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22-11-2009
Mots clés
France
Portrait

Un poisson déguisé en homme

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Un poisson déguisé en homme
 
Jacques Rougerie prend le large. Adoubé par le Grenelle de la mer, vanté par le Président de la République en personne, son vaisseau-labo Sea Orbiter, c’est désormais certain, partira explorer les océans en 2011. Point d’orgue d’une carrière archi-marine.
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La mer, Jacques Rougerie l’habite. Avec ses vaisseaux d’exploration sous-marins. Avec ses rêves. Depuis son enfance sur le continent africain, à Abidjan, où il a vu les pêcheurs ivoiriens défier la barre de l’océan Atlantique. Depuis sa première lecture de 20 000 lieues sous les mers. Depuis cette sortie au cinéma avec son père, et le « choc » ressenti après Le Monde du silence de Cousteau. Sur son agence-péniche amarrée sur la Seine, c’est moins l’architecte maritime de 64 ans que l’enfant devenu grand qui reçoit. Dans la bibliothèque, les ouvrages s’empilent. Ici, les Voyages extraordinaires de Jules Verne, là, un livre un peu trop corné pour ne pas être suspect, Living and Working in the Sea. Faut-il traduire ? Trônant sur l’étagère, « le bateau de Tintin », cadeau de son copain Nougaro, du temps où Rougerie pensait abandonner l’océan pour la chanson.

Preuve qu’il a bien fait d’arrêter de « casser des micros sur la scène », ce « poisson déguisé en homme », comme aime à le décrire son ami l’écrivain Jean-Louis Fournier, vient d’entrer dans le cercle prestigieux des académiciens des Beaux-Arts. En lui tendant son épée, Jean-Louis Borloo a rendu un long hommage à ce visionnaire aux cheveux blancs et aux yeux bleus, parlant de lui comme de « l’architecte de la nouvelle frontière, celui qui a compris avant tout le monde qu’au XXIe siècle, ce serait la mer qui sauverait la Terre. » Jacques Rougerie vient aussi d’apprendre que son vaisseau futuriste Sea Orbiter prendrait le large en 2011. Cette plate-forme semi-immergée dérivant au gré du Gulf Stream doit explorer le lien entre les mondes marins et les changements climatiques. « Une synthèse de tous les travaux que j’ai menés depuis près de 40 ans », confesse l’architecte qui, au début des années 60, alors qu’il fredonnait Yellow Submarine, était pris pour un cinglé.

Petites bulles sous l’eau

Adolescent timide quasi-maladif, il a fait « proprement » ce qu’on lui demandait à la section architecture de l’école des Beaux-Arts, gardant secrets les cours qu’il suivait en parallèle à l’Institut d’Océanographie. Le garçon voulait bâtir pour les civilisations futures et pressentait que les habitats sous la grande bleue ne seraient pas un effet de mode, mais un mode de vie. Mais à l’époque, il était inconcevable de porter un regard sur l’architecture moderne quand on étudiait les beaux arts. « Débarquer avec un livre sur Le Corbusier était absolument hors de question », se souvient l’étudiant déjà inspiré, qui n’en continuait pas moins de dessiner ses « petites bulles sous l’eau ».

Le rêve aurait pu s’arrêter là. Jean-Louis Fournier se souvient que Jacque Rougerie « effrayait un peu tous les gens sérieux avec ses désirs de traire les baleines dans des fermes sous la mer. » Sauf que les amis de ses parents, tous deux chercheurs - son père en biogéographie, sa mère en mathématiques - s’appellent Jacques-Yves Cousteau, Paul-Emile Victor, Théodore Monod ou Haroun Tazieff. Eux, lui prêtent l’oreille. « J’étais tellement réservé que je n’osais pas trop exprimer mes idées. Je posais plutôt des questions et me nourrissais de leurs réponses. »

Recordman du plus long séjour sous mer

Des questions certes, mais pas seulement. Des actions aussi. Le jeune homme se lance alors dans un tour du monde post-universitaire à la conquête des civilisations et de leur rapport à l’environnement. Il multiplie aussi les expériences de vie sous-marine. En 1977, il teste sa première maison « mérienne », Galathée. En 1985, il largue à nouveau les amarres en embarquant six mois en solitaire à bord d’Aquaspace, son trimaran semi-submergé, pour « voir dans le Gulf Stream ». C’est là, à 40 ans, qu’il fait ses premiers pas dans l’observation du réchauffement des océans. En 1992, il décroche le record du plus long séjour passé sous la mer avec un équipage d’océanographes américains. 70 jours. Personne n’a fait mieux depuis.

C’est l’heure pour lui d’accoucher son projet. Il imagine les premiers contours du Sea Orbiter, sa sentinelle de l’océan, qu’il mettra finalement plus de dix ans à concevoir. « Jacques sait se battre pour ses rêves, témoigne son ami Ariel Fuchs, coordinateur général de Sea Orbiter. Et ses rêves, ils sont vraiment chouettes », ajoute ce journaliste-biologiste d’origine, qui, destin ou pas, a commis son premier article de jeune rédacteur sur l’architecte, en 1979.

Si Jacques Rougerie rêve sur Terre ? Pas vraiment. Le « mérien », comme il se définit lui-même, ne passe jamais trois mois sans aller traîner sur ou sous la surface de l’océan. Le reste du temps, le gaillard évite la terre ferme, lui préférant la Seine, dans la péniche qui jouxte celle de son agence d’architectes. Avec sa femme Sophie, sa « muse », comme lui architecte maritime. Et son fils de 9 ans, qu’il n’aurait pu baptiser d’un autre prénom que Marin.

Portrait rédigé pour Terra eco par Marion Galy-Ramounot, étudiante au CFPJ (Centre de formation et de perfectionnement des journalistes)


Bio express
- 1945 : Naissance à Paris
- 1977 : Test de sa première maison sous-marine, Galathée
- 1981 : Prix de l’Union internationale des architectes pour tous ses travaux sous la mer
- 2008 : Elu membre de l’académie des Beaux-Arts
- 2011 : Mise à l’eau Sea Orbiter, sa sentinelle de la mer, qui observera les liens entre l’océan et le réchauffement climatique

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