Institute, organisation non gouvernementale basée à Washington D.C., dont il est actuellement le président. Lester Brown est notamment l’auteur du Plan B 2.0.

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  • Effectivement, les inégalités dans la répartition du bénéfice des valeurs créés au niveau mondial sont à ce point extrêmes que le déséquilibre est l’issue inévitable : la biocapacité dépassée, les révoltes de la faim, l’effondrement de la finance à WallStreet...
    La seule chose encore intelligente qui nous reste à faire serait de prendre les choses en mains pour envisager une sortie "d’impasse" aussi bien humainitaire, qu’environnementale, qu’économique où ces valeurs différentes soient enfin intégrées à l’organisation du gouvernement des sociétés.
    Cependant, comme dans tout constat d’échec, il serait bénéfique et nécessaire d’identifier les responsabilités (même passées) de ceux qui nous ont poussé vers cette impasse et d’agir pour que les responsables paient pour leurs "erreurs", ainsi que pour les empêcher de nuire à nouveau !!!

    25.05 à 09h16 - Répondre - Alerter
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