Le bécasseau maubèche, le courlis corlieu. Des noms qui ont l’air tirés d’un manuel de biologie poussiéreux. Pourtant, ces oiseaux passent au-dessus de nos têtes chaque année, quand ils quittent la Sibérie pour hiverner sur les côtes occidentales africaines. Un parcours d’une dizaine de milliers de kilomètres semé d’embûches. Surtout depuis que leur habitat naturel, les marais ou les tourbières, tendent à disparaître.
C’est autour de cette problématique que quelque 300 participants (Etats, ONG, scientifiques) discuteront lors de la conférence internationale, intitulée « Des oiseaux d’eau et des hommes – des zones humides en partage ». Pour la première fois, la France organise, à la Rochelle, cette semaine – du 14 au 18 mai – la cinquième réunion des parties de l’Accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie (AEWA). Un traité international développé sous l’égide du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) conclu en 1995 et qui rallie aujourd’hui 66 Etats.
La France a perdu 40% de ses zones humides en cinquante ans
« Un jeu de diplomatie étrange où il n’y pas de place pour l’optimisme ni le pessimisme » résume en tant qu’observateur Michel Métais, directeur de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Car l’objectif de cette semaine de débats est de « parvenir à égaliser les moyens à mettre en œuvre pour protéger ces zones humides, explique l’ornithologue. Pour une parfaite coordination, il faudrait que les pays africains se mettent à la hauteur de l’Europe. L’Afrique voudrait bien mais elle manque de subventions. Et la France, qui finance déjà 15% du budget, rechigne à lever plus d’aides. »
Et dans ce « jeu de diplomatie », il y a urgence. S’il est déjà établi que le réchauffement climatique, la pollution lumineuse ou la présence des lignes électriques viennent perturber les flux migratoires de ces espèces, la préservation de leur habitat reste une priorité.
Or, en quinze ans, la surface des zones humides du globe a déjà diminué de 6%, selon une étude du Centre national de la recherche scientifique. Et pour la France, l’accord essentiel. Carrefour migratoire, l’Hexagone voit passer chaque année des nuées d’oiseaux, depuis la baie du Mont-Saint-Michel au Marais poitevin. Or, l’AEWA estime qu’en cinquante ans, 40% de ces territoires marécageux ont disparu, notamment à cause de l’agriculture intensive.
« Bataille entre chasseurs et protecteurs »
C’est bien la relation entre l’homme et son milieu que pointe du doigt cette rencontre. Michel Métais rappelle que « les oiseaux d’eau, plus que les autres volatiles, sont, historiquement, l’incarnation de la bataille entre chasseurs et protecteurs ». L’AEWA concerne 255 espèces, dont certaines inscrites sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature). L’ONG Birdlife international estime également que 10% de ces espèces sont en danger d’extinction. « En 2008, nous avions obtenu par exemple un moratoire sur le courlis cendré. Un moratoire levé cet hiver par Nicolas Sarkozy » regrette le directeur de la LPO.Vitales pour les migrateurs tout au long du cycle de leurs déplacements, les zones humides restent une ressource pour l’homme, en Europe comme en Afrique. Elles fournissent les moyens de subsistance aux populations, que ce soit pour la chasse, la pêche ou le pâturage. L’AEWA entend ainsi mettre en œuvre une gestion durable de ces espaces. Un objectif qui sera débattu dans le cadre de la Convention de Ramsar sur les zones humides. Cette réunion se tiendra à Bucarest (Roumanie) du 6 au 13 juillet.
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