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24-04-2013
Mots clés
Alimentation
Pollution
France

Faut-il vraiment faire du compost avec nos ordures ?

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Faut-il vraiment faire du compost avec nos ordures ?
(Flickr / Laurent Colonna)
 
La justice vient de rejeter un méga projet de centre de tri mécano-biologique, en Seine-Saint-Denis. Vendue comme un outil de valorisation de nos déchets, cette technique est largement décriée en France.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Une usine de méthanisation qui a recours au procédé de tri mécano-biologique (TMB), c’est un peu comme une grosse machine qui engloutit nos ordures ménagères. La poubelle de la cuisine, celle de la salle de bain, la corbeille du bureau, la benne du jardin. Tout. Plus besoin de s’enquiquiner à trier ses déchets, mettre telle raclure dans la poubelle jaune et telle autre dans la bleue. Une fois collectés, les détritus sont triés et le bon grain est recyclé en compost, qui sera ensuite revendu aux agriculteurs pour amender leurs sols. Et le méthane issu de la fermentation sera revendu pour créer de l’énergie.

Invention magique ? Pas vraiment. Jeudi 18 avril, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le projet de construction de l’une de ces usines, censé ouvrir dès 2015 sur la commune de Romainville (Seine-Saint-Denis). Les habitants des neuf communes alentour, réunis sous la bannière de l’association de riverains Arivem, dégustent leur victoire.

« Installer une telle usine dans une zone urbaine comme la nôtre comporte des dangers, s’insurge Philippe Boisseau, vice-président d’Arivem pour la ville de Bobigny. L’explosion est un risque minime mais qui existe. Je ne parle pas des nuisances olfactives. Toutes les usines qui existent dégagent une odeur nauséabonde. Et quand je dis nauséabond, c’est de l’œuf pourri à des kilomètres à la ronde ! » L’usine de Romainville devait être la plus grosse d’Europe, avec 322 500 tonnes de déchets traités par an – alors que selon l’Ademe, les capacités des TMB varient entre 67 000 et 266 000 tonnes chaque année. « Ici à Romainville, la première installation qui accueille le public est à une cinquantaine de mètres du projet d’usine », rappelle cet habitant.

« Ces contaminants qui finissent dans la terre »

Et ces TMB ne plaisent pas à tout le monde. Il en existe actuellement une soixantaine en France. « Dès qu’il y a un projet de TMB quelque part, une association locale se monte  », remarque Laura Caniot, chargé de mission au Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid). Comme Adech à Bayonne ou Garosud à Montpellier. Chez Arivem, on ne balaie pas que devant sa porte. Philippe Boisseau admet qu’il est « nécessaire de traiter les déchets au plus près de leur origine. Mais les TMB, c’est une aberration écologique ».

Pourtant, les entrepreneurs vendent la technique comme un outil de valorisation écologique des ordures ménagères. Dans les Deux-Sèvres, le Syndicat mixte de traitement et d’élimination des déchets (Smited) explique sur son site que « un tiers des déchets, qui autrefois étaient enfouis, vont pouvoir être recyclés, principalement sous la forme d’un compost fertilisant immédiatement utilisable par l’agriculture ». Une fois séparées, les matières organiques sont conservées et laissées en fermentation. Au bout de quelques jours, on obtient du compost. « Mais un compost de mauvaise qualité, nuance Laura Caniot. C’est notre poubelle qui finit dans cette grosse machine. C’est inquiétant quand on sait que deux piles sur trois partent encore aux ordures classiques. Il y a aussi les restes de berlingot de javel, des ampoules basse consommation qui contiennent du mercure. Ce sont tous ces contaminants qui finissent dans la terre. »

Une norme laxiste ?

Depuis 2009, le compost issu de la valorisation des ordures ménagères doit respecter la norme NFU 44-051. Mais Laura Caniot estime que « la norme est loin d’être suffisante ». Par mètre cube de compost, elle autorise encore actuellement la présence de 5 kg de métaux et de verres ainsi que 2,7 kg de plastiques. L’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) et l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) ont comparé en 2012 les composts issus de TMB et ceux issus de biodéchets collectés séparément. L’étude conclut que le compost issu des TMB contient 1,2 à 2,6 fois plus de traces métalliques que celui créé après la collecte sélective.

Rien d’étonnant pour la spécialiste des biodéchets. « Le tri mécano-biologique ne peut en aucun cas être une alternative à l’incinération ou l’enfouissement. D’autant que le compost qui serait révélé de mauvaise qualité devra être enfoui à son tour ». Sans compter les déchets non fermentescibles qui finissent enfouis ou incinérés. L’Ademe estime dans son avis publié en 2012 que « la production d’un compost conforme aux exigences réglementaires à partir d’ordures ménagères impose vraisemblablement des investissements plus lourds et une performance renforcée des installations qu’une production de compost à partir de biodéchets collectés sélectivement ».

Dans les TMB, les épluchures de légumes, les mouchoirs en papier et les tailles de haie entrent en contact avec les autres déchets cracra. Même s’il sont séparés a posteriori, ils ont eu le temps d’être contaminés estime le Centre d’information sur les déchets. En Europe, les pays ont tendance à abandonner les quelques projets d’usine engagés. En 2007, la France ne comptait que 5 centres TMB. Cette même année, l’Allemagne, elle, décidait d’en fermer deux. La France reste aujourd’hui l’un des seuls pays d’Europe qui accepte la technologie du tri mécano-biologique pour faire du compost. Elle est proscrite en Angleterre sur les sols agricoles en raison de la prégnance de métaux lourds. En Belgique et en Espagne, seules les ordures triées de façon sélective sont utilisées pour du compost. S’il est évident que l’enfouissement n’est pas une solution, rien ne remplace le tri des déchets organiques à la source pour cette organisation indépendante. Pour Philippe Boisseau, « l’aberration est aussi sociétale. Comment expliquer aux citoyens qu’il faut continuer à trier si on leur dit qu’une machine miraculeuse fait tout pour eux ? Les populations, dans nos zones urbaines, sont pourtant prêtes à recycler. »

Le tri mécano-biologique, comment ça marche ?

Les poubelles ménagères sont collectées et acheminées au centre. Sont alors séparés les éléments organiques des autres déchets (métaux, verres, plastiques...). Ces matières biodégradables comprennent les épluchures de légumes et restes alimentaires, les déchets verts du jardin (tailles de haie, tonte de gazon, feuilles mortes ...) et les matières en cellulose (essuie-tout, mouchoir en papier). Ces détritus ont la capacité de pourrir et de fermenter. Ils sont donc placés dans des silos pendant plusieurs semaines. Arrosées régulièrement pour accélérer le processus de ventilation, vos fanes de carottes serviront de compost, susceptible d’être employé nourrir les sols... si les céréaliers en veulent bien. Ce procédé diffère des structures de méthanisation utilisées par certains agriculteurs. A la campagne, on étouffe le lisier pour qu’il fermente et crée un gaz. Ce méthane est réutilisé pour produire de l’énergie et le digestat est répandu sur les terres.

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Née au bout de la Loire, un pied dans l’Atlantique, l’autre embourbé dans la terre, elle s’intéresse aux piafs et aux hortensias, observe ses voisins paysans et leurs élevages bovins. Elle enrage devant les marées noires. Licenciée en lettres, elle sort diplômée de l’Institut pratique du journalisme de Paris en avril 2012. Elle scrute les passerelles qui lient les hommes à leurs terres. Parce que raconter la planète, c’est écrire au-delà des pommes bio et du recyclage de papier.

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