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Un jardin extraordinaire s’est glissé entre les tours de Colombes

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Un jardin extraordinaire s'est glissé entre les tours de Colombes
(Crédit photo : Amélie Mougey)
 
A la fois ferme expérimentale, point de vente de légumes et centre de conférences, ce potager s’est installé sur 1 500 mètres carrés de friche, en pleine banlieue parisienne.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Mis à jour le 11 janvier 2016 : Des potagers qui disparaissent sous un parking. Tel est le sort réservé par la mairie de Colombes (Hauts-de-Seine) à son Agrocité. Alors que l’ancienne municipalité (PS-EELV) s’était engagée à financer le projet de ferme urbaine à hauteur de 240 000 euros, l’équipe en poste depuis 2014 (LR) a décidé de l’évacuation du projet. La justice a donné raison à la ville qui veut utiliser les terrains de la rue Michelet pour y installer un parking temporaire. L’association a deux mois pour quitter les lieux.

La scène se passe en banlieue parisienne. Une habitante d’Asnières (Hauts-de-Seine) envoie un SMS à quelques voisins de Colombes : « Je vais au jardin, tu viens ? » Lyne Soba lâche son portable, quitte son appartement et retrouve, aux pieds des tours colombiennes, ses compagnons de binette. Entre les petites parcelles de 1,20 m sur 2,20 m, la retraitée échange des semis, ramasse trois haricots et va papoter sur la terrasse.

Derrière ces petits échanges se cache une grande ambition : celle de ressusciter les villes. « Elles se désocialisent ! En tant qu’entité sociale, la ville est morte », clame, à la suite du sociologue Alain Touraine, Constantin Petcou, fondateur du projet R-Urban. Avec son acolyte, Doina Petrescu, il s’empare temporairement des « interstices urbains », ces zones au statut flou dont les municipalités ne font rien. Depuis 2001, de Dakar à Berlin, en passant par le XXe arrondissement de Paris, leur binôme constitué en atelier d’architecture autogéré (AAA) « crée des opportunités » pour retisser du lien.

En 2012, c’est à Colombes, sur une friche de 1 500 mètres carrés, qu’ils ont planté Agrocité. Jardin partagé, ferme expérimentale et pédagogique, zone de compostage, lieu de vente de légumes, centre de conférences… Agrocité brasse des ingrédients d’« architecture sociale ». « Ici, au moins 20 nationalités viennent jardiner », se réjouit Adrien, ingénieur agronome et salarié d’AAA. Des fèves dans une parcelle, de la menthe et du chou chinois chez les voisins : les potagers témoignent de cette mixité. « Au Maroc, mes grands-parents jardinaient ; moi, j’ai grandi ici en détestant les légumes et sans savoir comment ils poussaient », sourit Zaïnab, 22 ans. Et puis, pour les beaux yeux des jardiniers, Zaïnab s’est ravisée. « J’avoue qu’il n’y a pas que les tomates qui sont agréables à regarder », glisse-t-elle, malicieuse.

Fortes têtes et timides

Les légumes aussi ont fini par retenir son attention. « Le travail bien fait, tout ça, ça ne m’a jamais parlé. Pourtant, maintenant, j’aurais envie de casser la figure de ceux qui ne comprennent pas qu’il faut arroser les plantes à la racine pour ne pas les cramer », s’enflamme-t-elle. Derrière elle, un couple de trentenaires arrose ses haricots et repart sur la pointe des pieds. Avec ses fortes têtes et ses timides, Agrocité est une microsociété. « Un groupe humain, c’est mouvant, des leaders émergent, d’autres les remplacent, il faut deux ou trois ans pour qu’il soit autonome », indique Doina Petrescu. Ensuite, les architectes iront poser ailleurs leur bâtiment en ossature bois et isolation paille. « On dissémine, sourit Constantin Petcou, la construction est réversible, mais les usages doivent durer. »

Pour s’en assurer, ces partisans de la résilience n’ont qu’une devise, la liberté. « Moins les organisations sont rigides, plus les gens s’impliquent », constate Doina Petrescu. Seul mot d’ordre : partager. Apporter une tarte, gérer le barbecue du dimanche, « contrairement au jardin ouvrier, on ne vient pas seulement ici par nécessité », poursuit Doina. La règle intégrée dans les caboches : place à l’autogestion. Margaux, salariée du projet qui expérimente ici l’agroécologie en milieu urbain, cite l’exemple des pesticides : « Leur utilisation va à l’encontre de l’esprit du projet, mais si en assemblée générale on décide que chacun fait ce qu’il veut, ils seront tolérés. »

Car, si au 4, rue Jules-Michelet, l’écologie est centrale, elle sert avant tout de ciment social. « Le choix du jardinage est stratégique, explique Doina Petrescu, l’activité est très intégratrice, les gestes sont universels et l’espace est ouvert. » A l’entrée, un tableau noir invite d’ailleurs les passants à acheter leurs légumes « un peu moins cher qu’au E. Leclerc d’à côté », souligne Margaux. Ainsi, chaque semaine, des curieux franchissent le portail. « Au début, on nous prenait pour des aliens, sourit Adrien, aujourd’hui on nous dépose du compost. » Mais au milieu du béton, l’agriculture reste un défi. « Pour faire notre purin d’orties, on va en ramasser au bord de l’autoroute, confie Margaux, et pour le compost, on fait les fins de marché. »

Eviter la schizophrénie

Et ce n’est qu’un début. « La plupart des projets citoyens ne s’intéressent qu’au temps libre, reconnaît Constantin Petcou. Prenons un habitant qui vient écouter une conférence, il réfléchit, participe puis rentre seul dans son petit appartement, et le lendemain il retourne travailler dans le système ultralibéral qu’il critiquait la veille. » Pour éviter cette schizophrénie, l’architecte voit plus grand. « Il faut redonner sa place à l’économie non monétaire. » C’est l’ambition de Recyclab, le deuxième volet du projet R-Urban. A quelques rues d’Agrocité, ce centre de récupération d’objets destiné à fabriquer des aménagements écoconstruits doit créer des emplois en réinsertion. Reste qu’« il faut aussi repenser le logement », pointe Constantin Petcou. Alors, Ecohab, un ensemble écologique mêlant logements sociaux et résidences d’artistes, devrait sortir de terre bientôt, toujours grâce aux financements municipaux, départementaux et européens. Les trois unités doivent fonctionner en symbiose, mais le projet, scruté de près par une équipe de sociologues et d’urbanistes, reste expérimental. —

Impact du projet

Deux emplois créés pour gérer le projet

1 500 mètres carrés de friches réemployées

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