Du vert dans les oreilles

Ils ont parcouru la France en sautant d’un champ à l’autre, s’attardant au détour d’une botte de foin ou d’une porcherie, d’une ruche ou d’un four à pain. Leur micro pointé en avant, ils ont plongé à pieds joints dans l’univers de vingt producteurs durables, couchant une semaine durant au lit de leur ferme, se nourrissant au zinc de leur cuisine, aidant aux travaux des champs. Objectif ? “Rendre hommage à ces gens qui œuvrent pour le développement durable et qui ne sont jamais mis en avant, souligne Goulven Maréchal. Faire connaître des initiatives originales aussi.” L’idée avait germé un soir dans la tête des deux compères. L’un sortait tout juste d’études d’agronomie, l’autre était technicien sur des tournages de film. L’un avait la nature en tête, l’autre, le son comme outil. Ils ont décidé de combiner leur savoir faire.

Ils ont "casté" un à un leurs "clients", sont allés faire un tour sur les exploitations. Ont rencontré des gens désireux de faire connaître leur savoir. “Ils sentent bien qu’il faut relier à nouveau le monde urbain au monde rural. Et ce sont des gens qui ont leur projet à cœur et qui sont contents d’en parler, confie Goulven. Et puis, il n’y a pas beaucoup de moments dans la vie où on vous demande, devant un micro, quel est votre projet ou si vous êtes heureux. Ça oblige à prendre du recul, à formaliser les choses.” Parmi la flopée d’agriculteurs rencontrés au gré de leur aventure, ils ont croisé la route d’hommes et de femmes passionnés, d’énergumènes aussi. Il y a Dominique, agri-éducateur du Doubs qui fait écouter de la musique classique à ses vaches parce que "ça détend " ou trimballe les enfants des écoles alentour dans des ballades nocturnes. Il y a Raphaëlle, une bourgeoise parisienne, héritière d’un château en Corrèze. De ses terres, elle tente de faire une fondation, en prêtant ses hectares à qui montera son propre projet durable.

Au plus près du groin du cochon

Les portraits – de 23 minutes chacun - plongent dans le vivant. “On voulait faire des portraits intimes, pas techniques. On leur posait des questions sur leur projet mais aussi des questions perso, quelle musique ils écoutaient, comment était leur vie...”, souligne Goulven. A chaque fin de semaine, les deux jeunes gens livraient un premier montage à leur hôte. “On trouvait ça drôle d’écouter ça avec eux. Et puis, c’était amusant de voir qu’ils pouvaient reconnaître leur exploitation rien qu’en entendant les bruits.” Il faut dire que leur micro a plongé au plus profond, tout près du groin des cochons, entre les bulles d’une pâte à pain que l’on malaxe lentement. Ça et là, ils ont capté l’humeur d’un apiculteur peu bavard, la joie d’un groupe de copains lancé sur les routes de France à travers une ferme itinérante.

Depuis, leur bobines ont tourné sur les platines de radio associatives. L’automne venu, ils ont commencé à enregistrer un CD en extrayant cinq minutes de chacune de leurs rencontres. Il ne s’agira plus vraiment de portraits mais de parcours audio thématiques autour du bio, des Amap, etc. Et après ? Après, ils aimeraient partir un peu plus loin. Planter leur micro vers les plaines africaines. Et rapporter au cœur de l’Hexagone les images sonores de ces projets qui marchent, à l’autre bout du monde.

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